Remarques au CCME sur les « Chibanis » marocains en France
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,chercheur spécialisé en migration
Signé CCME et paru sous le titre » France : un décret permet aux chibanis de profiter de leur
retraite dans le pays d’origine », le site officiel du Conseil de la communauté marocaine à
l’étranger ( CCME),publie à sa une depuis le 19 octobre 2015,un décret du gouvernement
français n° 2015-1239 du 6 octobre 2015,relatif à l’aide à la réinsertion familiale et sociale des
anciens migrants dans leur pays d’origine et à la création d’un fond de gestion ». Ce décret est
signé par le Premier ministre ( Manuel Vals),la ministre des affaires sociales,de la santé et des
droits des femmes (Marisol Touraine),le ministre de l’économie,de l’industrie et du numérique
(Emmanuel Macron),le secrétaire d’Etat chargé du budget ( Christian Eckert).
Un clonage médiatique
Le site ne s’est pas contenté de donner l’information en reproduisant le décret en question,mais
cette publication a été accompagnée de jugements de valeurs positifs,comme on le constate à
travers la notice de présentation suivante,assortie d’un commentaire du CCME : »Un décret
permettant aux migrants âgés de choisir librement leur lieu de résidence sans perdre leurs
prestations,a été publié le 8 octobre 2015.Le décret entre en vigueur à partir du 1er janvier
2016.Cette disposition prévue dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
du 14 février 2014,MET FIN À DES ANNÉES DE COMBAT DES « CHIBANIS » QUI RÉCLAMAIENT
DE POUVOIR PROFITER DE LEUR RETRAITE DANS LEUR PAYS D’ORIGINE.Dés 2016,avec la
mise en place d’une AIDE (!!!) spécifique pouvant aller jusqu’à 550 Euros par mois,ils auront LA
POSSIBILITÉ D’EFFECTUER DES SÉJOURS DE LONGUE DURÉE DANS LE PAYS D’ORIGINE
SANS PERDRE LEURS DROITS »
Pour l’essentiel,et en dehors de la remarque sur les luttes menées par les « chibanis » et qui
doivent maintenant,selon le site, être terminées, ,le CCME ne fait ici que reprendre à son compte
l’interprétation très discutable véhiculée par le ministère français des affaires sociales,de la
santé et des droits des femmes et relayée notamment par l’AFP et par bien d’organes français de
la presse écrite,concernant la mesure prise par la ministre Marisol Touraine.
Amateurisme du CCME
Pourtant,à défaut du suivi de longue date du dossier par les responsables du CCME,une simple
vérification de leur part ou un contact par leurs soins du tissu associatif agissant sur le terrain en
France dans ce domaine ( comme CAP SUD MRE,l’ATMF,El Ghorba,Collectif Justice et Dignité
des chibani-a-s),aurait dû les amener à faire les constats suivants :
1-La mesure était prévue déjà depuis plus de huit ans ( loi relative au droit au logement
opposable dite « DALO »).
2-Le nombre des retraités « chibanis » en France est de 800.000 étrangers,toutes nationalités
confondues ( dont 175.000 marocains),alors que la mesure ne concerne que très peu de
personnes qui vivent seuls dans des foyers ou résidences pour immigrés : quelques 35.000 selon
le ministère de la Ville…
3- La mesure n’est pas une « aide »,mais le remplacement de l’ASPA (Allocation de solidarité des
personnes âgées ) et de l’aide personnalisée au logement ( APL) par cette « aide »,est très
problématique.
4- En effet,cette « aide », »qui peut aller jusqu’à 550 Euros »,est inférieure au montant de l’ASPA qui
est déjà de 800 Euros.
5- Pour bénéficier de ce qui est en fait une « aide au retour » déguisée,il faut séjourner plus de six
mois dans le pays d’origine.
6- La mesure ne règle pas du tout la prise en charge des soins médicaux pour les étrangers (ici
au Maroc),qui est très importante pour les personnes âgées,dans la mesure où le bénéfice à la
sécurité sociale tombe si on ne séjourne pas en France plus de six mois.
Dans un article précédent,en date du 16 octobre 2015 intitulé « retraités marocains en Europe:
des droits bafoués »publié par le site OujdaCity et auquel le lecteur est invité à se référer,nous
avions largement analysé la question pour ne pas avoir à revenir longuement à la démonstration
du caractère trompeur et mystificateur de la présentation que font les officiels français de la
mesure prise.Le jour même,l’attention avait été également attirée par une alerte de CAP SUD
MRE à travers un article ayant pour titre titre : « une avancée,mais pas encore LA solution » .
Mais peine perdue ! Et comme à l’accoutumée,par ostracisme,tout article publié par la
presse,qui vient de personnes critiques à l’égard de la politique suivie par les responsables du
CCME,ne doit pas être reproduit dans la rubrique « Médias et Migration » du site.
Absence du gouvernement
Entre-temps et par rapport à l’évolution de ce dossier,le gouvernement marocain,à travers ses
multiples départements concernés,est hors de ce monde.De même,pour n’avoir pas réagi par le
biais de clarification en terme de communication à l’adresse des Marocains en
France,l’ambassade du Maroc et les multiples consulats du Maroc en France,semblent être en
dehors de l’hexagone.Et puisque,sans professionnalisme,sans discernement ni vigilance,le site
officiel du CCME,en lieu et place d’assurer une mission de »veille » sur les droits des MRE, élargit
au plan de la communication cette opération de mystification et de tromperie,en estimant dans le
cadre d’une véritable « publicité mensongère »,que la question des « chibanis » est en quelque
sorte entièrement résolue de manière favorable pour les concernés qui terminent ainsi
victorieusement leurs luttes,et que ce problème est de ce fait,derrière nous,une conséquence
s’impose .
Nous disons au contraire ,au vu de la persistance de l’injustice et de la discrimination entre
retraités étrangers en France et retraités français :
« Chibanis » marocains ( et autres immigrés) en France : continuons le combat !
Rabat,le 21 octobre 2015
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,chercheur spécialisé en migration
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