DROITS POLITIQUES DES CITOYENS MRE 3/5- Double langage du SG du CCME et non existence d’un avis consultatif du Conseil relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.
DROITS POLITIQUES DES CITOYENS MRE
3/5- Double langage du SG du CCME et non existence d’un avis consultatif du Conseil relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
L’émission «Al Oâmk Almaghribi » a vu dernièrement le passage de Abdellah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger qui a développé (avec un journaliste qui se trouve être le directeur du site, mais sans contradicteur), sa version comme responsable du CCME, sur un certain nombre de points importants relatifs au Conseil, aux droits politiques des MRE, aux politiques publiques en leur direction et à d’autres thèmes. L’émission s’est déroulée en arabe, mais le site a fait et publié également une synthèse en français sur chaque partie.
Celle que nous retenons ici et qui a déjà été reproduite dans son integralité à la 1ère partie de la présente contribution au débat, est consacré à la participation politique des MRE, publié par le site «Al Oâmk Almaghribi» en français sous le titre: « Boussouf appelle le gouvernement et le parlement à assumer leurs responsabilités dans la participation politique des MRE ».
Aprés chacun des passages de la déclaration de Boussouf (qui sont précédés par la référence: le site «Al Oâmk »), nous formulons nos remarques et propositions dans un cadre d’éclairage et de décryptage. Il faut se parler, ne pas rompre l’échange. Notre dialogue public que nous voulons franc, sans complaisance, serein, constructif avec le secrétaire général du CCME et respectueux de la personne (et de tous les responsables interpellées ici), se fait en cinq parties.
Les deux premières, déjà publiées par OujdaCity sont les suivantes :
1- Les déclarations très discutables du secrétaire général du CCME.
2- Double langage du secrétaire général du CCME et non existence d’un avis consultatif du Conseil relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.
Voici aujourd’hui la troisième sur le thème: Double langage du secrétaire général du CCME et non existence d’un avis consultatif du Conseil relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.
LE SITE « AL O MK » :
Invité de l’émission «Dialogue avec le journal Al Oâmk », Abdellah Boussouf a souligné que le débat sur cette question doit être ouvert au sein de l’institution législative afin d’élaborer un projet national qui serve les intérêts du Maroc et de sa communauté résidant à l’étranger «J’ai toujours dit, précise – il, que la majorité dispose de tous les moyens pour voter une loi qui permette aux MRE de participer politiquement». Il estime que cette participation politique est un droit constitutionnel qui doit être mis en œuvre et sur lequel on ne peut fermer les yeux, notant que « les droits constitutionnels ne peuvent pas être exercés simultanément, et comme l’a dit le roi, les conditions objectives doivent être réunies pour activer ces droits ».
Il a rappelé à cet égard, que le CCME avait proposé que l’on « commence par la Chambre des Conseillers à partir de 2012, étant donné que celle-ci représente les différentes catégories de professionnels, d’entreprises, de syndicats et de collectivités territoriales, mais cette proposition n’a finalement pas été retenue ».
NOS CINQ REMARQUES
Cette partie des propos du secrétaire général du CCME suscite de notre part les réflexions suivantes, qui tournent autour de cinq axes :
– Le secrétaire général du Conseil, en flagrant délit de double langage.
– Une interprétation non mûrie du discours royal du 17 juin 2011.
– Non existence d’un avis consultatif du CCME relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.
– Deux représentations MRE complémentaires, non antagoniques.
– Ambiguïté calculée et instrumentalisation de l’article 17 de la Constitution.
1- Le secrétaire général du Conseil, en flagrant délit de double langage
Les passages précédents de l’intervention, montrent clairement le double langage tenu habituellement concernant la participation politique par rapport au Maroc de nos compatriotes établis à l’étranger. Le secrétaire général du CCME, semble à priori, fermement attaché et convaincu de la légitimité de cette participation et représentation des citoyens MRE à la Chambre des députés à Rabat, au point que certains observateurs ont même affirmé que le numéro 2 du CCME a procédé à une grande inflexion de sa position. La virulence des critiques adressées aux gouvernements successifs et aux parlementaires semblent accréditer la thèse d’une grande inflexion de la position du secrétaire général en la matière, mais nous allons montrer qu’il n’en est rien.
En effet, juste après le passage où le secrétaire général du CCME semble appuyer la participation politique des MRE, il affirme autre chose, voir le contraire, à savoir qu’une constitution n’est pas faite pour être appliquée intégralement. Pour un responsable d’une institution nationale constitutionnelle, qui plus est, de « bonne gouvernance », l’argument est cocasse.
