Incompréhensible Maroc !
Lorsqu’on apprend que Monsieur Ramid et Professeur Elouardi ont demandé d’une manière timide l’implication du ministère des habous pour la sensibilisation des marocains aux bienfaits du don d’organes, on comprend combien le mode de fonctionnement de nos hommes politiques semble taillé à juste mesure.
Si monsieur Ramid a été touché par la thèse de doctorat en médecine que sa fille a soutenue sur le thème de dons d’organe et a accordé ses organes en médiatisant son acte à sa manière, je ne comprends pas cet élan hâtif et médiatique du professeur Elouardi, cet urgentiste de talent qui sait mieux que quiconque autre que la sensibilisation au don est de loin la dernière composante de cette entreprise de don et de transplantation d’organes et tissus humains, car si on donne des organes, il va falloir les transplanter , Or, franchement avons-nous la logistique des infrastructures, des hommes, et de dispositifs juridiques pour récolter l’impact d’une telle campagne de sensibilisation ? Savons-nous dans quelles conditions un organe est prélevé ? Transporté ? Transplanté ? Quel est le coût post transplantation ?
Je crois que ce gouvernement patauge, ne sait quoi faire et invente encore et à sa manière le mensonge, ce qui est regrettable, car nous avons vraiment cru qu’au moins le réalisme sera de mise avec ces ministres new constitution, hélas.
Le projet de loi n°16-98 sur les dons et greffes d’organes et de tissus humains a été approuvé Jeudi 24 juin 1999 par la chambre des Représentants. Ce projet, m’avait permis de vivre cette étape importante de l’histoire de la médecine au Maroc, bien avant cette date d’adoption, nous avions été unis dans un comité d’organisation du débat sur le don et la greffe des organes au Maroc : réalités et perspectives, tenu le 9 Décembre 1998 au Hyatt Regency à Casablanca , au coté du professeur Wajih Maâzouzi, chef du service de chirurgie vasculaire A au CHU Avicenne , ayant à son actif la première et seule transplantation cardiaque totale à partir d’un cadavre.( lire son livre : un cœur pour Houcine), il y avait aussi le professeur Driss Zaid, chef de service de néphrologie au CHU Averroès, le professeur Saâd Benjelloun chef de service du service de l’urologie du même hôpital ( la paire qui a réussi la première transplantation rénale à partir d’un donneur vivant apparenté appelé familièrement DVA en 1986 déjà), le professeur Saâd Elmoutawakail, Chef de service de la réanimation chirurgicale du même CHU ainsi que le professeur Lahoucine Barrou chef de service du célèbre ail 17 au même CHU à Casablanca. Ce comité était composé aussi du professeur Ahmed Azirar, enseignant chercheur à l’ISCAE, du professeur Rajae Naji Mekkaoui enseignante à la fac de droit à Rabat, du professeur Mehdi Elmandjra juriste, et de moi-même, en tant que coordinateur général du comité d’organisation par ma qualité de directeur d’études et de développement à Central Service, une agence de presse et d’informations à Casablanca. L’objectif de ce débat était de réunir autour d’un dîner débat, le gouvernement, les commissions des affaires islamiques et sociales au parlement et à la chambre des conseillers, les professeurs médecins, les sociologues, les juristes, économistes, les journalistes, les hommes de la société civile…. Nous sommes tous donneurs ou receveurs, cela nous concerne tous, c’était tout un plateau pour expliquer que la recherche en sciences biomédicale est possible au Maroc, que la chirurgie de remplacement ou transplantation sont des pratiques à portée de nos compétences, mais que le projet de loi ( qui devait être présenté à la chambre de représentants, après avoir été approuvé déjà en conseil de gouvernement, et en conseil de ministres) nous voulions créer un lobbying pour modifier les contours afin d’en faire une loi encourageante plutôt que contraignante et sans précision. Pour vous permettre de situer l’importance du sujet de ce projet de loi je vous prie de lire en intervalle ce lien :
http://www.leconomiste.com/article/dons-dorganes-le-parlement-refuse-la-greffe-de-reins-au-privetant
