JEUNESSE MRE : UNE DÉMARCHE ILLÉGITIME DE LA MINISTRE DÉLÉGUÉE, CHARGEE DES MRE
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
La troisième édition de l’Université d’hiver des jeunes Marocains du monde, s’est tenue à Ifrane du 21 au 23 décembre 2019, à l’initiative du ministère délégué auprès du ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des MRE, en partenariat avec l’Université Al Akhawayn d’Ifrane.
Placée officiellement dans le cadre d’une part, de «la mise en œuvre de la stratégie nationale pour les MRE », alors que cette stratégie n’existe pas et d’autre part sous le signe du «vivre ensemble», thème constant lancé depuis 2017 par le précédent ministre délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration (Abdelkrim Benatiq), cette rencontre a vu la participation d’une centaine de jeunes MRE venant de 9 pays d’accueil (Algérie, Belgique, Canada, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume Uni, Tunisie), ainsi que des étudiants de l’Université Al Akhawayn.
Plusieurs messages forts ont été développés. Le premier est relatif aux valeurs civilisationnelles marocaines basées sur la paix, la tolérance, l’ouverture, l’acceptation et le respect de l’autre. Le second, traité de manière très discutable voir irrecevable, est relatif aux «principes de citoyenneté ».
Concernant ce dernier volet, comme le montre une vidéo relative à la séance d’ouverture de l’Université d’hiver, publiée officiellement sur le compte Facebook, ainsi que sur le site officiel du département chargé des MRE, le ton et l’orientation furent donnés de manière très problématique par Nezha El Ouafi, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargée des Marocains résidant à l’étranger.
Des messages forts… anti-participationnistes
Le point de départ est un contexte changement de la situation migratoire. Se basant sur le rajeunissement de la structure démographique des Marocains de l’extérieur, avec plus de 70% qui ont moins de 45 ans, 20% parmi 6 millions de MRE qui sont nés dans leurs pays de résidence, et faisant comme si ces transformations structurelles étaient concomitantes à sa nomination , et non pas le résultat de toute une évolution et des changements déjà perceptibles bien avant, la ministre déléguée a annoncé ce qu’elle a appelé «la Nouvelle démarche » .
Cette dernière consiste à «accompagner le parcours de citoyenneté transcontinentale», à appuyer les jeunes et à «ouvrir une nouvelle page dans la citoyenneté des pays d’accueil », comme si l’effectivité de la citoyenneté des bi-nationaux dans les pays d’installation dépendait de son intervention, et oubliant en tant que ministre délégué auprès du chef de la diplomatie marocaine, le fait que ceci ne peut être considéré que comme une ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés.
À cet égard, s’adressant directement le 28 décembre 2019 sur sa page Facebook à la ministre déléguée, Omar El Mourabet, membre du Conseil national du Parti de la Justice et du Développement (PJD) et maire-adjoint à la ville d’Athis- Mons dans l’Essonne en France, tire la sonnette d’alarme : « Si vous ou votre ministère vous intervenez, tous les Marocains du monde échoueront dans leur parcours politique ici, c’est une question de principe».
Cette remontrance et bien d’autres critiques (la plupart pertinentes, d’autres à connotation plus personnelle et subjective) adressées à la ministre déléguée, ont valu à son auteur, ancien responsable au PJD de la commission centrale chargée des MRE, d’être contraint à démissionner de la commission des relations extérieures du PJD, la direction générale de ce parti, n’admettant nullement la critique de ses dirigeants par des membres de cette formation politique.
À la troisième édition de l’Université d’hiver, la ministre déléguée ajoutait que, d’après sa propre expérience d’émigrée, «le Maroc a l’obligation et le devoir de faire réussir le processus de citoyenneté à l’étranger, avec la nécessité, au même moment, de nouer et de renforcer les liens culturels, religieux et identitaires avec le pays d’origine, ainsi que la participation à son développement, par le biais notamment de l’implication par le Maroc des compétences marocaines établies à l’étranger », considérées par ailleurs par elle de manière péjorative comme des «devises fortes».
Suivant toujours la conception à sens unique de la citoyenneté, celle en rapport seul avec les pays d’installation, la ministre déléguée a poursuivi son intervention en se félicitant avec une curieuse approche, du fait que son département ne subit plus la tutelle dans le cadre de l’architecture gouvernementale, dans la mesure où il a été «hissé» et «promu» au stade de délégué auprès d’un ministère de souveraineté….
