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MAROC : CE N’EST PAS FINI.

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COLONEL MOHAMED MELLOUKI
LE JOURNAL-LA 2ème LECTURE :
MAROC : CE N’EST PAS FINI.

En suivant, le 25 janvier dernier, sur les chaînes télévisées, le déroulement du 2ème anniversaire de la Révolution égyptienne, et depuis ses effets qui perdurent à ce jour, je n’ai cessé de penser à l’article ‘ La poudrière égyptienne’ que je venais d’écrire quelques jours auparavant, exactement le 10/1/2013, où je disais, entre autres, que l’Egypte étant devenue l’épicentre du Printemps arabe, celui-ci y développera un esprit de fronde puisant dans celui, français, de mai 1968, qui maintiendra une menace permanente de bouleversement sur tous les régimes arabes. Le Pouvoir marocain risquerait-il d’être lui aussi, pour le moins, impacté par le phénomène ? La question mérite réflexion parce que le risque d’un nouvel embrasement existe chez nous aussi, pour cause d’une conjonction de considérations internes et de géopolitique internationale qui peuvent être déterminées en sept points.

1)- La Constitution de la discorde : La violence qui a marqué la célébration du 2ème anniversaire de la Révolution égyptienne s’inscrivait, en fait, dans le prolongement de la confrontation d’une large partie de la masse avec le pouvoir, qui avait, pendant un mois auparavant, jeté dans les rues des déferlantes de manifestants pour cause du projet de la réforme constitutionnelle. Le nouveau régime en place présentait ce projet comme un texte révolutionnaire reflétant fidèlement la revendication révolutionnaire. L’Opposition y voyait une manœuvre des Frères Musulmans de s’approprier le pouvoir. La promulgation officielle de la Constitution, largement contestée par au moins la moitié de l’électorat, a divisé, depuis, l’Egypte en deux camps antagonistes. Ce pays est désormais en proie à une crise sociétale qui ne semble pas se résorber de sitôt. En 2011, le Pouvoir marocain, lui, avait pensé, en pleine effervescence suscitée par le M20, à concocter à toute vitesse un projet du genre. Celui-ci donne, depuis, lieu à une profonde contestation, et le référendum y afférent avait enregistré un taux d’abstention évalué aux 2/3 des inscriptions, et celui d’approbation à moins de 20% contrairement aux assertions officielles. Tout comme en Egypte, la nation  se trouve, sur ce chapitre, bel et bien fracturée en deux camps. Epargné par la tempête qui a emporté, ailleurs, certains régimes, et s’imaginant que la Constitution qui en est résultée, l’actuelle, le mettait à l’abri d’une éventuelle déstabilisation, le Pouvoir n’a pas réellement pris la pleine mesure de cette ‘ chance’ et n’a pas tardé à retrouver ses vieilles mentalités et pratiques qui font qu’il reste, malheureusement, otage de son Histoire. Sa vision d’avenir national s’incruste paradoxalement dans la conception qu’il se fait de son passé historique et de la trame des us et coutumes dynastiques. La crainte d’une perte de maîtrise de son statut et de ses privilèges l’incite à des politiques et réactions conjoncturelles, imprégnées de prudence et méfiance, dont il n’est pas, pour autant, rassuré lui-même. Le fait qu’il ait régenté un peu plus l’échiquier politique, réduit à un simple groupement de comparses, figurants, et opportunistes réunis, ne change, évidemment, rien une réalité qui fait que depuis et à cause de cette même Constitution un sentiment d’amertume politique s’est ajouté au malaise social ambiant depuis des lustres, attisant un peu plus les ingrédients d’une explosion.