Ceci voudrait dire à titre d’exemple, qu’il n’est nullement nécessaire d’appliquer l’article 17 de la Constitution. Et pourquoi pas, on pourrait ajouter selon cette logique, même l’article 163 (consacrant la constitutionnalisation du CCME), sa non opérationnalisation justifiant ce statuquo qui arrange bien les responsables du Conseil, voir même certains de ses membres qui continuent à bénéficier de certains avantages, alors que les commissions connaissent, selon le mot public de deux membres du Conseil…. « une mort clinique ».
Deux témoignages forts dans ce sens, disponibles sur vidéos YouTube, ont été exprimés dans le cadre de l’émission « Arc En Ciel », avec pour titre «L’iceberg CCME », à l’occasion du Xè anniversaire de ce Conseil : Omar Elmourabet, membre du Conseil vivant à Paris (intervention le 24 décembre 2017) et Najib Bencherif, membre du Conseil basé à Dubaï (témoignage du 7 janvier 2018)
A travers cette attitude, on comprend mieux pourquoi, les responsables du Conseil ne sont nullement pressés de préparer et de présenter les deux avis consultatifs précités.
2- Une interprétation non mûrie du discours royal du 17 juin 2011
L’argument choc utilisé pour justifier l’éternel report de l’application notamment de l’article 17, est le recours une nouvelle fois à un discours royal. Le secrétaire général ayant eu recours à maintes reprises à cette référence, il s’agit du discours royal du 17 juin 2011, prononcé à quelques jours de la tenue du référendum de révision constitutionnelle du 1er juillet 2011 , auquel avaient participé les citoyens MRE, dans lequel le Souverain annonçait les grandes lignes des réformes à entreprendre , dans la lignée du discours royal fondateur du 9 mars 2011.
Dans le discours du 17 juin 2011, il est pourtant dit notamment à propos des droits politiques des citoyens marocains établis à l’étranger par rapport au Maroc : « pour ce qui concerne nos citoyens à l’étranger, ils disposeront d’une représentation parlementaire dés que la formule démocratique y afférente aura mûri, étant entendu qu’ils jouissent du droit de voter et de se porter candidat dans les deux chambres du parlement. »
Comment peut-on dire à partir de ce discours, que le Roi est contre la représentation parlementaire des citoyens marocains établies à l’étranger et qu’il considère ces derniers comme non mûrs !? Comment penser un seul instant, que le discours royal du 17 juin 2011, destiné à présenter les grandes avancées en matière de réforme constitutionnelle et notamment au niveau des citoyens marocains résidant à l’étranger, avant de les soumettre au référendum du 1er juillet 2011, auquel allaient participer également les citoyens MRE, annonce que ces derniers ne pourront pas, dans le cadre de la constitution rénovée, être représentés au Parlement !?
Cette interprétation de ce discours pré-referendum par le SG du CCME est un abaissement et une régression des termes du débat public ! D’autant plus que déjà, dans le cadre de la constitution précédente de 1996, par le biais des articles cinq et huit, les citoyens MRE pouvaient être représentés à la Chambre des députés, comme ils l’avaient déjà été de 1984 à 1992 à partir des mêmes dispositions à travers cinq députés de l’émigration, élus par le biais de cinq circonscriptions électorales législatives de l’étranger. Donner cette interprétation limitative et erronée du discours royal du 17 juin 2011, c’est présenter les initiatives royales, matérialisées par le discours historique et fondateur du 9 mars 2011, non pas comme un tournant progressiste majeur, mais comme un recul et une régression manifeste !
En fait, contrairement à l’interprétation tendancieuse formulée depuis bien longtemps par le secrétaire général du CCME pour justifier la situation de stand-by au plan politique concernant les droits démocratiques des citoyens MRE, consistant à dire que la situation n’est pas mûre pour passer à l’action concrète et que c’est le Roi lui-même qui affirme en quelque sorte que les MRE ne sont pas mûrs, l’objectif du discours royal en ce domaine était tout autre.
Il s’agirait, à notre sens, d’une invitation pressante et d’une forte incitation au mûrissement de la réflexion pour agir, avec l’ouverture réelle des discussions, des consultations et concertations, l’approfondissement du débat, une recherche concrète des méthodes pratiques pour réaliser sur le terrain la pleine citoyenneté des MRE. À cela, on peut ajouter l’apprentissage des expériences étrangères et d’abord et surtout, vouloir entreprendre la réforme.
