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PEUR SUR LE MONDE

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Mohammed BOUASSABA
Suite à cette pandémie causée par le CORONAVIRUS (ou COVID-19) qui frappe le monde de plein fouet , sans réticence aucune ni pitié, et à tout ce qui en découle à savoir : son origine, les pays qui en sont touchés, les chiffres terrifiants des victimes annoncés, les situations déplorables vécues par l’(H)omme d’abord en Chine et principalement à Wuhan où naquit ce fameux nouveau virus au début du mois de décembre 2019 , puis il se répand à partir du mois de Février en Iran, en Italie, en Espagne, en France et par la suite aux USA (les pays les plus touchés), paralysant des pays, déclenchant la psychose et secouant leur économie, outre les décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement pour faire face à cette pandémie et à un éventuel crash économique mondial…et après un flash-back qui a été déclenché en moi après avoir ressenti, comme vous toutes et tous, une sorte d’émotion se rapportant au sort de l’humain dans tout ce branle-bas auquel nous assistons quotidiennement par le biais des moyens d’informations, allant de ces situations gérées au jour le jour par les gouvernements dans l’espoir de pallier cette situation dramatique jusqu’aux implorations des peuples et analyses religieuses des OULEMAS musulmans incitant les êtres humains à revenir trop à Dieu afin d’échapper à sa malédiction en passant par les débats et tables rondes auxquels sont invités savants et scientifiques dans le but de nous éclairer , sans oublier les corps médicaux, dépassés, qui luttent sans relâche dans des hôpitaux surpeuplés pour sauver les vies humaines ainsi que la présence des pouvoirs publics et forces de l’ordre sur le terrain pour faire appel à un total confinement, ces deux dernières catégories encouragées et soutenues moralement : applaudies par les populations , chantées par des poètes et des musiciens, interprétées par des artistes, traduites par des auteurs … et après recueillement et quelques moments de méditations, faut-il s’interroger sur le sort collectif de l’humanité, et évoquer moult évènements tragiques du genre qui ont eu lieu depuis des lustres et particulièrement dans l’Histoire contemporaine de notre pays… à cet effet j’ai été amené à vous livrer un texte parmi d’autres qui pourrait traduire une période d’épidémie, de maladies et de misère qu’a connue les habitants de la ville de TAOURIRT et sa région, désastre qu’ont pu courageusement franchir nos ascendants démunis, et par ailleurs toute la population marocaine certes, dont la plupart d’entre vous chères lectrices et chers lecteurs avez entendu parler et que nos parents ou grands-parents ont bien vécu et ce, durant quelques années vers la fin de la première moitié du siècle dernier, et dont voici quelques désolantes images.
Paragr 2 : L’ANNEE DU BON APPELEE AAM L’BOUN.
Il fut un temps où on distribuait un peu de ravitaillement contre des bons pour subsister, c’était au temps de AAM L’BOUN (l’année du bon). Un ticket de rationnement sous forme de BON POUR était octroyé aux familles pauvres pour obtenir des produits alimentaires à un prix bas. On devait présenter son (ou ses) bon à l’un des magasins désignés par les autorités françaises dans les villes et dans les différentes petites localités des campagnes où se faisait la distribution de quelques produits alimentaires de base très limités à cette catégorie de population et qui se faisaient rares sur le marché : C’étaient du riz, de la farine, de l’huile par exemple, du sucre et du thé (chez certains les dattes pouvaient être utilisées pour sucrer un thé ou un café). C’était entre 1938 et 1942, durant la deuxième guerre mondiale (1937-45). A cette fin, on avait désigné à TAOURIRT quelques commerçants dont L’MABROUK. Cette opération était supervisée par Abdelqader Ould CHAOUCH qui était agent de bureau sous l’autorité du Contrôleur Civil et à qui ces commerçants rendaient le compte.
Mon défunt père m’avait raconté que la famine et les épidémies, du typhus en particulier, avaient ravagé une bonne partie de la population des banlieues et des campagnes avoisinantes, où on se nourrissait d’herbes (s’il y en avait !), ou d’autres qu’on grillait pour les additionner au peu de farine d’orge pour en faire du pain. Une argile blanche un peu mousseuse au contact de l’eau appelée TARNISTE, tenait lieu de savon pour faire la lessive. Dans d’autres endroits, on utilisait pour le même besoin, les racines d’une plante sauvage appelée TIGHIGHIT.