2)- L’expérience islamiste : Résultant officiellement d’une consultation électorale qui se voulait libre et transparente, l’émergence du PJD sur la scène gouvernementale obéissait, en fait, à d’autres motifs tout à fait éloignés de la considération avancée. En fait, le Pouvoir, vacillant sous l’effet de surprise provoquée par le soulèvement du 20 février, croyait trouver un allié consistant dans cette formation qui s’inscrivait, à point, dans l’avènement politique islamiste, et donnait en sus des gages de fidélité. Le PJD avait, en réalité, tout simplement trompé une bonne part de son électorat et leurré le régime aussi, en réussissant à refléter, à un moment crucial pour celui-ci, l’image d’une formation véhiculant la revendication nationale. C’est connu, depuis, que tant le PJD que la Mouvance islamiste égyptienne avaient observé une attitude pour le moins circonspecte, voire poltronne et hypocrite, pendant le déroulement du Printemps arabe. L’un et l’autre avaient profité de la panique qui s’était emparée des régimes pour les exploiter à leur profit et en recueillir les dividendes. L’accès au pouvoir leur a été échu tout comme chute un fruit blet, sans même se donner la peine de secouer le cocotier. Cela leur a vite tourné la tête. Tant les Frères Musulmans que notre PJD n’ont pas tardé à manifester, dès lors, une attitude pour le moins arrogante, notamment à l’égard de leurs adversaires idéologiques. Les premiers, et leurs alliés Jihadistes, n’ont pas tardé à excommunier de la Oumma musulmane les opposants à leur agenda. Mr Benkirane a, de son côté, vite accusé les laïcs de pactiser avec le diable, avant d’abreuver le public de sa ridicule rhétorique relative aux crocodiles et 3âfarit, pour masquer son impuissance à tenir ses promesses électorales. Il faut lui rendre justice qu’il est resté, tout de même, dans le pittoresque et le clownesque, ce qui a au moins l’avantage de faire détendre la galerie, contrairement à Mr Mohamed El Abbadi fraîchement promu au leadership d’Al Adl Wal Ihsane qui n’a pas eu froid aux yeux et a crevé le plafond de la démagogie et de l’immodestie en déclarant aussitôt investi que  le moins positionné dans sa Jamaâ était compétent pour la direction d’un Etat, alors que le président du plus grand Etat du monde ne saurait prétendre à un poste de gardien d’immeuble dans l’Etat auquel aspire sa formation. Il n’empêche que la différence entre Benkirane et Abbadi réside plus dans la formulation que dans le fond des intentions. En tout état de cause, les deux ne sont pas éloignés de la pensée exclusive et sectaire des Frères égyptiens pour qui, aussi, la Confrérie est une caste particulière jouissant d’une prééminence la plaçant au-dessus non seulement de l’Etat, mais de la nation. À quelque chose malheur est bon, les derniers tragiques évènements ont dû leur faire comprendre qu’ils avaient vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Avec l’espoir que nos ‘ frérots’ locaux en tireraient la leçon pour rester dans les limites de la décence. En particulier Mr Benkirane qui a rassuré, tout récemment, ses troupes à Casablanca que le PJD l’emporterait aussi à l’échéance législative de 2017.

3)- L’alliance islamiste : Le Dr Raddad Okbany qui a été l’un des témoins oculaires de l’absorption par le MPDC de l’équipe Benkirane qui allait se muer en PJD, révèle dans son livre ‘ PJD, Début et fin’ – pages 5 à 7- et quelques autres écrits dans la presse, que Mr Benkirane avait bel et bien fait acte d’allégeance au Dr El Khatib, lui-même mystérieux représentant, au Maroc, de la Confrérie des Frères Musulmans. Par conséquent, son acte l’implique aussi à l’égard de la Confrérie. Nous sommes donc en présence d’un homme qui manie un double langage et adopte une attitude double, ambivalente, hypocrite, puisqu’il ne cesse de se faire, publiquement, le chantre de la Commanderie des Croyants tout en étant un adepte d’une confrérie étrangère dont l’idéologie politique est en totale contradiction avec le credo marocain. Même si, en fait, son islamisme ne véhicule de vision politique qu’autant que la signification de la barbe dans le travestissement du père Noël. J’en ai, d’ailleurs, parlé, précédemment dans l’article que j’ai écrit en juin dernier, intitulé ‘ Faut-il destituer Mr Benkirane ?’.