De même qu’elle s’est étendue sur son parcours universitaire et son profil académique, n’expliquant nullement, au-delà d’une «anecdote », la vraie raison à cela. En terminant son intervention, elle a exprimé la conviction suivante à l’égard des jeunes MRE dans leurs pays de vie : «grâce au soutien de vos parents, vous disposez de tous les atouts et aptitudes pour devenir In Cha Allah, des parlementaires élus, des ministres, voir même des chefs d‘Etat », en donnant plusieurs exemples dans des pays d’immigration.
Rien sur les droits politiques des citoyens MRE
par rapport au Maroc
En dehors de la participation économique ou de la citoyenneté économique, liée notamment à l’apport au Maroc des compétences marocaines à l’étranger, nulle référence à la citoyenneté en termes politiques par rapport au pays d’origine, le Maroc. Rien sur les droits politiques des jeunes citoyens MRE par rapport au Maroc. Aucun élément en particulier sur la participation politique et la représentation des citoyens MRE au parlement à Rabat. Mais au contraire, un discours à l’opposé d’une démarche citoyenne inclusive pour le Maroc.
Il s’agit, pesons nos mots, de propos illégitimes, puisqu’ils tendent à soustraire définitivement les jeunes MRE de la communauté des citoyens marocains établis à l’étranger.
Autant alors ne plus recevoir dans le futur ces jeunes au Maroc, précisément à Ifrane, pour leur dire explicitement ce qui est implicitement invoqué comme message à leur destination et à travers eux, à toute la jeunesse marocaine établie à l’étranger : vous n’êtes plus Marocains (!!!), vous êtes dépouillés de la nationalité marocaine et de tous ses attributs !!! Vous ne pouvez vous prévaloir des articles 16, 17, 18 et 163 qui concernent spécifiquement les citoyennes et les citoyens marocains résidant à l’étranger, et vous n’êtes nullement habilité(e)s à demander le passage à la mise en place concrète sur le terrain de ces articles. Vous êtes invités notamment à ne pas vous inscrire sur les listes électorales qui sont ouvertes chaque mois de décembre !!!
Oubliez la décision royale du 6 novembre 2005, permettant aux jeunes MRE nés à l’étranger, de s’inscrire sur les listes électorales à l’intérieur du Maroc pour pouvoir participer, en tant que citoyens marocains à part entière, à tous les scrutins électoraux qui se déroulent à l’intérieur du Maroc !!! Oubliez aussi les deux premières décisions du discours royal du 6 novembre 2005, consistant à faire représenter l’ensemble des citoyens MRE à la Chambre des représentants à Rabat, par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger !!!
En définitive, affirmer que la démarche développée à Ifrane, s’inscrit dans le cadre de «la mise en œuvre de la stratégie nationale des Marocains du monde visant à renforcer leurs liens avec leur patrie et à préserver leur identité nationale et leurs liens humains, tout en les aidant à s’intégrer dans leurs pays d’accueil» est une contre vérité flagrante par rapport aux objectifs présumés pour le Maroc, en matière notamment de préservation de l’identité nationale, conformément à l’article 16 de la Constitution.
Trahison de la cause MRE
En fait, on est loin d’une «démarche nouvelle ». Trahissant véritablement la cause MRE , tournant le dos et reniant ses propres positions et engagements à l’égard des citoyens MRE dont elle se faisait le chantre et le porte-voix ou « Voix de la Jaliya » au parlement en tant que députée (de 2007 à son entrée au gouvernement début 2017 en tant que secrétaire d’Etat à l’environnement), ainsi que ses critiques acerbes contre la direction du CCME quand son propre parti, le Parti de la Justice et du Développement, était dans l’opposition, voir même après, la ministre déléguée a complètement viré .
Elle s’aligne ouvertement maintenant sur les positions viscéralement antiparticipationnistes des dirigeants du CCME (le président -Driss El Yazami- et le secrétaire général
-Abdellah Boussouf-), dont elle devient une fervente émule. Elle assume ainsi et porte avec excès de zèle leur discours qu’elle combattait auparavant, ce qui interpelle le PJD lui-même en tant que parti politique pour que sa direction cesse d’utiliser le double langage, qui contribue fortement au dénigrement de la parole et de l’action politiques, contribuant ainsi fortement au renforcement de l’abstention électorale.
