Conseil National du PJD et droits politiques des MRE
Par Abdelkrim Belguendouz
En cette fin de semaine,se tient à Rabat une session du Conseil National du Parti de la Justice
et du Développement,qui est hiérarchiquement après le congrès national,,l’instance la plus
importante de cette formation politique,constituant en quelque sorte son parlement.
Un ordre du jour chargé
L’ordre du jour de cette instance du parti qui dirige la coalition gouvernementale depuis les
résultats des élections législatives du 25 novembre 2011 est très chargé,comportant notamment
deux points principaux : la date du prochain congrès national du PJD ,dont le principe du report
après les législatives a déjà été arrêté par la direction du parti et la préparation des prochaines
élections législatives marocaines en 2016.
La date qui sera fixée pour la tenue du prochain congrès national de ce parti constitue elle-même
un enjeu,dans la mesure où son report après les élections législatives,dont la date officielle n’a
pas encore été fixée,signifierait que la possibilité est donnée à son secrétaire général actuel de
briguer un troisième mandat à la tête de ce ce parti,permettant ainsi à Abdelilah Benkirane de
diriger le gouvernement issu des prochaines législatives,au cas bien entendu,où le PJD
obtiendrait le plus grand nombre de sièges dans la prochaine configuration de la Chambre des
Représentants.
L’autre point de l’ordre du jour des travaux du Conseil National est la préparation
matérielle,organisationnelle et politique des prochaines élections législatives qui devraient
normalement se dérouler durant le second semestre 2016.Sur cette question,les travaux de
l’instance du PJD sont attendus avec beaucoup d’intérêt sur le dossier de la communauté
marocaine résidant à l’étranger et notamment sur ses droits politiques par rapport au Maroc.
On remarque en effet un changement radical sur cet aspect entre la position du PJD quand il
était dans l’opposition,et celle qu’il défend au sein du gouvernement Benkirane.
Positions avancées du temps de l’opposition…
Comme nous l’avions alors appuyé à travers des interventions médiatiques ou des analyses
parues dans des ouvrages,du temps de l’opposition,le PJD était le seul parti politique à avoir en
2007, à travers ses députés,introduit et défendu jusqu’au bout,des amendements au code
électoral et à la loi organique de la Chambre des Représentants,pour permettre aux citoyens
marocains à l’étranger de voter et d’élire leurs députés à partir de circonscriptions électorales
législatives de l’étranger.Les seuls autres acteurs politiques qui défendaient au même moment
les droits politiques des citoyens marocains à l’étranger par rapport au Maroc étaient les députés
PSU à la première chambre et les conseillers du groupe CDT à la deuxième chambre.
Tous les autres groupes parlementaires avaient suivi sur ce plan le contenu du communiqué du
16 juin 2006 du ministère de l’intérieur,préconisant en accord avec les partis politiques de la
majorité de l’époque,d’appliquer la démarche dite progressive ou graduelle à la décision royale
du 6 novembre 2005,consistant à permettre aux MRE d’être représentés à la chambre des
députés,à partir de circonscriptions électorales législatives de l’étranger..
En novembre 2011,lorsque en dépit de l’esprit de l’article 17 de la constitution rénovée de juillet
2011,le gouvernement avait mis en place pour les MRE la procédure de la procuration ( vers le
Maroc) au lieu du vote direct sur une liste spécifique de MRE,,Abdelilah Benkirane qualifiait au
nom du PJD cette procédure de la procuration.en terme d’insulte : » le vote par procuration est
une insulte ! Une façon de dire que les MRE étaient bons quand il s’agissait de faire passer le
référendum et que maintenant qu’il s’agit de législatives,ils ne servent plus à rien »! ( interview le
11 novembre au « Courrier de l’Atlas »). Au même moment,le secrétaire général du PJD conseillait
aux MRE de » continuer à se battre.Il ne faut pas lâcher,c’est leur droit »!
Reniements et volte-face
Ironie du sort,c’est contre le gouvernement actuel,dirigé par le PJD,que les citoyens marocains
résidant à l’étranger se battent maintenant,en raison de la volte face opérée par le chef du
gouvernement,consistant à dire que la situation n’est pas mûre pour faire représenter les MRE
par le biais de députés de l’émigration,en raison notamment des difficultés techniques et
matérielles à organiser des élections à l’étranger,alors que de nombreux pays arrivent à le
faire,dont la Tunisie,l’Algérie,la France,l’Italie,le Portugal,la Croatie,le Mozambique,la Colombie
etc.
