Le titre de l’œuvre est trompeur : il laisse entendre que le lecteur va vivre avec le condamné à mort son jour ultime avant sa décapitation. Mais au fur et à mesure de la lecture de l’œuvre, il découvre qu’il va le côtoyer pendant plus d’un jour. Le dernier jour à proprement parler se situe 17 chapitres en aval, au niveau du chapitre XVIII qui se termine par cette interrogation froide et pleine d’angoisse et de terreur car le compte à rebours tire à sa fin :’’Est-ce que ce serait pour aujourd’hui ?’’. La confirmation,à n’en pas douter, vient avec le chapitre XIX qui s’ouvre et se ferme avec la réponse à la question, exprimée sous forme d’exclamation de désespoir, d’affliction et de consternation devant l’énormité de ce qui l’attend le même jour:’’ C’est pour aujourd’hui !’’

S’étant complu à la médiocre vie de son cachot de Bicêtre où il a commencé à s’adapter à vivre aussi bien avec son mal intérieur qu’avec les tragédies et les horreurs dont la prison est un théâtre fertile, le condamné prend soudain conscience que le jour de son transfert pour La Conciergerie et de là à la Place de Grève, lieu de son exécution, est arrivé. Avait-il oublié ?

Le chapitre I constitue une réflexion du narrateur sur soi-même dans un monologue intérieur car il n’a personne avec qui communiquer ni à qui se confier : le condamné parle du condamné au condamné qu’il est.

Le chapitre se subdivise en trois moments qui reflètent l’état d’âme du narrateur et dans lequel il brosse le sinistre tableau de sa situation:

1- Un ’’autrefois’’ où le narrateur était libre de ses actes et de ses mouvements comme tous les jeunes garçons de son âge où l’insouciance de l’être, les plaisirs quotidiens, les fréquentations des filles étaient les occupations journalières…

2- Un‘’maintenant’’ où il est captif, retenu prisonnier entre quatre murs de son cachot que garde un sombre soldat.

3- Une illusion d’un cauchemar trompeur qui devait s’évanouir avec le réveil comme se dissipe la brume matinale sous les pâles rayons du soleil levant, mais bien vite le cauchemar se confirme en une réalité dure et tangible. Tout lui rappelle qu’il est bel et bien prisonnier, qu’il est bel et bien un condamné à mort.

Le chapitre augural donne une idée bien précise et bien arrêtée de la prison de Bicêtre où est enfermé le narrateur condamné à mort.

L’enferment est triple :

1- L’enfermement physique : à la suite d’un méfait accompli à l’encontre de la société, celle-ci a enfermé le narrateur criminel dans une prison en béton et en fer, avec des portes, et a mobilisé tout un état-major de gardes, de portes clés, d’argousins, de geôliers, de directeurs de prison, de bourreaux, …pour le garder, le maintenir en vie et en bonne santé pour le jour de l’exécution.

2-l’enfermement du discours : le prisonnier est seul dans sa cellule, il veut s’exprimer, dire ce qui tourmente son cœur enflé par le poids du verdict mais il n’y a personne à qui se confier. En l’absence de l’allocutaire qu’exige toute communication, il doit faire appel aux maigres ressources de la situation dans laquelle il se trouve et user du monologue intérieur comme moyen d’échange de soi avec soi. La parole demeure enfermée , prisonnière à l’intérieur d’un corps lui-même prisonnier et enfermé.

3-L’enfermement de l’énoncé ou texte : Le chapitre I s’ouvre et se ferme par le même groupe nominal ‘’Condamné à mort !’’qui résume dans toute son horreur le verdict prononcé par la cour. C’est un texte clos, fermé sur lui-même.

Conclusion : le chapitre I est un chapitre à caractère performatif dans la mesure où il fait ce qu’il dit : il parle de prison et d’enfermement et il enferme le narrateur condamné à la peine capitale comme il s’enferme lui-même dans sa structure close.

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