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De la phrase simple à la phrase complexe ou de la parataxe à la syntaxe

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Zaid Tayeb


Comme la gastronomie offre à un chef cuisinier un certain nombre de moules qui lui permettent d’y couler sa pâte pour lui donner différentes formes, la langue française offre, elle aussi, à ses usagers, trois possibilités de rendre matérielle une idée.

Ainsi donc, toujours au sujet de la phrase, comme je l’ai déjà dit dans un autre de mes écrits, qui est la plus petite unité d’un paragraphe, l’usager de la langue française dispose de trois manières, qu’il peut combiner en fonction de son intention et de l’effet qu’il cherche à produire chez le lecteur, pour faire des phrases, que je pourrai réduire à deux, puis décomposer à des fins pédagogiques et pour des besoins de commodité et de communication.

I- La phrase simple

Parataxe ou juxtaposition : Elle consiste à mettre côte à côte deux phrases simples sans que le rapport qui les unit soit exprimé avec les mots de la langue. Cette forme d’écriture décousue permet à l’écrivain de chiffrer son message et au lecteur de le décoder. C’est une espèce de jeu de complicité qui s’établit entre le premier et le second mais il a l’inconvénient de hacher le message et de l’émietter, ce qui rend sa synthétisation moins coutumière et plus ardue et lui confère un caractère télégraphique et par conséquent simpliste mais vif et moins expressif.

Je donnerai quelques exemples de phrases simples juxtaposées pour illustrer mes propos.

1-le chef de service n’est pas venu à son travail ; il était malade.

2-Le chef de service est venu à son travail ; il était malade.

3-Le chef de service était malade ; il n’est pas venu à son travail.

Comme les lecteurs peuvent bien le constater, nous nous trouvons en présence de deux couples de phrases simples juxtaposées. Ils peuvent également remarquer que le rapport existant entre la première et la seconde phrase n’est pas exprimé avec les mots de la langue, c’est pourquoi il est question de juxtaposition ou de parataxe (absence de syntaxe).

Sur un autre plan, le vide syntaxique entre la première phrase et la seconde peut être interprété comme une échancrure, une ouverture par où on peut deviner les formes des parties intimes que laisse entrevoir cette absence. Cette forme d’écriture à échancrure ressemble en quelque sorte à une femme qui laisse découvrir les parties de son corps à travers les ouvertures de son corsage, de ses aisselles ou de ses jambes. L’excitation du lecteur par cette forme d’agencement des phrases n’est bien différente de celle de l’homme par la manière de s’habiller d’une femme.

Syntaxe ou coordination. La coordination permet de relier deux phrases simples de manière à les mettre sur le même pied d’égalité. Les phrases coordonnées n’ont pas de prééminence l’une sur l’autre mais obéissent à un ordre de consécution qu’exigent les règles des canons de la syntaxe du français.

De ces mêmes phrases simples juxtaposées, disposées de manière parataxique ou asyntaxique, faisons des phrases simples coordonnées.

1-Le chef de service n’est pas venu à son travail CAR il était malade.

2- Le chef de service est venu à son travail CEPENDANT il était malade.

3-Le chef de service était malade ALORS il n’est pas venu à son travail.

La différence qu’il y a donc entre deux phrases juxtaposées et deux phrases coordonnées est la présence entre l’une et l’autre de moyens syntaxiques dits coordonnants.

Dans le premier cas (A) comme dans le second (B), il est question de phrases simples juxtaposées ou coordonnées.

 

II- La phrase complexe.

Le rôle de la phrase complexe est de faire de deux phrases juxtaposées ou coordonnées UNE phrase complexe avec une proposition principale et une proposition subordonnée. Dans une phrase complexe, on ne parlera plus de phrases la constituant, mais de propositions. Une phrase complexe est donc constituée de deux propositions. L’opération par laquelle nous faisons de deux phrases simples juxtaposées ou coordonnées une phrase complexe, permet de subordonner l’une à l’autre, de telle manière que la principale serait dite ‘’thème’’ et la subordonnée ‘’prédicat’’. Le rôle de la subordonnée est donc mineur puisqu’il se limite à apporter un complément d’informations à la principale.

La subordonnée dépend donc de la principale.

Remarque à retenir pour les néophytes : là où est le subordonnant, là est la subordonnée.

1-Le chef de service n’est pas venu à son travail PAR CE QU’il était malade. Constat

– Le chef de service n’est pas venu à son travail PUISQU’il était malade. Justification, argumentation.

– Le chef de service n’est pas venu à son travail sous PRETEXTE QU’il était malade ; fausse cause ou caus insuffisante.

-COMME il était malade, le chef de service n’est pas venu à son travail. Mise en valeur de la cause.

2-Le chef de service est venu à son travail BIEN QU’il soit malade.

3-Le chef de service était malade TELLEMENT malade QU’il n’est pas venu à son travail.

 

En fonction de l’intention, de l’effet qu’il cherche à produire sur son auditoire, du niveau de langue, du statut des interlocuteurs, l’auteur peut choisir entre la juxtaposition, la coordination, la subordination et de les combiner. La phrase complexe est beaucoup plus généreuse (cf. A.1) que les phrases juxtaposées ou coordonnées. Elle offre une large gamme de choix et de substitutions.

J’ai toujours considéré, une petite curiosité à laquelle je veux bien associer mes lecteurs, les phrases juxtaposées, coordonnées ou subordonnées, comme un couple vu de dos, allant l’un à côté de l’autre, se tenant par la main ou posant la main de l’un sur l’épaule de l’autre.

 

 

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