Le tissage des horizons d’attente dans la Boîte à Merveilles d’A.Sefrioui
tayeb zaid
Le tissage des horizons d’attente dans la Boîte à Merveilles d’A.Sefrioui
L’auteur de la Boîte à Merveilles offre au lecteur la possibilité de lire l’œuvre de manière plus réfléchie et plus raisonnée. Il lui offre certains outils énonciatifs qu’il peut traduire en réseaux de lectures générateurs d’unités de sens. Le lecteur averti ne peut pas ne pas remarquer la présence de jalons qui servent à baliser le récit pour en éclairer la texture et faciliter la compréhension. Grâce à ces balises, qui sont d’ailleurs des pistes de lectures fiables et sûres pour la construction du sens, il lui est aisé de se construire des horizons d’attente dont il vérifiera la confirmation ou l’infirmation au fur et à mesure de son chevauchement.
Je peux donc signaler la présence d’un certain nombres d’indices énonciatifs auxquels j’ai donné le nom de balises de sécurité dont la présence sert à orienter le lecteur dans sa lecture ou d’horizons d’attente qui lui permettent d’anticiper en échafaudant des hypothèses sur les évènements à venir. Ces horizons d’attente permettent d’éveiller l’attention, de nourrir l’imagination, de stimuler la curiosité, d’exciter les sens, de motiver et orienter la lecture. Je vais tenter de montrer, comme j’ai coutume de le faire, à l’aide d’exemples précis prélevés dans l’œuvre, le bien fondé de ce que je viens de dire sur les balises ou horizons d’attente que l’auteur utilise de manière assez abondante dans le récit de vie de l’enfant.
Au début du roman, à la page 8 et 14, le narrateur nous met en contact direct avec Lalla Zoubida, la mère du petit enfant personnage. Elle s’adresse en des termes si durs à proférer contre son fils unique : ‘’Tu trouves le moyen de braire comme un âne’’ et ‘’habille-toi, tête d’oignon’’. Jusqu’alors, le lecteur ne connaît pas la psychologie de Lalla Zoubida, aussi doit-il s’interroger sur les traits de caractère de cette femme qui s’était montrée méchante, agressive et violente. Si cette mère de famille s’adressait ainsi à son enfant unique, en quels termes elle s’adresserait à des ennemis ? Le lecteur se construit des horizons d’attente en attendant la suite des évènements qui ne vont pas tarder à se manifester pour confirmer ses hypothèses. A la page 16, Lalla Zoubida déclenche une querelle contre Rahma qu’elle qualifie de pouilleuse, de domestique, de mendiante, de va nus pieds, de femme sans extraction qui n’a jamais mangé à sa faim, sans oublier Driss El Aouad qui reçoit une part généreuse d’insultes : un être difforme, à la barbe rongée de mites qui sent l’écurie et brait comme un âne…
Toujours à propos de Lalla Zoubida dont le narrateur-personnage dit qu’elle est d’un caractère changeant. ‘’Le matin débordante d’enthousiasme, elle ne manquait jamais, le soir, de trouver quelque motif de querelle ou de pleurs’’ affirme-t-il à la page 14. A la même page, il montre sa mère entourée d’autres femmes à qui elle fait les récits amusants, comiques ou drôles des spectacles auxquels elle a assisté au bain maure. ‘’De telles scènes donnaient matière à des galas de comédie’’. Peu de temps après, Lalla Zoubida déclenche une violente dispute avec Rahma à propos de l’utilisation du patio. ‘’Ainsi en fut-il quand Rahma eut l’idée néfaste de faire sa lessive un lundi’’. Une dispute en deux temps : celle du jour en l’absence des hommes et celle du soir en leur présence.
Je ferme cette petite parenthèse consacrée aux jalons que l’auteur installe pour permettre au lecteur de se construire des horizons d’attente, de suivre l’évolution du récit, de formuler des hypothèses et de les soumettre à l’épreuve pour vérifier sa confirmation. D’autres exemples peuvent être donnés. Ils sont nombreux et variés. Mais je m’arrêterai à celui qui se rapporte à la relation entre la mère et le père du narrateur-personnage. Il nous dit à la page 14, toujours de sa mère : ‘’Mon père rentrait toujours tard : il nous trouvait rarement de bonne humeur. Il subissait presque toujours le récit d’un évènement que ma mère se plaisait….’’ Cette affirmation trouve sa confirmation à la page 17 ‘’On sentait qu’elle boudait…Ma mère boudait toujours…’’, à la page 48 ‘’Cette pauvre Rahma a passé une journée dans les affres de l’angoisse’’, puis 67 ‘’Ma mère soupira. Elle s’adressa à mon père : le sort se montre parfois bien cruel….’’….
Les exemples ne manquent pas pour illustrer encore plus ma réflexion sur les horizons d’attente qui contribuent à structurer le récit de manière à permettre au lecteur de participer à son décryptage.
Zaid Tayeb
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