Tout au long de trois mois qu’ont duré les préparatifs de ce débat, les enseignements autour de ce sujet ont été riches ….certains détails donc pour l’histoire :
Il parait que c’est la réussite de la transplantation cardiaque du professeur Wajih Maâzouzi en 1996 qui a été à l’origine de la décision de feu Hassan II de doter le Maroc d’une loi sur ce sujet, la réalisation de Maâzouzi a fait le tour de la presse du monde entier, et bien des chefs d’états ont même félicité le Roi, c’était une source de fierté de voir ce petit marocain réussir ce que seuls les grands de la médecine avec leurs gros moyens réussissent. Dans l’euphorie donc, feu Hassan II, parait-il, s’était tourné vers ses médecins (ou les médecins du palais pour certains) pour leur demander si on n’avait pas une loi sur les organes et la transplantation, ils ont tous dit non, c’est alors qu’il leur ordonna « Alors, faites nous quelque chose »
Il s’agissait du professeur Berbiche, du professeur Benomar et du professeur Sebti, ces concepteurs de ce projet de loi ont produit un texte qui non seulement a désorienté le débat pour en faire une polémique entre le secteur privé et le secteur public, mais a carrément limité les champs d’excellence d’autres médecins, car parait-il, il ne fallait pas permettre que d’autres compétences émergent, on est médecin du palais parce qu’on est le meilleur, il ne faut pas qu’il y ait donc d’autres meilleurs. Sinon, comment expliquer par exemple que la définition de la mort cérébrale, ou mort encéphalique (ca veut dire quand le cerveau cesse de fonctionner) vacillait entre le diagnostic du réanimateur et du procureur du roi du tribunal. Le législateur justifie la nécessité de mettre des grades fous pour limiter les dérapages, alors que les réanimations des hôpitaux du Maroc étaient toutes dotées de machines qui nous informent quand l’activité cérébrale cesse et de manière efficace tout simplement, et sans accord du procureur, tout médecin pouvait être accusé d’homicide volontaire, ce qui n’était pas du tout encourageant pour tous ceux qui auraient pu constituer une locomotive de cette thérapeutie de remplacement.
Le projet de loi a été modifié partiellement, et depuis le Maroc qui a été le premier pays arabe a pratiqué une transplantation rénale en 1986, était à 42 transplantations lors de ce débat en 1998, alors que le Yémen même en était à 235, Le professeur Elouardi doit avoir honte de dire avec fierté que le Maroc a réalisé 256 greffes de reins, alors qu’il sait que nous aurons pu être trop en avance.
La plupart des morts cérébrales sont dues aux accidents de la circulation supposons que les marocains répondent massivement aux appels de ces trois sensibilisateurs soudains pour une cause, comment alors le dispositif va-t-il fonctionner ? Un organe prélevé ne vit qu’un temps bien déterminé, doit être transporté dans des conditions précises et strictes, et transplanté à un malade dont tous les tests d’histocompatibilité sont conformes au donneur. Combien de médecins au Maroc sont qualifiés pour cette pratique ? Combien d’hôpitaux sont dotés de matériels, de blocs opératoires, de réanimations appropriées ? Avons-nous la possibilité d’utiliser des avions si le donneur est un accidenté à Laâyoune, que le receveur potentiel est établi à Oujda, le cœur par exemple qui ne vit hors corps humain que huit heures, seuls les reins peuvent aller hors corps humain jusqu’ 36 heures. Ces trois génies peuvent-ils nous expliquer comment les receveurs vont-ils financer les traitements post opératoires ? Pour éviter les rejets et qui sont excessivement chers ?
Lancer une campagne de sensibilisation alors que nous n’avons ni centres spécialisés, ni listes des ayant besoin, ni logistique, ni qualifications humaines suffisantes, me parait franchement débile et incompréhensible.
Tout étant transplantable sauf la tête bien sûr, imaginons donc la poubelle d’organes récoltés si les marocains écoutent Ramid et Elouardi, ils vont inscrire le don de leurs organes chez les procureurs du roi. Des organes que nous ne pourrons jamais utiliser ni à temps, ni de manière efficace.
Qu’est ce qu’on aura vu avec ce gouvernement
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