Nouvelle Politique Migratoire du Maroc : Engager réellement le débat
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration
Le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration a pris une bonne initiative . Celle d’organiser le vendredi 9 septembre 2016 , à partir de 9 h 30 au Centre d’accueil et de conférences à Hay Ryad à Rabat , un séminaire intitulé » L’An 3 de la Politique Nationale d’Immigration et d’Asile : Bilan et perspectives . »
Cette rencontre se veut un moment propice pour faire le point sur la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc initiée en septembre 2013 par le Roi Mohammed VI et de préciser à la lumière de l’expérience acquise en la matière , la feuille de route pour l’avenir .
EVITER LE MONOLOGUE DES OFFICIELS
Cependant , compte tenu des enjeux liés à ce dossier , il nous paraît de la plus haute importance de ne pas limiter cette rencontre à un monologue officiel , mais de réunir les conditions pour engager une véritable discussion , dans le cadre d’un débat pluriel et ouvert . En effet , le programme élaboré prévoit deux séances principales , le tout devant se terminer à 14 heures . La première renvoie à la séance inaugurale où sont programmés une série d’officiels : le ministre chargé des MRE et des affaires de la migration ; le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur ; le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères et de la coopération ; le président du Conseil National des Droits de l’Homme ; le délégué interministériel charge des droits de l’Homme et comme invitée , la ministre de la migration et de la citoyenneté du gouvernement de l’Ontario au Canada .
Comme d’habitude pour ce genre de séance d’ouverture , il n’est prévu aucune discussion avec la salle , alors qu’un débat public avec les responsables de la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc serait le bienvenu . D’autant plus que le mandat du gouvernement Benkirane touche pratiquement à sa fin et que , dans ces circonstances , si le lancement de cette politique humaniste et avant-gardiste initiée par Sa Majesté le Roi a été très bien accueilli nationalement et au niveau international , et qu’une stratégie nationale en matière d’immigration et d’asile a été élaborée, par contre , de graves lacunes subsistent .
Hormis l’opération de régularisation , la concrétisation sur le terrain de cette stratégie nationale nécessite encore un approfondissement du débat en la matière , en particulier avec la société civile étrangère au Maroc et la société civile marocaine .
OUVRIR ET ÉLARGIR RÉELLEMENT LE DÉBAT
Lors de ce séminaire , le débat devrait à notre sens s’ouvrir également sur les raisons de l’énorme retard pris par le gouvernement Benkirane dans l’élaboration de deux projets de lois fondamentaux pour cette nouvelle politique : le projet de loi sur l’asile et le projet de loi qui doit se substituer à la loi 02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, l’émigration et l’immigration irrégulière . Nous sommes à la veille du scrutin législatif du 7 octobre 2016 . Autant dire que ces projets de loi ne seront pas votés durant la législature qui s’achève . Si au moins dans ce séminaire , les aspects de ces projets de lois qui posent encore problème , soient discutés publiquement !
La séance numéro 2 est prévue sous forme de panel avec la participation de représentants de divers départements ministériels concernés ou d’organismes internationaux au Maroc qui apportent leur concours à la politique gouvernementale en la matière . La liste est la suivante : ministère chargé des MRE et des affaires de la migration ; ministère de l’Intérieur ; ministère de l’Education nationale ; ministère de la Santé ; ministère de l’Emploi et des Affaires sociales ; ministère de la Solidarité , de la femme , de la famille et du développement social ; OIM ( Maroc) et Haut commissariat des Nations unies aux Réfugiés au Maroc . Par contre , une seule ONG de la société civile a été sollicitée pour prendre la parole ( le GADEM ) , alors qu’une analyse objective de cette nouvelle politique nécessite une lecture plurielle avec la participation de diverses ONGs , des syndicats , ainsi que celle de chercheurs universitaires en migration .
Nous lançons par conséquent un appel pressant aux organisateurs du séminaire pour qu’ils revoient le programme en élargissant la participation aux non officiels et prévoient plusieurs moments d’une large discussion avec la salle , y compris après l’intervention des officiels . Un réel débat a ses exigences . Il ne peut se limiter à un point de vue monolithique et à la présentation à sens unique du bilan d’une politique , sans soumettre les interventions des responsables à la discussion publique contradictoire .
Quand finira t-on avec ces pratiques de séminaires qui s’achèvent pratiquement avec la séance d’ouverture qui débute très souvent avec beaucoup de retard ( qui diminue d’autant les possibilités de discussion ultérieure ), séance d’ouverture qui est généralement précédée d’une multitude de déclarations des responsables aux médias , qui ne prennent même pas la peine de rester par la suite pour couvrir l’ensemble des travaux ! ?
Par ailleurs , s’il ne faut nullement négliger les aspects concernant l’immigration étrangère au Maroc , pourquoi à l’occasion de la fin du mandat du gouvernement Benkirane , le même département n’organise t-il pas un séminaire avec un réel débat sur le bilan de la politique gouvernementale en direction des citoyens MRE et les perspectives d’avenir !?
Rabat , le 6 septembre 2016
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration
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