Les réactions françaises à l’événement arabe

    Au début des « printemps arabes » survenus en plein hiver, nous nous sommes spontanément dit qu’ils allaient permettre de sortir de ce double carcan qui enfermait les Arabes dans la servitude, et les Français dans la peur-peur d’une religion, l’Islam, peur d’une culture musulmane, peur indistincte des Arabes…Bref, ce fut une nouvelle libératrice là-bas comme en France, avec un sentiment d’espérance, de solidarité et de fraternité.

Or loin de cet optimisme, les peurs ont été d’emblée réactivées. Certains  milieux politiques, proches de l’Elysée, ont tout simplement  ignoré l’événement, avant de se ressaisir et de faire semblant de le saluer tout en se disant que le résultat pouvait être des régimes pires, plus dangereux et plus menaçants, que ceux qui venaient d’être renversés.

Du coup, on fustige tout ce qui est en rapport direct ou indirect avec les Arabes, l’Islam, les musulmans qui, selon une large opinion publique, encore indécise, ne pourraient rien faire de bon, hormis stigmatiser toutes les pratiques culturelles, et terroriser les populations françaises, sans la moindre réserve.

Nicolas Sarkozy a d’abord carrément ignoré l’évènement, avant de faire semblant de  le saluer pour dire en même temps, que le résultat pouvait être des régimes pires, plus dangereux et plus menaçants, que ceux qui venaient d’être renversés.

Dans la foulée, la menace de vagues d’immigration incontrôlée a été agitée, tandis que le gouvernement s’entêtait à mettre en scène une stigmatisation de l’Islam, des musulmans et des Arabes c’est-à-dire de tout ce qui, en France, évoque culturellement les peuples aujourd’hui révoltés.

Au lieu de saluer la bonne nouvelle, ceux qui gouvernent les  Français ont franchi un pas de plus dans la xénophobie d’Etat, et dans le racisme d’idéologie, en affirmant que les Français ne seraient plus chez eux en France, comme avant,  et en s’arc-boutant sur une identité française essentialisée, à racine uniquement chrétienne, niant la diversité de la société française elle-même.

Donc, le logiciel des gouvernants français est resté le même : la peur, l’identité, la discrimination.

Cette fuite en avant, dans ce qui est, pour la droite, une perdition, loin des valeurs républicaines et démocratiques, n’est sans doute pas sans rapport avec la deuxième réaction.

Il y a eu un terrible effet miroir, dans la séquence tunisienne, comme dans la séquence libyenne, où la corruption de ces régimes a, en même temps, révélé la corruption de ses dirigeants.

Cet univers où il y a des contrats, des intermédiaires, des vacances, toute une oligarchie qui s’accommode de ça, en vit et y prospère. C’est sans doute ce qu’il s’agit de faire oublier : la leçon de choses sociale et démocratique de l’événement arabe. Et la diversion reste  celle qui est la marque du pouvoir depuis 2007 : la guerre des pauvres et des dominés, guerre des identités, des origines, des croyances, pour qu’ils ne pensent pas à ce qui pourrait les réunir-leur condition sociale et leur exclusion politique.

Enfin, la troisième réaction, c’est la réserve, entre prudence, indifférence, méfiance, ou défiance, ou tout cela à la fois, de l’opposition de gauche, notamment le parti socialiste, qui ne s’est pas saisie de l’événement arabe. Pas de solidarité unitaire, pas de réunions publiques, pas de manifestations communes…

Donc voilà trois réactions françaises qui n’augurent rien de bon. Inutile, alors, de se demander combien ces événements arabes touchent frontalement la France, qui, en Europe, est la plus concernée, par l’avenir de ces peuples avec qui les Français partagent une longue histoire, dont les élites sont souventfrancophones, qui ont eux-mêmes une relation forte à l’universalisme français, etc. /.

DE VIVE VOIX : Mohammed Essahlaoui