A TAOURIRT, les gens étaient crasseux et très mal vêtus. Certains portaient des guenilles, d’autres se permettaient de se vêtir d’une gandoura, « RAGGABIYA » ainsi appelée pour son ouverture au niveau de l’épaule pour l’été et d’une JELLABAH (habit traditionnel marocain en laine couvrant tout le corps, qui peut être aussi en tissu avec capuchon) pour se prémunir contre le froid d’hiver. Elle était vieillie par le temps, éraillée et rétrécie par l’usage et le lavage. Elle pouvait convenir durant des années à un maigre corps résigné. Ces pauvres misérables étaient venus avec, de la campagne durant les tous premiers exodes forcés, délaissant leur nid natal et tentant l’aventure pour survivre. La plupart des enfants, garçons et filles, chétifs et morveux, au visage pâle et émacié par manque de nutrition, marchaient pieds nus. Ils étaient dispensés des jeux par crainte du soldat en faction qui se montrait fort agressif et armé. Ils étaient presque tous pouilleux et sales de peau, une saleté sordide qui cachait leur pâleur comme les adultes. La faim qui était la principale cause de cet aspect maladif battait son plein. On se rasait complètement le crâne, c’était une tradition. Certains se couvraient la tête d’une calotte, d’autres étaient enturbannés. Les teigneux, le crâne complètement infecté et couvert d’une épaisse croute de teigne purulente ne pouvaient se débarrasser des mouches qui les dévoraient et s’y repoussaient avec voracité intraitable. En l’absence d’un hôpital civil dans un premier temps, ceux-là n’étaient pas soignés comme il le fallait. Leurs parents les emmenaient au bord d’une rigole ou d’une rivière, les faisaient agenouiller, la tête prête à être mouillée et grattée, ensuite être rincée d’un sang de couleur fade mêlé au pus, au fur et à mesure du rinçage. Le grattage de cette couche, se faisait, sous de fortes lamentations du patient, à l’aide d’une semelle de sandale en alfa ou un morceau de natte, produits rugueux qu’on confectionnait à la main. Certains avaient grandi sans le moindre cheveu sur la tête dont le cuir était devenu glabre et lisse au toucher et d’aspect rosâtre. Les gens vivaient dans la vraie misère et à la merci des maladies de toutes natures, ils gouttaient de l’amertume de ce que leur avait réservé le destin qu’on ne pouvait ni fuir ni contrarier, car c’était la volonté de DIEU admettaient les croyants. Très rares ceux qui vivaient modestement. Les chanceux, les éveillés et les débrouillards avaient de quoi vivre. C’étaient des gens instruits, ou des familles à revenu modeste. C’étaient surtout les musulmans algériens, privilégiés par leur approche des occidentaux pour ne pas dire des civilisés. Le monde arabo-musulman, ne l’oublions pas, avait aussi vécu le plein essor de sa civilisation pendant des siècles, mais a fini en décadence comme toutes les civilisations qui l’ont précédé.
Les jeunes filles et les femmes qu’on ne voyait pas, ou rarement sous leur voile, vivaient le même sort. Elles avaient toutes de puissants cheveux longs qu’elles ramassaient jalousement sous des foulards pour ne les libérer et ne les faire apparaitre qu’à leur époux, le soir au coucher. Chez elles au soleil, par manque d’insecticides, elles se regroupaient à même le sol pour se débarrasser de leurs « habitants » et s’épouiller mutuellement. Une telle existence vécue par ces pauvres malheureux et malheureuses, réduits à rien, était due à l’impact de cette guerre et à une absence totale de pluie sur le Maroc oriental, ce qui a engendré une grande et longue sécheresse. On ne pouvait observer le moindre nuage susceptible d’annoncer une éventuelle averse bienfaisante salvatrice ! Ce phénomène avait duré presque sept ans jusqu’au point où la couche terrestre asséchée avait rougi (aspect pédologique qui s’explique par l’évaporation entrainant les sels minéraux et les matières organiques à la surface sous l’effet d’une grande et longue sècheresse). Le cheptel n’avait pas pu non plus échapper à cette force naturelle, force Divine, destructive due à ce climat.
