Le prochain CCME à la lumière des discours royaux du 6 novembre 2005, 6 novembre 2006 et 6 novembre 2007
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration
La sollicitude du Roi Mohammed VI envers les citoyens marocains établis à l’étranger est fortement présente depuis le nouveau règne . Ce n’est pas un hasard si , en particulier , les discours royaux du 6 novembre 2005 , 6 novembre 2006 et 6 novembre 2007 , correspondant respectivement au 30ème , 31ème et 32ème anniversaire de la Marche Verte , ont tous consacré leur deuxième partie à la question stratégique d’intérêt national de la communauté marocaine établie hors des frontières nationales , au même titre que le dossier de l’intégrité territoriale du Maroc , considérée comme la priorité numéro 1 à l’échelle nationale .
Place du CCME dans ces 3 discours royaux
S’agissant en particulier du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) , la décision de sa création remonte au discours royal du 30ème anniversaire de la Marche Verte ( 6 novembre 2005) . Le discours du 6 novembre 2006 avait confié à l’ex-CCDH (Conseil consultatif des droits de l’homme ) , la responsabilité de préparer un avis consultatif au Roi concernant la mise en place du CCME .
Le discours royal du 6 novembre 2007 fait état , quant à lui , de l’acceptation par le Roi de l’avis consultatif du CCDH , consistant à mettre en place pour une phase transitoire de quatre ans , d’un CCME de 50 membres entièrement nommés . Les responsables de la nouvelle institution devaient , durant cette période intérimaire , préparer un avis consultatif au Roi sur le prochain Conseil , mais ils n’ont pas assumé ce cahier de charge déterminé par l’article 25 du dahir royal n°1.07.208 du 21 décembre 2007 portant création du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger . Cet article énonce en particulier ce qui suit : » Le Conseil mis en place est notamment chargé d’approfondir les études et consultations nécessaires en vue de soumettre à la Haute Appréciation de Notre Majesté des propositions pertinentes quant à la conception de sa composition et des modalités les plus appropriées du choix de ses membres . Le Conseil doit veiller à garantir la plus efficace et meilleure représentativité des communautés marocaines à l’étranger » .
Entre temps , dans le cadre de la Constitution rénovée de 2011 , le CCME a été constitutionnalisé , assurant ainsi sa préservation , mais l’opérationnalisation de l’article 163 le concernant , ne s’est pas encore concrétisée pour refonder l’institution sur la base notamment d’une nécessaire évaluation objective de son action et de ses résultats , et la faire dépasser les dysfonctionnements structurels où elle est empêtrée depuis plusieurs années , alors qu’elle est censée faire partie des institutions de bonne gouvernance .
Une opérationnalisation en retard de l’article 163 de la Constitution
Il y eut certes le dépôt de 4 proposions de loi à la Chambre des Représentants , entreprises respectivement de manière séparée par les députés du PAM , de l’USFP , de l’Istiqlal , et des 4 partis réunis de la majorité sortante ( PJD , RNI , MP , PPS ) , mais leur inscription à l’ordre du jour ne s’est jamais faite à la Commission des affaires étrangères , des affaires islamiques et des Marocains résidant à l’étranger .
Par ailleurs , le gouvernement Benkirane , qui assure maintenant la gestion des affaires courantes après le scrutin législatif du 7 octobre 2016 , n’a pas présenté à temps un projet de loi en la matière . Ce n’est qu’au dernier moment de son mandat , que l’annonce a été faite de l’envoi d’un projet de loi au Secrétariat général du gouvernement , dont le contenu a circulé informellement , mais qui n’a jamais été programmé ni encore moins discuté en Conseil de gouvernement .
Selon cette « fuite » , le projet de loi gouvernemental se base toujours sur les pures nominations concernant la composante MRE du Conseil , avec la tentative de renouer avec le système « amicaliste » , alors que le discours royal du 6 novembre 2007 et même avant , avait ouvert pour l’avenir de larges perspectives démocratiques concernant la composition du CCME .
Appliquer la démarche royale
En effet , la nécessité d’avoir un CCME REPRÉSENTATIF est revenue dans trois discours royaux . Voila pourquoi , le prochain gouvernement qui n’a pas encore été constitué , et qui a l’impératif de placer réellement le dossier des citoyens marocains établis à l’étranger parmi les priorités nationales , se doit à notre sens , de revoir de manière fondamentale ce projet de loi après une large consultation démocratique , en particulier de la société civile MRE . L’impératif se fait en effet sentir plus que jamais , de traduire dans la pratique , la vision royale pertinente selon laquelle ce Conseil doit être , au plan de la composante communauté , « constitué de façon DÉMOCRATIQUE ET TRANSPARENTE et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité , d’efficience et de REPRÉSENTATIVITÉ AUTHENTIQUE »( discours du 6 novembre 2005 ) ou , selon des précisions ultérieures , « alliant dans sa composition les exigences de compétence, de crédibilité et de REPRÉSENTATIVITÉ » ( discours du Trône du 30 juillet 2006 ) , ainsi que « d’efficacité » ( discours du 6 novembre 2006 ) .
S’agissant toujours du CCME , et comme chacun peut le relever dans le discours du 6 novembre 2007 , la démarche démocratique est au coeur de la vision royale concernant le CCME . La formule des nominations concernant sa composante MRE , était considérée comme une formule passagère pour une période transitoire de 4 ans . Parmi les arguments majeurs avancés par le Roi dans ce domaine , relevons en particulier les deux suivants :
» – D’abord , notre conviction que la représentativité authentique procède , en fait de l’élection . Toutefois celle-ci risque de demeurer un simple exercice formel tant qu’elle ne sera pas étayée par la crédibilité , l’éligibilité , la concurrence loyale et la mobilisation de nos citoyens émigrés.
» – Le deuxième fondement induit la nécessité d’écarter la désignation directe , et ce , pour des raisons de principe . Car , c’est d’une instance représentative qu’il s’agit , et non d’une fonction administrative ou d’un poste politique . Par conséquent , l’élection reste nécessaire et souhaitable comme point de départ et comme objectif pour la mise en place de cette institution « .
Un autre avantage
De notre point de vue , la formule de l’élection de la composante MRE du CCME a un autre avantage : institutionnel et politique . Moyennant la révision en conséquence de l’article 63 de la Constitution , elle permettrait dans un second temps , l’élection des citoyens MRE à la Chambre des Conseillers , ce qui ne supprimerait en rien la nécessité bien entendu de la représentation également des citoyens marocains établis à l’étranger à la Chambre des députés , conformément à une lecture démocratique et non régressive de l’article 17 de la Constitution .
L’avènement des anniversaires des discours royaux du 6 novembre 2005 , 6 novembre 2006 et 6 novembre 2007 , est une opportunité pour soulever dans une démarche critique constructive ces aspects . L’objectif est de mettre fin de manière urgente au statut-quo qui n’a que trop duré dans la gestion du secteur des citoyens marocains établis à l’étranger , marquée par le déni de leurs droits constitutionnels et la persistance de multiples dysfonctionnements dans les diverses institutions qui leur sont dédiées , qui empêchent celles-ci de répondre de manière saine et efficace aux attentes et préoccupations multidimensionnelles de la communauté marocaine à l’étranger .
Rabat , le 6 novembre 2016
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