Chronique de la semaine : A chaque famille suffit sa peine : L’Orientation post Bac : le dilemme d’une méritocratie!
Chronique de la semaine :
A chaque famille suffit sa peine :
L’Orientation post Bac : le dilemme d’une méritocratie!
Par Bouziane Moussaoui
« Avec quelle impatience, lecteur illustre (…), tu dois attendre à présent ce prologue, croyant y trouver (…) des querelles, des reproches outrageants (…) : Eh bien ! en vérité, je ne puis te donner ce contentement : car, si les outrages éveillent la colère dans les cœurs les plus humbles, dans le mien cette règle souffre une exception… », écrivait le Grand Cervantès, l’auteur de Don Quichotte.
La raison est simple, désagréable, résignée, mais digérable, chers lecteurs ; on ne badine pas avec les politiciens au Pouvoir quand il s’agit d’un grand investissement : nos enfants, l’Espoir de tout une Nation, le Maroc.
Cependant, le choix de Cervantès, pour commencer, n’est pas arbitraire, car nos enfants, futurs bacheliers, éventuels héritiers, ressemblent, durant cette période hésitante de l’année scolaire, beaucoup à Don Quichotte qui se plaisait à se battre contre des éoliennes, contre des antihéros imaginaires.
A bon escient, ou sans discernement, les parents de nos élèves, tirent la révérence quand leurs enfants leur racontent des scénarios possibles de leur(s) avenir(s) éventuel(s) esquissé(s) avec professionnalisme par les inspecteurs, les consultants à l’orientation, l’administration pédagogique et leurs enseignants…, sans parler des bellissimes « chansons » publicitaires des Instituts privés…, “Une bonne parole éteint mieux qu’un seau d’eau.”, écrivait le fameux Cervantès.
Les plats sont servis plutôt « froids » aux futurs bacheliers (à la manière d’un self-service, s’il vous plaît !). Ces derniers, se croyant plus intelligents que Candide de Voltaire (au programme !) pour avoir rêvassé longtemps de choses « à noms sonores », comme Madame Bovary de Flaubert , découvrent qu’ils n’ont pas vraiment l’embarras du choix, mais qu’ils vivront pendant un temps le stress du dilemme :
( « Situation qui nécessite de faire un choix entre deux solutions contradictoires, chacune étant aussi insatisfaisante que l’autre »).
Et le dilemme dans ce présent contexte consiste essentiellement à résoudre une équation par la logique de l’absurde, celle de rimer savoir faire et savoir devenir.
On leur apprend, entre autres : « que l’enseignement supérieur marocain est scindé en deux catégories. D’un côté, l’enseignement supérieur organisé par les Ministères de tutelle forme des cadres de niveau bac + 3 à bac + 8 , comme il propose un enseignement professionnel visant à former des techniciens spécialisés en 2 ou 3 ans après le bac ; que cet enseignement comprend des universités, des écoles et des Instituts technologiques (les études y sont organisées sur le même modèle européen LDM : Licence en 3 ans, Master en 5 ans et Doctorat en 8 ans; que les écoles d’ingénieurs se distinguent par une sélection par concours à l’entrée et un effectif réduit. Les études se déroulent sur 5 ans et débouchent sur un diplôme d’ingénieur d’Etat… »
Où est donc la règle d’or dans tout ceci ?
« C’est de moins en moins le fait d’être bachelier qui fait la différence, mais bien la nature du baccalauréat obtenu », comme l’avait constaté M. Duru-Bellat dans L’inflation scolaire – Les désillusions de la méritocratie (Paris : Éditions du Seuil & La République des Idées).
Restons plats, terre à terre, sans trop de littérature et « appelons un chat, le chat ! » :
Certains parents croient pouvoir réaliser leurs propres rêves grâce à la persévérance de leurs enfants. Ces parents portent au pinacle leurs enfants, et les placent dans une situation où ils ont constamment peur de décevoir leurs parents, et du même coup de perdre leur amour. L’enfant cherchera alors toujours à faire mieux et plus, non pas pour lui même mais pour les autres, et n’en tirera aucune satisfaction.
Pour cet enfant, comme pour d’autres d’ailleurs, il est franchement déplacé le fait de parler des qualités des filières d’une université (faites selon lui pour les moins qualifiés, sinon pour les démunis) et encore pire d’un éventuel institut de formation professionnelle, Bac professionnel compris (!!!). Il n’est pas pour autant question de passer à la classe supérieure s’il n’est pas orienté vers les branches scientifiques (Bac International de préférence) à la fin du collège, et s’il n’obtient pas avec brio ses 25% Régional et 75% National !…
Ipso facto, le pays selon nos politiciens à l’Exécutif n’a plus besoin ni d’avocats, ni de juges, ni d’enseignants, encore moins de journalistes (sic) ; déjà en 2002 Khadija Zahi , professeur de sociologie à l’université Cadi Ayyad Marrakech écrivait au sujet de l’orientation post Bac au Maroc que
« Les jeunes marocains qui accèdent à l’enseignement supérieur sont confrontés à un système fortement inégalitaire. La ventilation des élèves dans les différentes filières est marquée par de grandes disparités qui touchent les possibilités d’orientation post-bac, les conditions d’études et les perspectives professionnelles. Ces disparités renforcent la division du système universitaire en deux types de formations : des formations de masse et des formations d’élite. » Maroc (L’orientation dans l’enseignement secondaire et supérieur au Maroc : de l’inégalité d’accès à l’inégalité de parcours. Thèse de doctorat, Sous la direction, J-M Berthelot, Toulouse, 2002).
En conséquence, notre élève, futur bachelier (je l’espère) aurait dû demander à son professeur de philosophie d’insister plus sur le chapitre axé sur le pragmatisme anglo-saxon, au lieu de perdre son temps à comprendre les fondements de l’idéal humaniste, naguère philosophie européenne par excellence, car et ce n’est un secret pour personne « Le mécontentement ne vient pas avec l’échec, qui incite à la patience, mais avec le succès qui rend exigeant.», comme écrivait André Frossard dans ses Pensées.
Et cette exigence n’a rien à voir avec un penchant éphémère plutôt psychologique dû à un certain sentiment de frustration ; et ce pas non plus une simple politique conjoncturelle dictée par le FMI et semblables, c’est toute une idéologie qui prêche la méritocratie.
Il s’agit bel et bien (voir un dictionnaire politique) d’ « un système politique, social et économique où les privilèges et le pouvoir sont obtenus par le mérite. Celui-ci est basé sur la reconnaissance de la valeur par les diplômes, l’expérience, les qualités, les vertus… La méritocratie a pour fondement l’égalité des chances, la liberté individuelle et la reconnaissance de la « réussite ».
Et pour éviter de défrayer davantage cette présente chronique proposée pour le partage, par respect au petit espace qui lui est réservé et aux opinions de mes lecteurs, je vous invite chers lecteurs à rêver avec moi ; puisque tous les jeunes marocains devront passer un concours pour être recrutés, pourquoi ne pas généraliser la règle : ne faudra-il pas passer un concours pour devenir ministre et encore plus loin prochain chef du gouvernement ? (tout le monde est payé par l’argent des contribuables).
J’y reviendrai
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