RAMADANIYAT *** 4
3- LE GRAND RASSEMBLEMENT NOCTURNE SPIRITUEL : LA PRIERE DES TARAOUIH
Après avoir rompu le jeûne et pris un moment de repos chez eux et peut être un bon thé à la menthe pour assouvir leur soif et gérer consciemment leurs sens après une dure journée, jadis, les croyants-pratiquants de ma ville renouvelaient leurs ablutions (AL WODOE) et se rendaient dans cet unique lieu de culte qui était JAMAE LAKBIR, quelque soient les conditions climatiques, pour accomplir leur devoir Divin et qui, par ailleurs les rassemblait dans d’autres circonstances dans une ambiance de piété et de vocation durant les prières collectives quotidiennes, celle du vendredi ou encore durant les prières funèbres.
Tandis que leurs femmes, épuisées par les diverses besognes ménagères durant une bonne partie de la journée de leur carême, après avoir fait la vaisselle du soir et mis un peu d’ordre, elles mettaient au point la dernière phase de la cuisson du S’HOR et s’apprêtaient à aller dormir pour se reposer en laissant les enfants jouer un peu jusqu’au retour de leur père et aller à leur tour dormir. En l’absence de la télévision qui n’existait pas encore chez nous et dont on n’avait même pas entendu parler à l’époque, on ne trouvait comment s’occuper le soir chez soi.
La fameuse mosquée permettait aussi des rencontres plus sacrées, animées dans une ambiance particulière durant les soirées du mois de RAMADAN par la prière des TARAOUIHS faite d’une façon collective derrière l’IMAM. On ne peut que rendre hommages posthumes aux IMAMS qui se sont succédé dans cette mosquée pour diriger ces prières et conseiller les gens du point de vue religieux et relations sociales au cours de petites conférences qu’ils donnaient de temps à autre ou en privé. Ils ont disparu en laissant de bonnes impressions au sein des habitants de la ville.
Puisque nous sommes à cette dernière période « ramadanesque » exceptionnelle, parlons-en un peu.
Les TARAOUIHS, comme tout musulman le sait, sont des prières supplémentaires, longues et persistantes où l’IMAM fait entendre la récitation de versets de Coran à haute voix. Elles se font en deux périodes: Elles débutent quelques moments après la rupture du jeûne, juste après la prière collective de l’IICHA (dernière prière de la journée) et reprennent avant le petit matin pour prendre la même durée jusqu’à l’appel à la prière du matin. Chaque mi-temps dure un peu plus d’une heure. Entre temps les fidèles sont appelés à aller diner et dormir pour y revenir.
Pour une raison ou une autre ou pour des cas de force majeure, beaucoup de musulmans ne viennent pas participer à ces prières considérées comme facultatives mais dont la contrepartie est la bénédiction de DIEU. Il y a ceux qui les font chez eux en famille ou individuellement.
Ces nuits sacrées seront clôturées la veille du vingt septième jour du mois par la veillée de LAYLATOU L’QADR (la nuit du destin), où tout le monde ou presque rueront vers la mosquée qui va vivre une soirée prolongée par la prière collective, nuit vers laquelle nous sommes conduits aussi vous (les musulmans) et moi à passer durant un bon moment dans le recueillement pour revenir à DIEU et retrouver une profonde sérénité de l’âme. Que le TOUT PUISSANT accepte nos prières et nous accorde sa miséricorde.
« Certes, Nous l’avons révélé [le Coran] pendant la nuit du Destin. Et qui te dira ce qu’est la nuit de la Destinée ! la nuit de la Destinée vaut plus que mille mois ! C’est au cours de cette nuit que descendent, avec la permission de leur Seigneur, les anges et l’Esprit pour exécuter l’ordre divin. Une paix en elle jusqu’au lever de l’aube. » — Sourate 97 : al-Qadr-,
Les versets inscrits dans le cadre ci-après indiquent aux musulmans que LAYLATOU L’QADR est une nuit d’une importante circonstance où le PROPHETE SIDNA MOHAMED (SLAWS-que la paix est sur lui-) a reçu les premiers versets du CORAN . Cette nuit se manifeste au cours des dix derniers jours du mois de RAMADAN ; ce qui est parvenu dans le CORAN, c’est qu’elle vaut plus que mille mois. (Traduction intégrale).