Sur un plan pratique,et alors que les élections législatives se dérouleront dans quelques mois,le
gouvernement n’a nullement mis à jour la législation électorale permettant le vote et l’élection à
l’étranger de députés de l’émigration.Aucun projet de loi n’a été présenté dans ce sens.Au même
moment,le gouvernement n’a manifesté aucune bonne volonté à faire aboutir les propositions de
lois déposées dans ce sens par les députés de l’USFP,de l’Istiqlal et même du PJD ! L’examen
de ces textes est stoppé depuis pratiquement une année entière au sein de la commission de
l’Intérieur de la Chambre des Représentants ,en raison de l’absence de volonté politique du
gouvernement.
Au même moment et comme pour faire perdre leur raison d’être à toutes ces initiatives
législatives parlementaires et discréditer la demande démocratique pressante des citoyens
marocains résidant à l’étranger,le CCDH,dirigé par le même président que celui du
CCME,préconise cette fois-ci pour les MRE à l’occasion des législatives 2016,le vote
électronique ou le vote par correspondance ( vers le Maroc) en lieu et place du vote par
procuration ! Le gouvernement et ses diverses composantes,en premier lieu le PJD,suivront-ils
cette démarche foncièrement antidémocratique,destinée à priver une nouvelle fois les MRE de
leurs droits politiques pleins et entiers !?
Initiatives souhaitables
Dés lors,le Conseil National du PJD sortira t-il avec une résolution claire et nette
pour la reprise et l’aboutissement des travaux de la commission parlementaire,pour permettre
enfin aux citoyens marocains résidant à l’étranger,de jouir de leurs droits politiques pleins et
entiers conformément à la constitution !? Le PJD a tous les moyens politiques pour réaliser cet
objectif si la volonté politique y est.Il dirige le gouvernement et dispose de la majorité
parlementaire…
Si selon les propos du secrétaire général du PJD tenus en novembre 2011,les anciens
gouvernements craignaient la victoire du PJD aux élections législatives qui se seraient déroulées
parmi les MRE,que craint le chef du gouvernement actuel en organisant les élections législatives
à l’étranger,par le biais des consulats et ambassades du Maroc afin d’assurer la représentation
parlementaire des MRE ?
A quelques mois de la fin de mandat de l’actuel gouvernement,le PJD devrait à notre sens
également,activer l’opérationnalisation des articles constitutionnels permettant la mise en
place des institutions nationales prévus par la constitution de 2011.Il en est ainsi de l’article 163
concernant le Conseil de la Communauté marocaine à l’étrange.Créé le 21 décembre 2011 pour
une durée provisoire de quatre ans,le CCME dont un des membres appartient au PJD et dirige
même la commission nationale de ce parti relative aux MRE,connaît de très graves
dysfonctionnements et ses responsables n’assument nullement leurs responsabilités. Il est
temps par conséquent que la situation change et que le CCME rénové soit enfin mis en place,en
faisant en sorte que le prochain conseil soit démocratique,représentatif,élu et
efficient,conformément au discours royal du 6 novembre 2007.
Sur ce plan,le gouvernement n’a nullement pris ses responsabilités.Le projet de loi qui devait
être préparé par le ministère chargé des MRE et des affaires de la migration en liaison avec le
ministère des affaires étrangères et du CCME lui même,n’a nullement été élaboré,en
contradiction totale avec le « Plan législatif » sur lequel s’était pourtant engagé le gouvernement.
Devant cette défection manifeste,et pour certaines depuis bien longtemps,quatre propositions
de lois sur le CCME ont été déposées respectivement par le PAM,l’USFP,l’Istiqlal et les quatre
partis de la majorité de manière commune ( PJD,RNI,MP,PPS).Mais la commission des Affaires
étrangères ne les a encore nullement programmées en raison dit-on,de l’absence de volonté
politique du gouvernement.Là aussi,dans sa motion politique,le Conseil national du PJD va t-il
lancer un signal fort et faire en sorte que ses représentants au gouvernement ( en premier lieu le
chef du gouvernement) et ses parlementaires prennent leurs responsabilités dans toutes les
structures du parlement ( les deux groupes parlementaires,bureaux des deux chambres,bureaux
des commissions concernées..),pour qu’enfin ces propositions de lois soient mises à l’étude et
aboutissent à l’objectif escompté,en concertation directe et démocratique avec la société civile
MRE.Ce séminaire de réflexion et de consultation devrait,de notre point de vue,être organisé par le Parlement à travers ses deux chambres.
Voilà quelques unes des remarques critiques constructives et des propositions citoyennes
soumises concernant le dossier stratégique national de la communauté marocaine résidant à
l’étranger, à l’occasion de la tenue les deux prochains jours de la session du conseil national du
PJD.
Rabat,le 8 janvier 2016
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,
chercheur spécialisé en migration
Belguendouz
1 Comment
Les partis politiques ont peur des MRE.
Les MRE vont se présenter comme ‘sans appartenances’.
On gagnera inch Allah et on fermera le CCME .
Le Maroc n’a pas d’argent pour des bêtises