Non pas abandonner l’objectif même, céder au défaitisme, cultiver l’immobilisme et encore moins répandre des arguments mensongers pour ne pas réaliser la participation. Non pas militer avec zèle comme l’ont fait et le font encore les responsables du CCME pour que cette représentation parlementaire des MRE à Rabat, à partir des pays de résidence ou par le biais d’une liste nationale, n’ait pas lieu.
La méthode de la direction tripartite du Conseil a consisté à invoquer notamment des arguments fallacieux, non pas pour faire mûrir la situation, en réfléchissant au comment et aux modalités concrètes, mais pour faire mourir et enterrer définitivement l’idée même de la participation politique et représentation parlementaire au Maroc des citoyens MRE à partir des pays de résidence (ou par le biais d’une liste nationale) !!!
Ici une question se pose, celle de savoir qui va décider de l’opportunité, des conditions propices et quand. Au vu des déclarations répétées du SG du CCME, la réponse est déjà donnée : la situation ne sera jamais opportune ! D’autant plus que son activisme s’inscrit dans ce sens et cette démarche constitue même, à travers ses récentes déclarations, le fond de sa « campagne électorale » qui ne dit pas son nom, pour accéder à la présidence du Conseil, avec l’appui de ceux qui proposent les noms, ou bien ont leur mot à dire au vu des dossiers.
Or la graine de citoyenneté, l’idée de dignité citoyenne pour les MRE, même ensevelies par les détracteurs des citoyens marocains établis à l’étranger, ne peuvent que germer et éclore !
Dès lors, utiliser par les responsables du CCME l’argument de non maturité des circonstances, comme moyen de défense pour ne pas contribuer activement et méthodiquement à l’effectivité des droits politiques des citoyens MRE, devient un élément à décharge contre sa direction. De notre point de vue, et ceci vise également les gouvernements successifs, c’est parce que les modalités d’organisation de l’exercice de ces droits n’ont pas été réellement inscrites dans l’agenda du Conseil, qu’une réflexion sérieuse n’a pas été menée dans ce sens, qu’ aucune concertation étroite n’a été ouverte dans cette perspective avec les milieux concernés, c’est pour toutes ces raisons, jointes à l’absence de volonté politique des gouvernements successifs, que la participation votative et la représentation parlementaire des citoyens MRE a été empêchée.
Dès lors, il n’y a pas de place au défaitisme et au manque d’ambition. L’attente infinie n’est pas la solution, c’est le problème.
3- Non existence d’un avis consultatif du CCME relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseiller
Concernant la sois-disante proposition du CCME relative au commencement de la participation politique des MRE par leur inclusion à la Chambre des conseillers à partir de 2012, une première question se pose : par qui et pourquoi « cette proposition n’a pas été finalement retenue », selon la déclaration de Boussouf ?
En second lieu, un défi est lancé au secrétaire général du CCME pour présenter un document dans ce sens, avec arguments à l’appui, montrant, non pas que d’aucun(s) dans le cadre d’un tour de table à une réunion d’échange interne du Conseil, ait(aient) pu marquer sa (leur)préférence pour la représentation MRE à la Chambre des Conseillers, mais que le Conseil , en tant que tel, a formulé un avis consultatif en bonne et due forme, voir même une proposition qui aurait été entérinée par l’assemblée plénière du CCME. Or encore une fois et encore, celle-ci ne s’est réunie qu’une seule fois, les 6 et 7 juin 2008 pour acter le lancement des activités avec l’adoption du règlement intérieur et procéder à la répartition des tâches.
En nous basant sur des témoignages concordants de certains membres du Conseil, ce qui s’est réellement passé va totalement à l’encontre de ce qui est prétendu par le secrétaire général du Conseil. En effet, juste après le référendum 2011 et l’adoption par conséquent de la nouvelle Constitution, la direction du CCME a demandé « en coulisse », à des membres du Conseil, de prendre leur « bâton de pèlerin » pour mener auprès des acteurs politiques, un plaidoyer pour la représentation des MRE, non pas à la Chambre des représentants, compte tenu de l’acquis de l’article 17, mais à la Chambre des conseillers…
Pourtant celle-ci était bloquée au niveau de son article 63, qui n’ pas prévu un collège MRE pouvant servir institutionnellement à l’élection dans un deuxième temps des MRE à la Chambre des conseillers. Or la direction du CCME est en grande partie responsable de ce blocage, montrant ainsi que son initiative de proposer de mener le plaidoyer n’était pas cohérente, sincère, mais l’expression d’une duplicité.