Quelle différence y’a-t-il entre le message ministériel (délégué) d’Ifrane et les récents propos de «campagne électorale » pour la présidence du CCME (ou au moins un 4ème mandat en tant que SG) lancés par le secrétaire général de ce Conseil qui a affirmé que les MRE des Pays-Bas, n’ont et ne peuvent avoir avec le Maroc, que des liens culturels et religieux et nullement des liens politiques !?
Sur cette thématique, on se référera notamment aux deux articles suivants du Pr Yahya El Yahyaoui parus en arabe en décembre 2019 sur le site diwane.net :
– Abdellah Boussouf aux Marocains du Monde : « Vous n’avez aucun rapport politique avec le pays d’origine ».
– Abdellah Boussouf, un coup d’Etat blanc contre la Constitution et le discours royal.
Tout comme pour les responsables du CCME, y compris le président, la position de la ministre déléguée n’es-elle pas en totale contradiction avec la Constitution, d’autres discours royaux et avec des lois concernant également les citoyens MRE Doc 6 , telle la loi 23-06 !?
Un besoin de recadrage
Dés lors, même si , à la lecture de la dernière édition du BO, Doc 7 (n° 6844 du 2 janvier 2020), elle n’a pas encore eu officiellement les attributions, la ministre déléguée, qui est normalement chargée, rappelons-le, des MAROCAINS résidant à l’étranger et NON PAS DE LA DÉCHÉANCE OU DE L’AMPUTATION DE LEUR NATIONALITÉ MAROCAINE AINSI QUE DES ATTRIBUTS DE CETTE NATIONALITÉ EN TERMES DE CITOYENNETÉ MAROCAINE PLEINE ET ENTIÈRE, ne devrait-elle pas être recardée, aussi bien officiellement que par son propre parti, le Parti de- la Justice et du Développement !? Car il y’a là, de notre point de vue en tant que citoyen, une atteinte insupportable à la dignité nationale et à la cohésion nationale, que l’on ne peut accepter. Tout comme ce genre de déclaration, contribue à élargir la défiance dans les institutions, dans le discours politique et les formations politiques.
Dans le cadre de la continuité de l’Etat et de la Nation marocaine qu’il s’agit de renforcer et non pas de diluer, rappelons à cet égard, s’il en était encore besoin de le faire, deux idées maîtresses qui ne peuvent échapper à tout haut responsable de la gestion du dossier MRE, dans la mesure où la nationalité marocaine ne se perd pas en traversant en bateau le Détroit de Gibraltar, ou en prenant l’avion du Maroc vers une destination quelconque dans le monde.
La première est cette déclaration de feu Hassan II, faite le 29 novembre 1985 à Paris, devant des membres de la communauté marocaine résidant en France, et en présence de François Mitterand en tant que Président de la République française. Il s’agit de l’expression d’un élément très fort d’une véritable vision stratégique relative aux Marocains résidant à l’étranger, formulée comme suit :
«Et bien restez Marocains, restez Marocains, parce que, dans la paix et la concorde, moi-même ou ceux qui me succéderont, pourront avoir un jour besoin de refaire une Marche Verte. Et bien, je veux qu’au nom de tous les Marocains vivant à l’étranger, pas seulement en France ou à Paris, vous me fassiez le serment que tous les jeunes Marocains qui seront nés en terre étrangère seront dédiés, dès leurs berceaux, aux marches que l’histoire leur interposera. Si telle est votre réponse, je peux dormir tranquille».
La seconde idée maîtresse est celle développée dans la lignée hassanienne, à l’occasion du 59ème anniversaire de la «Révolution du Roi et du Peuple» (20 août 2012). À cette occasion solennelle, le Roi Mohammed VI prit l’engagement d’impliquer étroitement les jeunes Marocains à l’étranger, qui sont nos «COMPATRIOTES» a t-il dit, «à la construction du Maroc de demain».
L’opportunité offerte par la CSMD
Ceci nous amène, début 2020, au champ de réflexion en cours par la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), tendant à reconsidérer le modèle de développement du Maroc pour le mettre en phase avec les évolutions que connaît le pays. Pour être viable, crédible et garant de la dignité de tous les Marocains, où qu’ils soient, ce nouveau modèle de développement ne peut être qu’inclusif et démocratique, barrant la route à toute forme d’exclusion ou de marginalisation, comme celles dont pâtit la communauté des citoyens marocains établis à l’étranger, qui sont privés de leurs droits politiques par rapport au Maroc, voir même de leur marocanité dans certains propos gouvernementaux et/ou institutionnels officiels, s’agissant de sa composante jeunesse.