ليلة القدر عند المسلمين، هي ليلة تقع فيها مناسبة هامة حدثت في شهر رمضان, حيث يؤمن المسلمون أن أول الأيات القرآنية قد أنزلت إلى النبي محمد . و تحدث هذه الليلة في الأيام العشر الأوخر في شهر رمضان، حيث ورد في القرآن أنها خير من ألف شهر
Cette nuit-là, le Bon DIEU ouvrira les portes des sept cieux pour exhausser toutes les prières invoquées par ses fidèles qui écouteront paisiblement dans un grand recueillement les beaux airs (ATTARTIL) diversifiés durant la lecture par L’IMAM du reste du LIVRE SAINT, commencée la première nuit, la veille du début de ce mois. Après de longues lectures, pour reprendre le souffle, il sera assisté par un autre FQIH désigné pour mener cette mission.
Jusque-là, dans notre dite mosquée durant ces soirées au moment de cette sacrée prière, les mômes trouvaient leur plaisir tantôt d’imiter à l’arrière-plan les grands dans une sorte de ricanement, tantôt d’interrompre leur action en s’esquivant pour retrouver leurs camarades dehors dans la rue pour continuer à jouer dans une grande joie accompagnée de cris aigus et de sifflements pour alerter par leur présence les uns aux autres.
Après de longues prières qui duraient presque quatre heures, on avait droit à une longue récréation pour se reposer, certains étaient exténués, surtout les âgés, ils devaient se reposer, d’autres allaient aux salles de toilettes pour assouvir leur besoin physiologique et refaire leurs Ablutions ou juste pour se rafraichir et prendre de l’air s’il fait chaud. Ceux qui habitaient à proximité se rendaient chez eux pour diner et revenir.
Ils avaient aussi la possibilité de se rencontrer pour échanger des propos en dehors de cette prière. Pour ceux à qui était arrivé de se chamailler ou de vivre des malentendus durant la vie courante, c’était l’occasion pour eux de pardonner les uns les autres et se réconcilier.
La plupart des croyants, surtout ceux qui habitaient un peu loin, attendaient un diner supplémentaire qui sera immédiatement offert par les habitants du quartier, les plus aisés, en faveur de DIEU , en contrepartie de sa bénédiction. Ils se mettaient accroupis au nombre de sept à huit, les enfants à dix ou même plus autour d’un grand plat ou d’un « Pétrier » (L’GAS’AA) en terre cuite garni de couscous « aux sept légumes » ou aux oignons avec des raisins secs, des pois – chiches et de la viande d’agneau, le tout arrosé de sauce peu piquante assaisonnée pour agrémenter le goût. Ils abordaient le manger en prononçant BISMILLAH (au nom de DIEU) à l’aide de leur main droite supposée déjà propre, habile à faire des boulettes et habitués à cette besogne pour se dispenser des cuillères. Une fois rassasiés, ils finissaient par savourer ce régal en léchant la main et les doigts, jusqu’à les enfoncer un à un dans la bouche, les sucer pour les essuyer à l’aide de leurs lèvres afin d’avaler les dernières particules de couscous, directives dictées par le prophète SIDNA MOHAMED (SLAWS).Ceux qui désiraient boire pour calmer leur soif appelaient d’un geste de la main un volontaire veillant sur ce service, muni d’un seau rempli d’eau de puits dans une main et d’une carafe dans une autre main en se déplaçant d’un groupe à un autre. Il venait les servir à tour de rôle avec grand plaisir. Généralement ce serait la personne qui veillait sur l’entretien de la mosquée. Ils remerciaient DIEU qui les avait nourris et la famille qui leur avait servi ce merveilleux plat en cette sacrée circonstance, car le couscous contient de la BARAKA (moyen spirituel qui aide une personne bienfaitrice à avoir des plus-values dans sa vie). Ce genre de repas offert dans ces circonstances ou dans d’autres, dans une mosquée, dans un mausolée ou chez soi est appelé SADAKA (aumône).