En effet, en 2011, dans le cadre de la commission de réforme constitutionnelle, deux de ses membres qui appartenaient par ailleurs au CCME (le président de ce conseil, qui est devenu en même temps président du CNDH, ainsi qu’un autre membre), plus le conseiller spécial du président auprès du groupe de travail du CCME sur la participation politique et la représentation parlementaire, ont selon des témoignages internes concordants, joué un rôle néfaste d’opposition systématique aux droits politiques des citoyens MRE.
Dans le cadre d’un «lobby» qui a regroupé d’autres membres, ils ont fait en sorte que la commission nationale de révision de la Constitution ne retienne pas une proposition de réforme consistant à prévoir la représentation de la communauté marocaine à l’étranger à la Chambre des Conseillers. Cette proposition se retrouvait pourtant largement appuyée dans les mémorandums présentés par des acteurs politiques et même syndicaux et associatifs.
Il s’agit notamment du Parti de l’Istiqlal, du PAM, de l’USFP, du RNI, du Mouvement Populaire, de l’Union Constitutionnelle, du parti Forces Citoyennes, des syndicats UMT et UGTM, de l’Organisation des Jeunes du Parti de l’Istiqlal, d’Al Wassit pour la démocratie et les droits de l’homme, de la Ligue des associations régionales.
Modestement, en tant qu’analyste-chercheur dans le domaine de la migration, l’auteur de ces lignes a proposé dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2011, la représentation des citoyens MRE également à la Chambre des Conseillers. Le titre de notre livre de 175 pages, édité le 26 mars 2011, était le suivant : «Gestion migratoire au Maroc et projet de réforme constitutionnelle 2011 », avec comme sous-titre : «Plaidoyer pour la constitutionnalisation de la représentation des citoyens marocains à l’étranger dans les 2 chambres du parlement ».
On sait que la représentation des citoyens MRE à la Chambre des Conseillers, exige préalablement l’existence d’un collège électoral MRE, dans la mesure où l’élection à la seconde Chambre se fait de manière indirecte. A titre d’exemple, on peut avoir un CCME élu, dont les membres éliraient à leur tour des conseillers à la seconde chambre. Mais comme ce «lobby » ne voulait pas avoir un CCME élu, ils ont fait en sorte que la Constitution révisée ne prévoit pas un collège MRE pour intégrer cette composante dans la Chambre des Conseillers.
4- Pour une représentation MRE dans les deux chambres du parlement
Cela dit, la participation des Marocains de l’extérieur à la deuxième chambre, n’exclut nullement leur inclusion institutionnelle à la première chambre aussi, comme c’est le cas, à titre d’exemples, en France et en Italie. En effet, la communauté marocaine établie à l’étranger, n’est pas composée exclusivement de commerçants, artisans, hommes ou femmes d’affaires, syndicalistes ou dirigeants de chambres professionnelles. Les Marocains « du dehors » sont, dans leur grande majorité, de simples citoyens comme les citoyens « du dedans » qui ont le droit de voter aux élections pour les deux chambres, mais compte tenu de certaines incompatibilités, ne peuvent, bien entendu, être candidats qu’à l’une des deux chambres parlementaires de leur choix, s’ils remplissent les conditions requises.
5- Ambiguité et instrumentalisation de l’article 17 de la Constitution
Contrairement à l’affirmation de certains membres du CCME, qui claironnent (émission spéciale MRE de Radio 2M-Yabiladi du 15 janvier 2020), que c’est grâce aux responsables de ce Conseil, que des avancées notables en matière de droits politiques des MRE ont été intégrées à la Constitution, un autre aspect négatif est à relever.
Le rôle néfaste de ce lobby s’est manifesté en effet également dans la formulation de l’article 17 de la Constitution, qui n’a pas prévu explicitement le mode d’élection des députés MRE par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger. Par la suite, les responsables du CCME ont fait de cet article 17 une interprétation anti-démocratique, contredisant même la Constitution de 1996, qui permettait même cette participation à travers les articles 5 et 8.
Ces articles stipulent respectivement : « Tous les Marocains sont égaux devant la loi » et «L’Homme et la femme jouissent de droits politiques égaux. Sont électeurs tous les citoyens majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
C’est ainsi qu’après le référendum constitutionnel 2011, Driss El Yazami, président du CCME, déclarait le 15 février 2012 à une table ronde organisée au stand de ce conseil au Salon international de l’édition et du livre à Casablanca (SIEL), que si on veut à l’avenir permettre aux Marocains résidant à l’étranger d’être éligibles comme députés à partir des pays de résidence, la nécessité de modifier la constitution, en particulier son article 17, s’impose, parce que celui-ci n’avait pas prévu explicitement l’élection de députés MRE, par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger !!! Mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait durant les travaux préparatoires du projet de constitution, s’il voulait vraiment défendre les droits des citoyens marocains à l’étranger !? Cependant, ne soyons pas naïfs. Pour celui dans l’objectif numéro un était (et reste toujours) d’empêcher les Marocains résidant à l’étranger de jouir concrètement de leur citoyenneté intégrale, l’occasion était trop belle pour ne pas la saisir.