Autrement dit, la communauté des citoyens MRE ne peut être confinée ou rester à la marge du développement du Maroc, conçu au sens large, y compris au plan politique et démocratique.
Bien entendu, les reformes à proposer dans le cadre de la CSMD, doivent toucher également le secteur de l’immigration et de l’asile au Maroc, notamment l’opérationnalisation de l’article 30 de la Constitution, prévoyant que les ressortissants qui résident (légalement au Maroc) peuvent participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de conventions internationales ou de pratique de réciprocité.
Dans cet esprit, la citoyenneté est aussi liée à la résidence (vivre dans la même cité). Elle est une manière de vivre ensemble sur un même territoire. Dans les villes et les quartiers, les habitants, quelle que soit leur nationalité, sont soumis aux mêmes règles et doivent toutes et tous, pouvoir participer à la vie commune.
Défiance plutôt que confiance
A cet égard, dans ses préconisations, la CSMD devrait éviter de reprendre à son compte les propositions des responsables du CCME qui font plutôt le jeu du lobby anti-participationniste des citoyens MRE à la vie démocratique marocaine. S’agissant du dossier MRE les séances d’écoute de la CSMD sont à réserver à la société civile MRE en programmant les ONG qui ont soumis des mémorandums en ce domaine. Ayant failli totalement à ses missions consultative et prospective et mené durant les douze années de son existence un plaidoyer contre les droits politiques des citoyens MRE, le CCME ne peut être juge et partie.
Défiance plutôt que confiance
Loin de créer une dynamique vertueuse de mobilisation de l’ensemble des citoyens marocains, où qu’ils se trouvent, les propos du genre de ceux d’Ifrane, cultivent au contraire la défiance et le désenchantement. Loin de consolider la «communauté de destin» sur la base d’une vision citoyenne commune, l’approche de la ministre déléguée ne fait que distendre les liens d’appartenance commune à la nation marocaine.
Par conséquent, il s’agit plutôt de lancer des signaux forts pour rétablir et consolider le capital confiance, de valoriser la marocanité au lieu de renforcer la fracture et rupture citoyennes. Quelle crédibilité donner à la réponse formulée il y a quelques semaines au parlement à une interpellation de députés sur la nécessaire représentation parlementaire des citoyens MRE et à laquelle elle avait réagi en disant à travers une promesse d’intention vague, que «le gouvernement – étant moi-même au premier rang sur cette question a t-elle tenu à préciser-, est prêt à lancer un message fort aux MRE pour rétablir la confiance ».
Or avec le discours d’Ifrane, ce n’est pas la confiance qui a été rétablie, mais c’est la méfiance qui a été consolidée, avec en plus, une position négative inégalée jusqu’à présent au niveau des gouvernements qui se sont succédés, depuis que la question de l’effectivité des droits politiques des citoyens MRE par rapport au Maroc est posée.
Le souhait d’un arbitrage royal
Voilà pourquoi, la ministre déléguée ayant invoqué le «ministère de souveraineté» (de qui elle relève désormais) pour légitimer le retrait aux citoyens MRE de leurs droits politiques par rapport au Maroc, ceci demanderait, à notre sens, un arbitrage royal, en liaison avec l’article 42 de la Constitution, qui stipule notamment ce qui suit : « le Roi Chef de l’État, Son Représentant Suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’État et Arbitre Suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités (…)».
Entre temps et de notre point de vue, le ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, a fort à faire, notamment dans les domaines qui suivent.
Quelques urgences
1-La première urgence est l’élaboration d’une réelle stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en direction des citoyens MRE, qui appelle aux arbitrages à réaliser collectivement en matière de choix fondamentaux et de priorité des politiques publiques en direction des MRE
pour donner du sens à l’action multiforme entreprise. En fixant un cap fédérateur, il s’agit notamment de préciser la nature des liens entre les MRE, l’Etat et la Nation marocaine, et de réaliser l’articulation des politiques en faveur des citoyens MRE.
