Mawazine: en avons-nous si besoin?
L’organisation du festival’’ musiques et rythmes du monde’, sous le dénominatif de Mawazine serait de nature à promouvoir la musique d’un côté, nous dit-on, et le tourisme de l’autre, nous dit-on encore, puisque l’objectif serait de faire connaître le pays à ceux qui ne le connaissent pas et faire venir les touristes étrangers pour qu’ils dépensent de leur argent et contribuent par voie de conséquence à booster l’économie nationale. C’est donc à la fois une ouverture sur l’autre et un levier économique. De plus, c’est un rayon de soleil qui égaie les cœurs que la tristesse de la platitude de la vie a assombris, une source de lumière qui éclaire de son halo lumineux le pays et le montre dans une tenue fluorescente, une brise du pays ou d’outre océan venue rafraîchir et attendrir les cœurs desséchés et endurcis, un brin de gaieté auditive et visuelle susceptible de froufrouter dans nos oreilles des airs venus d’ailleurs et de sceller les liens humains dans une communion rythmée dont le code se laisse déchiffrer au son des instruments que les lèvres ou les mains caressent pour en extraire un jus au goût de tous les convives. Nous y voilà mi convaincus, mi leurrés.
Convaincus car l’art a ses droits sur nous comme nous avons des obligations envers lui. S’il vient à nous, nous devons donc le recevoir comme il se doit par tous nos sens : boire goulûment sa parole et s’en laisser imbiber, écouter sa musique et s’en faire bercer, vivre au rythme des instruments de musique qui parlent un langage sans hypocrisie que le profane et l’avisé comprennent, indistinctement. La musique étant l’art de l’écoute, nous allons donc écouter et de la même manière voir ces chanteurs de grand talent venus d’ailleurs chatouiller nos sens que la rouille couvre de sa gangue et relaxer nos articulations nos articulations ankylosés par l’inactivité. Le temps d’une soirée. Le temps d’un délire.
Leurrés puisqu’on nous a appris tout petits, que le prix de vente d’une marchandise est supérieur au prix d’achat auquel on ajoute les frais, que le bénéfice est égal au prix de vente moins le prix de revient d’une denrée quelconque. Or à Mawazine, où il est question de business, il ne peut y avoir de bénéfices dans une transaction où le prix de revient est beaucoup plus élevé que le prix de vente. On ne peut pas nous faire admettre que les organisateurs du festival ‘’Mawazine’’ réalisent des bénéfices au profit des caisses de l’Etat que la gangrène de la corruption, de la surfacturation, de la dilapidation et des dépenses effrénées corrodent. Il est manifeste, au contraire, que le festival Mawazine contribue à vider les caisses de l’Etat pour remplir les poches des chanteurs étrangers invités au festival et à profiter de l’occasion pour en mettre dans d’autres à un moment où les regards sont rivés sur scène.
De plus, de quel droit les citoyens d’Oujda, de Bouarfa, de Errachidia, de Dakhla et des autres villes du royaume qui se trouvent à des milliers de kilomètres du lieu du festival contribuent-ils contre leur gré à amortir la facture pour les spectateurs présents au festival? De quel droit ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer pour aller au festival paient-ils pour ceux qui en ont ? De quel droit les uns paient et les autres profitent ? de quel droit fait-on venir des chanteurs, les payer à un prix fou alors que beaucoup d’entre les citoyens ne peuvent pas se payer un pain de sucre à 12,50 dirhams, un litre d’huile à 15 dirhams, un kilo de viande à 70 dirhams ? Avons-nous assez d’argent pour en donner à ceux qui en ont plus qu’il n’en faut ?
De plus, que nous apportera Shakira hormis qu’elle vient au festival présenter l’état des lieux des parties de son corps devant un public en délire? Et Elton John qui affiche clairement sa perversité quand il affirme dans un superlatif relatif ‘’Je suis l’homosexuel le plus connu du monde ?’’ Et ces danseuses venues se déhancher dans des contorsions d’un corps qui semble sans os ?
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