Ils reprenaient leurs prières supplémentaires dans la même sérénité jusqu’à une heure tardive dans la nuit pour les achever. Seul un nombre réduit de prieurs sera présent car une bonne partie rentrait chez elle piquer un somme et pouvoir se réveiller au S’HOR. Les prières étaient clôturées par des AD‘IIYAS (pluriel de DOUAAE qui sont des bénédictions) prononcés par L’IMAM, demandant à DIEU d’avoir ses clémences, au cours desquelles il implorait longuement sa miséricorde. Il demandait à DIEU sa grâce et son indulgence afin d’accorder son pardon aux impénitents à faire pleurer les pieux et les personnes repenties avant de se quitter dans une grande quiétude.
La prière des TARAOUIHS est une manifestation religieuse facultative où ses pratiquants sont largement récompensés et bénis par DIEU.
Actuellement, durant ces soirées, c’est aussi l’occasion où certaines familles vont se balader en ville, assister à des soirées de chants religieux, d’autres se rendent visite et discutent en famille chez elles en prenant du thé accompagné de gâteaux à base d’amandes dont SALLOU (ou SFOUF), variété semi pâteuse et nutritive, spécialement conçue pour ce mois sacré, comme CHEBBAKIYA au F’TOUR . A cette occasion, la grâce de DIEU est énorme.
Ceux qui veulent la paix préfèrent déguster leur thé et café noir en fumant leur tabac sur les terrasses de leurs salons préférés munis d’écrans à plasma où ils regardent des matchs de football ou des séries de films télévisés. Quant à d’autres, surtout les jeunes, ils préfèrent passer leurs soirées dans des cafés pour jouer aux cartes, telle cette ambiance que j’ai eu l’occasion de découvrir dans ma ville natale au début de mon adolescence, thème que j’essaierais de développer dans un prochain épisode.
A SUIVRE…
Mohammed BOUASSABA / Rabat.
e.mail : angadprojets@gmail.com
5 Comments
Et c’est à suivre encore, un autre épisode Bravo si Med,le Ramadan t’inspire beaucoup à ce que je vois,alors au prochain feuilleton qui s’annoce déjà prometteur./.
A bientot
Salam. Certes je suis un peu plus jeune que Ssi Bouassaaba mais c etait un peu la même atmosphere fin des aannees 60 et debut 70 avec quelques differences notamment la television qui commençait á faire son apparition dans les cafes et quelques foyers… la televisions qui allait changer beaucoup les habitudes des Taourirtis durant les nuits du mois sacré. Merci Ssi Bouassaba pour nous avoir donné l occasion de vivre cette retrospective
Salam. Au precedent commentaire j ai oublier d ecrire mon nom. Certes je suis un peu plus jeune que Ssi Bouassaaba mais c etait un peu la même atmosphere fin des aannees 60 et debut 70 avec quelques differences notamment la television qui commençait á faire son apparition dans les cafes et quelques foyers… la televisions qui allait changer beaucoup les habitudes des Taourirtis durant les nuits du mois sacré. Merci Ssi Bouassaba pour nous avoir donné l occasion de vivre cette retrospective
Ssi Mohamed et Ssi Jamal,il m’est très agréable d’agréer vos commentaires avec grand plaisir ! je vous en remercie.
Salam alaykoum.
Je me délecte de vos merveilleux récits.
Taourirt c’est la ville de mon père l’Haj Torqui Lahssane.
je vous remercie Monsieur Bouassaba de nous faire vivre vos souvenirs.
Et Monsieur Jamal Meziane d’y contribuer.
Longue vie inshallah
Asma