Un proche de quatre-vingts ans m’avait raconté que des gens étaient tombés malades et que la misère et le typhus avaient fait des ravages vers 1945 à TAOURIRT. Des invasions de peste et de variole avaient eu lieu. On emmenait ceux qui étaient atteints sur une place qui se trouvait avant le pont de l’Oued ZA pour les traiter : Les malades étaient complètement trempés dans de grands futs pleins de produits pharmaceutiques pour une éventuelle guérison. La plupart succombait à cette épidémie sinon à la faim. On rencontrait de temps à autre quelques victimes presque nues comme des vers, se diriger vers le lieu d’une décharge trainant difficilement à plat ventre leurs corps amaigris par les maladies et la famine dans l’espoir de trouver des restes de déchets d’aliments, des épluchures ou autres détritus, très affaiblis ; certains ne pouvaient trouver que la mort qui agrégeait leur trainée vers le but. Quelle misère ! Pour les aider à mourir tranquillement, on les adossait contre le mur pour un dernier souffle.
Ces corps inertes d’inconnus, continuait à me décrire ce proche, niés et délaissés quelques moments, attendaient jusqu’à trouver leurs ramasseurs. MOHAND E’HADDOU qui était MOQADDAM était assisté par MEKTOUB ALLAH, le muezzin : ils les cherchaient et les transportaient sur une charrette qu’ils poussaient eux-mêmes pour aller s’occuper de leur enterrement. Ils furent surveillés une fois par un bonhomme, un misérable qui avait eu l’idée d’aller ouvrir leurs tombes après la tombée de la nuit afin de récupérer les linceuls et les vendre pour pouvoir survivre. Après qu’on eut découvert les profanateurs des tombes, QODAD et L’KHATIR qui étaient Mokhaznis furent chargés de la surveillance du cimetière pendant la nuit. Le malfaiteur, malgré lui, fut surpris et conduit pour être jugé. Il a été condamné à trente ans de prison. L’odeur des cadavres attirait des hyènes affamées qui tentaient de déterrer des morts sans défense.
La misère n’épargna personne durant ces dures années de famine, même certains européens l’avaient vécue, on parlait d’un certain Monsieur ORTIGNO qui était aussi mort de la faim. Il habitait dans l’une des vieilles maisons de l’ancien camp.
Des étrangers à la ville arrivaient par petits groupes, en familles, parfois par dizaines, affamés, malades et complètement épuisés. Ils venaient à pied de la région Nord, zone sous domination espagnole. Ces malheureux traversaient la Moulouya et passaient par « CAMBARTOU » (CAMP BERTEAU), petite agglomération rurale de la tribu des LARBAE ; située à une vingtaine de kilomètres à l’Ouest de Taourirt , l’unique passage qui leur permettait d’aller en Algérie sous occupation française pour y travailler car la main d’œuvre agricole marocaine était fort demandée. Pour eux, c’était l’eldorado de l’époque.
L’Oued Moulouya avait servi comme instrument naturel opportun pour tracer une carte géopolitique.
TAOURIRT était devenue donc le principal lieu de passage entre le RIF et les confins algéro-marocains.
Parmi ces migrants il y’avait des hommes, des femmes et des enfants qui s’entassaient du côté du Marché, fatigués, dans tous les états décrits précédemment. Pour les aider à combattre la mort, les braves agriculteurs KERROUMIS et KOULALIS (originaires de KRARMA et des BENI-KOULAL) qui fournissaient de bon matin leurs produits aux marchands de légumes offraient des légumes frais à ces malheureux misérables. Ils vidaient devant ces affamés des sacs entiers de fèves et de carottes qu’ils laissaient croquer et avaler à l’état brut sous les yeux des petits commerçants du voisinage, des passants et des autorités. Ces pauvres gens ne trouvaient que les rues pour dormir à la belle étoile ou encore les plus gâtés les petites bicoques à l’intérieur des fondouks.
Suite à ces quotidiennes images qui avaient duré, L’CAYED CHAOUI des HLAFS – les alliés- s’était manifesté auprès du Contrôleur Civil qui était venu sur les lieux pour voir de près et évaluer la situation.
Pour le rappeler les HLAF dont , nous citons : LES KRARMA , LES RBAE, OULED SLIMANE,OULED LMAHDI, EJJAE… , qui formaient au temps du SIBA un ensemble de tribus arabes sédentaires et voisines géographiquement sur leurs vastes terres irriguées et de parcours pour chasser les tribus berbères venues des montagnes avoisinantes en nomades accompagnés de leur cheptel.
Afin de venir en aide à ces damnés de l’épidémie et de la misère, ce dernier leur accorda des rations de produits alimentaires afin d’alléger leur souffrance dans l’espoir de subsister…
Extrait du chap.II : Les dures années de famine du récit : LES MURIERS DE LA VALLEE DU ZA, ouvrage publié en février 2018, de son Auteur Mohammed BOUASSABA .

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