les polluants de notre alimentation
Des produits dangereux pour la santé dans nos assiettes
A l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, célébrée le 5 juin, et de sa thématique « l’économie verte : en faites-vous partie ? », le Dr Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en Gériatrie et présidente de l’Association Marocaine des Maladies Auto-immunes et Systémiques (AMMAIS) veut attirer l’attention sur les risques sanitaires éventuels au Maroc de certains produits dont on retrouve couramment la trace dans notre environnement et plus particulièrement dans notre alimentation.
Ø Des interrogations sur l’innocuité de certains produits de notre environnement qui perturberaient notre système immunitaire
Plus de 100 000 produits accompagnent notre vie quotidienne, présents dans notre alimentation et à l’intérieur de nos maisons.
Leurs risques, en cas d’exposition accidentelle, sont bien connus mais ceux de leur présence plus insidieuse dans notre alimentation le sont moins,
Néanmoins, ils sont de plus en plus mis en cause dans le développement des cancers, des maladies endocriniennes, allergiques, neurologiques, et de maladies auto-immunes.
Rappelons que dans les pathologies auto-immunes, le système immunitaire chargé normalement de défendre notre corps des agressions (des bactéries, virus, parasites…) se retourne contre notre organisme en s’attaquant à nos propres cellules.
Il y a plus d’une centaine de ces pathologies chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, le diabète de type I, la sclérose en plaques, la myasthénie, le lupus, la maladie de Gougerot, le psoriasis, des affections de la thyroïde, du système digestif, du foie, du sang, et des vaisseaux sanguins.
ØUn état des lieux des principaux produits retrouvés dans notre alimentation et susceptibles de présenter un risque à certaines doses
Un passage en revue des principaux produits concernés s’impose en analysant leurs utilisations, les éventuelles contaminations et leurs conséquences sur la santé.
· Des produits utilisés dans l’agriculture et l’élevage
Pesticides: A base de métaux comme le sulfate de fer ou de cuivre et de produits de synthèse, ils sont utilisés comme herbicides, insecticides, etc. On les retrouve dans les fruits et légumes, les céréales, les produits d’origine animale (œufs, lait, viande) ainsi que dans l’eau des rivières et même du robinet. La plupart des contaminations restent infimes mais une forte ou longue exposition à ceux-ci (en particulier pour les agriculteurs) augmenterait les risques de cancer, de troubles neurologiques ou de la reproduction.
Nitrates : Ce sontdes engrais que l’on rencontre ensuite dans l’eau, les légumes, etc. Leurs utilisations intensives entraînent une pollution des eaux qui perturbe l’équilibre des milieux aquatiques. Ils provoquent une prolifération de certaines plantes comme les algues en bord de mer. Ils ne sont pas dangereux en soi mais, à forte concentration dans le corps, ils peuvent par exemple diminuer le transport l’oxygène dans le sang.
Hormones de croissance : Ces substances (œstradiol, progestérone, testostérone …) sont administrées aux bétails et volailles (et même aux poissons pour favoriser leur reproduction). Leur utilisation est autorisée aux USA et dans beaucoup d’autres pays mais pas en Europe. Elles auraient des effets neurobiologiques et cancérigènes.
Antibiotiques : longtemps employés dans l’élevage comme activateurs de croissance, une pratique interdite en Europe depuis 2006, leurs emplois sont toutefois encore souvent détournés vers cet usage. Ils sont souvent trop présents dans les viandes, les poissons d’élevage, le lait ainsi que l’eau des rivières et du robinet. Ils accroissent les phénomènes de résistance aux antibiotiques, les excréments des animaux contaminant les sols et les eaux et ensuite toute la chaîne alimentaire. L’infection en juin 2011 en Allemagne de viande hachée et de graines germées par des bactéries (Eschérichia Coli, de souche résistante aux antibiotiques) a causé le décès de plusieurs personnes et est malheureusement un bon exemple de ce risque. Certains antibiotiques à doses répétées se révèlent des perturbateurs des systèmes endocriniens et immunitaires.
