Amazighs/MRE : pour une approche plurielle ; quel rôle pour les institutions ?
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration
Originale , fut sous ce titre l’édition du dimanche 15 janvier 2017 de l’émission marocaine « Arc En Ciel » , animée par Abdellatif Essadki sur Radio Pluriel ( Lyon ) , et à laquelle ont participé Abdellatif Fekkak , Lahoucine Bouzit , Zaky Gourmane , Himri Elbachir .
La partie « MRE » de l’émission
Pour sa partie « MRE » , la célébration le 13 janvier 2017 du nouvel an Amazigh 2967 , a été une opportunité pour faire le point sur certains aspects concernant plus particulièrement la composante Amazighe de la communauté marocaine résidant à l’étranger , qui participe pleinement à l’identité nationale une et indivisible du Maroc et à sa diversité culturelle . L’amazighité n’est pas en effet spécifique à une minorité donnée ou à une ethnie particulière au Maroc , mais elle constitue un patrimoine partagé par l’ensemble de la communauté nationale marocaine . C’est un élément fondamental du ciment de l’Etat et de la Nation marocaine .
Dans cet esprit , la Constitution marocaine rénovée de 2011 a hissé le rang de l’amazighe , en l’institutionnalisant et en l’officialisant comme langue de l’Etat , lui offrant des perspectives prometteuses . L’article 5 énonce notamment ce qui suit :
» De même , l’amazighe constitue une langue officiellle de l’Etat en tant que patrimoine commun de tous les Marocains , sans exception . Une loi organique définit le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue , ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique , et ce afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle » .
Partant de cette avancée et de ce couronnement officiel , qu’elles ont été les réalisations entreprises et qu’est-ce qui n’a pas été fait et pourquoi , sachant que la question de l’amazigh est une question à forte portée sociale et politique ?
Éléments d’évaluation
Force est de constater sur le dernier point , le retard pris par le gouvernement marocain sortant , dans la préparation du projet de loi organique en question , qui n’a pu de ce fait être discuté au Parlement avant les dernières élections législatives du 7 octobre 2016 .
Le même constat de carence est à établir s’agissant du projet de loi organique relatif à la création du Conseil national des langues et de la culture marocaines , chargé notamment , toujours selon l’article 5 de la Constitution , » de la protection et du développement des langues arabe et amazighe et des diverses expressions culturelles marocaines , qui constituent un patrimoine authentique et une source d’inspiration contemporaine » .
S’agissant de ces dimensions , en rapport avec la communauté marocaine résidant à l’étranger , composée également de Marocains amazighs de plusieurs régions du pays , on regrettera qu’un certain nombre d’institutions nationales , dédiées en totalité ( ou normalement en partie également ) aux citoyens marocains établis à l’étranger , n’assument pas leur rôle sur ce plan , notamment en maintenant et en développant selon l’article 16 de la Constitution , les liens culturels de ces citoyens marocains à l’étranger avec le Maroc .
Une série de questions
À titre d’exemple , posons-nous les interrogations suivantes , qui mériteraient d’être débattues dans le futur , sans langue de bois :
– Quel est le bilan concret de l’application de la convention de partenariat , signée le 10 novembre 2010 à Rabat entre le ministère chargé de la communauté marocaine à l’étranger ( MRE ) et l’Institut royal de la culture amazigh ( IRCAM , créé en 2001 ) pour soutenir l’apprentissage de la langue et de la culture amazighes aux jeunes MRE dans leurs pays d’accueil ?
– Où est la prise en charge par la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger , de la dimension amazighe dans l’enseignement de la langue ( ou plutôt des langues ) et de la culture ( ou plutôt des cultures ) d’origine destinées aux enfants MRE !?
– En quoi , dans ses réflexions , propositions et avis consultatifs , le Conseil supérieur de l’éducation , de la formation et de la recherche scientifique , s’est-il intéressé jusqu’ici à cette dimension ? Encore faut-il bien entendu , que la composante MRE soit représentée dans ce Conseil , conformément à l’article 18 de la Constitution , qui prône la démocratie participative : » les pouvoirs publics œuvrent à assurer une participation aussi étendue que possible aux Marocains résidant à l’étranger aux institutions consultatives et de bonne gouvernance créés par la Constitution ou par la loi » !!!
– Par ailleurs , quel est sur ce plan l’apport du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger ( CCME ) , qui a notamment une fonction consultative et dispose d’un groupe de travail interne permanent depuis 9 ans sur le thème : » Cultures , éducation , identités » ? Pourquoi , comme dans tous les autres domaines de la compétence du CCME , ce Conseil n’a émis aucun avis consultatif sur cette dimension très importante pour les citoyens marocains établis à l’étranger !?
Voilà quelques unes des questions à rappeler pour un débat plus large et une interpellation des responsables institutionnels concernés, questions dont certaines ont été posées par Himri Elbachir , acteur associatif et animateur d’une radio amazighe à Copenhague , et par Lahoucine Bouzit , activiste amazigh et journaliste à la chaine Amazightv à Rabat
Rabat , le 17 janvier 2017
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration
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