La «stratégie » publiée d’abord en arabe en 2016, puis en français sur le site officiel rénové de l’ex-ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, après quelques modifications suite à des critiques méthodologiques au niveau du débat public, n’est qu’une véritable falsification intellectuelle et une imposture, comme nous l’avons montré publiquement dans des écrits précédents, notamment aux pages 534 à 556 et 669 à 698 de notre livre intitulé « Politiques migratoires marocaines en débat. Défis internes et enjeux externes (2013-2018) » (juillet 2018).
Une réelle stratégie nationale devrait répondre aux problèmes de fond et aux choix fondamentaux du pays en matière de communauté des citoyens MRE. Tout comme elle devrait contribuer à mettre à niveau diverses institutions chargées en totalité ou en partie, du domaine transversal des citoyens MRE et qui connaissent des dysfonctionnements structurels comme le CCME, la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, Bank Al Amal, CNSS, Conseil Européen des Oulémas Marocains…
2-La deuxième urgence consiste à préparer sérieusement, avec l’implication étroite et démocratique de la société civile MRE, un projet de loi opérationnalisant de manière ouverte l’article 163 de la Constitution rénovée de 2011. L’énorme retard des gouvernements en la matière depuis cette date, justifie l’immobilisme et le maintien de la gestion chaotique et opaque du CCME, défini pourtant d’institution de bonne gouvernance. Ses responsables invoquent notamment de manière erronée l’article 179 de la Constitution pour légitimer leur maintien en poste ( amorce du 3ème mandat pour le président depuis le 21 décembre 2019, amorce du 4ème mandat ( !!!) pour le secrétaire général du CCME depuis le 12ème anniversaire de la création du Conseil), en dépit du fait que le cahier de charges n’a nullement été assuré, comme nous l’avons montré à plusieurs reprises.
L’article 179 de la Constitution qui s’applique également au CCME, stipule clairement ce qui suit : «Les textes en vigueur relatifs aux institutions et instances cités au Titre XII, ainsi que ceux portant sur le Conseil économique et social et le Conseil supérieur de l’enseignement, demeurent en vigueur jusqu’à leur remplacement, conformément aux dispositions de la présente constitution ». Les textes en vigueur…demeurent en vigueur, veut dire, en l’occurrence, s’agissant du CCME, que toutes les dispositions doivent être appliquées, y compris celles concernant la durée du mandat des responsables du Conseil, voir même de ses 36 membres nommés.
En effet, dans la dépêche de la très officielle agence Maghreb Arabe Presse (MAP en date du 21 décembre 2007), reproduisant le communiqué du Cabinet Royal rendant compte des nominations royales au Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, il est précisé explicitement que, « se fondant sur l’avis consultatif du CCDH et les propositions faites par son comité ad hoc, et en application des dispositions transitoires du dahir portant création de cette institution, Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, a également nommé 36 membres pour un mandat transitoire de quatre années, AU MAXIMUM, sachant pertinemment qu’en vertu des dispositions dudit dahir, le Conseil se compose de 50 membres, laissant ainsi la porte ouverte, pendant toute la période de ce premier mandat, à d’autres forces vives qui sont dignes d’y siéger », mais la liste n’a jamais été complétée.
Or, on sait par ailleurs que durant ce mandat transitoire, aucun avis consultatif sur ce qui devait être le CCME suivant n’a été élaboré et présenté au Souverain (selon l’article 25 du dahir du 21 décembre 2007), les responsables du Conseil ayant été «sauvés » par la constitutionnalisation du Conseil à la faveur du référendum constitutionnel du 1er Juillet 2011…
3-La troisième urgence consiste en l’opérationnalisation effective, démocratique et ouverte des autres articles de la Constitution relatifs aux citoyens MRE (articles 16, 17, 18).
4-La quatrième urgence revient à la mise en place de l’Observatoire National des Migrations (MRE et immigration étrangère au Maroc), ouvert sur les chercheurs, la société civile au Maroc et la société civile MRE, avec un agenda national de la recherche en migrations internationales pour le Maroc, qui fait encore défaut. On ne peut avoir un prochain Observatoire Africain des Migrations (domicilié à Hay Ryad à Rabat et préparé méthodiquement depuis 2018 par le ministère marocain des affaires étrangères, en liaison avec l’Union Africaine), sans disposer d’un observatoire national fonctionnel en la matière.
Rabat, le 8 janvier 2020
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
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