- Des produits employés dans l’industrie
Phtalates : Ils sont notamment utilisés dans la fabrication des plastiques pour leur donner de la souplesse (films plastiques, bouteilles en plastiques). Ils ont la capacité de migrer vers les aliments, notamment ceux contenant des graisses, et sont alors absorbés avec notre nourriture. En Europe, trois phtalates considérés comme dangereux vont être interdits au contact alimentaire entre 2014 et 2016.
Bisphénol A (BPA°) : Ce produit chimique est très utilisé dans l’industrie du plastique car il assure rigidité, résistance aux chocs, durabilité et transparence (présent par exemple dans la vaisselle en plastique, le revêtement intérieur des boîtes de conserve. Le problème est qu’il peut migrer hors des plastiques vers les aliments quand il est chauffé.
Par précaution, le bisphénol A est maintenant interdit en Europe dans la composition des biberons qui seront désormais en verre ou en polypropylène. En outre, on va en Europe vers une interdiction du bisphénol A pour les produits au contact de l’alimentation.
PCB – polychlorobiphényles : Ce sont des dérivés du chlore très répandus autrefois dans l’industrie comme lubrifiants, peinture, transformateurs électriques… Se dégradant difficilement, ils font partie des POP (polluants organiques persistants) : interdits depuis une trentaine d’année, ils continuent cependant à polluer les rivières et la mer en contaminant surtout les poissons (gras) ainsi que les fruits de mer, le lait, les œufs, etc. Les PCB s’accumulent ensuite dans nos tissus et sont classés comme cancérigènes probables.
Dioxines : polluants interdits aussi depuis une trentaine d’année, on les retrouve cependant dans la nature car elles sont peu biodégradables. La viande, les produits laitiers, les œufs, les poissons (où elles se fixent définitivement dans leurs graisses) peuvent être contaminés : les denrées en contenant sont à retirer de la vente car elles altèrent notamment les défenses immunitaires.
Métaux lourds – aluminium, arsenic, mercure, cadmium, plomb, thallium : Présents naturellement dans le sol et utilisés dans l’industrie, on les retrouve dans les aliments, en particulier les poissons. Leur toxicité dépend de la dose et ils peuvent engendrer notamment des troubles neurologiques, pour les enfants en particulier.
- Des substances diverses dans l’alimentation
Mycotoxines : Ce sont des moisissures toxiques, dues souvent à de mauvaises conditions de stockage, dans les céréales, les graines oléagineuses, les fruits secs, etc. Elles produisent des matières dangereuses pour l’homme : des ingestions répétées et accidentelles peuvent déséquilibrer le système immunitaire ou causer des cancers. Une de ces mycotoxines, l’aflatoxine B1 est ainsi un cancérogène puissant qui accroît, même à très faibles doses, le risque de cancer du foie.
Les pollutions de l’air, notamment celles causées par la circulation automobile, jouent par ailleurs un rôle dans les perturbations de l’équilibre de notre organisme.
ØDes règles internationales (OMS) de plus en plus strictes
Une partie importante des réglementations concernant tous ces produits s’appuie sur le principe de la quantité de substance que l’organisme peut recevoir sans risque, partant du principe que c’est « la dose qui fait le poison ».
Une dose journalière admissible (DJA) est ainsi déterminéepour chaque substance autorisée dans l’alimentation, que l’on peut ingérer quotidiennement pendant toute une vie sans risque. Elle est calculée à partir de la dose sans effet observée sur les animaux, divisée ensuite par 100 ou mille (par précaution). Elle est donnée en milligrammes de substance par kilogramme de poids corporel.
Une dose journalière tolérée (DJT) est calculée aussipour les produits interdits dans l’alimentation.
En conclusion, Si la plupart de ces produits ont indéniablement un rôle indispensable dans le développement de notre économie et l’amélioration de notre niveau de vie, seul le respect des réglementations quant à leurs emplois est le garant d’un bénéfice sans risques.
Références :
– Revue 60 millions de Consommateurs – Hors Série N° 157, octobre/novembre 2011
– L’impact de l’environnement sur l’origine de certaines maladies, et notamment les maladies auto-immunes, en débat à l’Institut Supérieur d’Études Maritimes (ISEM) : http://maritimenews.ma/news/science.html?start=5
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