La même interprétation antidémocratique a été fournie par un autre membre de la commission nationale de révision de la constitution (Nadia Bernoussi, universitaire), lors d’une rencontre – sensibilisation organisée par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, le 2 mars 2013 à Amsterdam sur la constitution du 1er juillet 2011 et la participation politique des Marocains du monde. La même lecture régressive a été faite à quelques jours d’intervalle (9 février 2013) par la même intervenante, lors d’un débat organisé à Paris par l’Association RIME (Réseau des Indépendants Marocains de l’Etranger) proche du parti du Rassemblement National des Indépendants (RNI) sur le thème : «Mise en œuvre de la nouvelle constitution marocaine : enjeux et opportunités pour la diaspora ? »
À ce propos, le recours à cet argument de «dissuasion massive» a bien été fait par l’ancien ministre de l’intérieur, Mohamed Hassad, le 8 mars 2016, lors du dialogue entre le gouvernement et les partis politiques, relatif à la préparation des élections législatives du 7 octobre 2016.En effet, pour ce qui est de la nécessaire députation des citoyens MRE, il avait exprimé un «niet» catégorique, s’agissant aussi bien des circonscriptions électorales législatives de l’étranger, que celle d’une liste spécifique MRE. La communauté marocaine à l’étranger ne peut être représentée à la Chambre des députés, parce que, selon l’ex-ministre de l’intérieur, qui s’était transformé pourrait-on dire dans le cadre de la séparation des pouvoirs en président de la Cour constitutionnelle (!!!), ceci est contraire aux dispositions de la Constitution !!!
Par ailleurs, l’ancien ministre de l’intérieur avait ajouté un autre argument choc. Le gouvernement, déclare t-il, ne veut pas établir de discrimination entre les Marocains de l’étranger. Or comment faire participer au vote 800 000 Marocains de confession juive, vivant en Israël ?
En conclusion à cette partie
Loin de justifier la diatribe menée par la direction du CCME contre les partis politiques et les groupes parlementaires pour n’avoir pas favorisé juridiquement l’élection des députés MRE, l’analyse des déclarations de cette direction et de sa pratique concrète, montre au contraire que ses membres dirigeants ont toujours été eux-mêmes, contre la participation et représentation politique des citoyens MRE.
Comme nous le montrerons dans la partie qui suivra, il appartient maintenant aux groupes (et groupements) parlementaires, de déposer (ou re-déposer celles datant de 2014 en les actualisant et en les approfondissant), des propositions d’amendements à la loi organique relative à la Chambre des Représentants, en perspective des élections législatives 2021, pour concrétiser sur le terrain, la députation des citoyens MRE.
Une mention particulière concerne le groupe des députés istiqlaliens. En effet, le comité central de leur parti a adopté fin juin 2019 un livre blanc très intéressant sur les droits politiques des citoyens MRE et les réformes y afférentes à entreprendre, avec toutefois une remarque de fond. Le « livre blanc » a totalement passé sous silence le cas de la Fondation Hassan II pour les MRE, dont la loi 19/89 doit être profondément revue pour permettre notamment la démocratisation de son comité directeur, qui est limité à l’heure actuelle, s’agissant de la représentation MRE, à celle des « amicales » de triste mémoire des « années de plomb ».
Comme le même parti, par le biais d’une lettre de son secrétaire général Nizar Baraka, a saisi par lettre tout dernièrement le Chef du gouvernement, non seulement pour commencer dés maintenant le débat gouvernement-partis politiques sur la réforme du code électoral, en y incluant aussi le dossier global des droits politiques des MRE et d’activer l’ouverture de ces discussions, il serait souhaitable dans la même logique, que le groupe parlementaire istiqlalien traduise rapidement en initiatives législatives, le contenu du « livre blanc ».
Mais dans ce cas, le secrétaire général du CCME devrait cesser de combattre l’action responsable des partis politiques et des parlementaires en matière de droits politiques des citoyens MRE, à l’inverse de ce qu’il a toujours pratiqué, comme on le verra longuement demain dans la quatrième partie.
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
DEMAIN : 4ème partie : Le secrétaire général du CCME a combattu l’action responsable des partis politiques et des parlementaires en matière de droits politiques des citoyens MRE.
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