4)- L’onction américaine : Il est établi que les USA ont commencé à désespérer du régime de Moubarak et à établir des approches en direction des Frères Musulmans dès 2004. À partir de cette date, ils commencèrent à s’inquiéter sérieusement de la menace qui pesait sur leurs intérêts au Moyen-Orient, en raison de leur appui aveugle à des régimes autocrates dont l’impopularité grandissante ne pouvait que favoriser davantage la montée en puissance des mouvements islamistes radicaux. Mais les premiers contacts constants prendront effet concret quatre ans plus tard, quand les américains n’ayant pas apprécié la condamnation à la peine de prison de Ayman Nour, dont le crime fut d’avoir osé se présenter contre le raïs à la présidentielle de 2005, décidèrent de prospecter d’autres filières avant que la situation ne leur file entre les mains. Ils crurent pouvoir le faire dans le cadre d’une coalition regroupant les Frères Musulmans et la nébuleuse démocrate et libérale dont prendrait la tête Ayman Nour. Ils furent pris de vitesse par le Printemps arabe survenu comme une tornade, à l’étonnement général. Ayman Nour s’étant révélé impréparé à un leadership national fut vite marginalisé, cédant, temporairement, la prééminence à Al Baradeï  dont l’auréole a brillé le temps d’un feu de paille, avant de reprendre quelques poils de la bête plus tard dans le cadre du FSN. Convaincu que le règne islamiste devenait inéluctable, après la chute de Moubarak, les USA, apportèrent leur caution à l’élection du  Dr Morsi à la présidence, dans un deal dont j’ai parlé dans l’article précédent ‘ La poudrière égyptienne’. En contrepartie, la Confrérie a été obligée de leur donner des gages, dont le principal se rapporte aux accords de Camp David, exprimés au vice-président américain John Biden, durant la période des présidentielles. Au Maroc, le PJD a bénéficié de cette nouvelle perspective américaine à l’égard des islamistes catalogués modérés. Bien que le Roi ne fût pas, semble-t-il, chaud pour l’expérience, et aurait déconseillé aux américains de jouer cette carte, ces derniers auraient, selon Mr Boubker Jamâe, exprimé dès 2005, à Mr Othmani quand celui-ci était encore Secrétaire général du PJD, leur faveur pour cette formation, dans le but de contrer l’expansion et l’influence des salafistes locaux et particulièrement  Al Adl Wal Ihsane.

5)- La montée en puissance des mouvances radicales : Entre-temps, les Frères Musulmans ayant su instrumentaliser le Printemps arabe à leur profit ont été perçus comme les interlocuteurs incontournables dans toute nouvelle reconfiguration géostratégique dans la région. Mais non seulement qu’ils ne purent contrer la montée en puissance des Salafistes et autres Jihadistes, mais que leurs propres rangs sont de plus en plus infiltrés par les radicaux. Leur règne est, dores et déjà, considéré comme très aléatoire. Au Maroc, le PJD a lui aussi déçu. Censé constituer une force politique expressive de la revendication nationale et de la majorité de l’opinion publique et, du fait, investi d’un réel leadership capable d’endiguer la menace du Printemps arabe et de contrer  la nébuleuse radicalo-salafiste, du moins la tracter dans son sillage, il se révèle une simple peau de baudruche  impréparée et débarquée par erreur à la gouvernance.

6)- Les positions géostratégiques : Celle du Maroc sur la rive sud du Détroit de Gibraltar et la pleine propriété par l’Egypte du canal de Suez, en sus du tracé frontalier commun avec Israel,  font que toute éventualité d’une arrivée dans ces pays de régimes politiques hostiles aux USA ou d’une tentative d’émancipation à l’égard de leur leadership, peut conduire, pour le moins, à des rétorsions multiples de la part de cette puissance.

7)- L’œil du cyclone: Si les USA ont été, de l’avis quasi- général, surpris par le déclenchement du Printemps arabe, avant de l’enfourcher rapidement, certes, ils demeurent désormais sur leur garde et ne se laisseront aucunement se cantonner dans un rôle de dernière roue de la charrette. De sources généralement bien informées, ils ont été choqués par la tournure des évènements qui viennent de secouer l’Egypte ces dernières semaines, ne s’attendant pas à l’ampleur et la capacité de mobilisation de l’Opposition qui n’avait pas cessé de dénoncer leur collusion avec les Frères Musulmans.  Perplexes, pour le moment, à l’égard d’une Confrérie dont ils avaient grossi l’influence et l’importance, et sur laquelle ils se trompaient ‘ bougrement’ en matière de démocratie et droits de l’Homme, ils n’écartent plus, désormais, une révision totale de leur position à l’égard de cette organisation. Avec de fortes probabilités de ricochet sur un PJD pour sa connivence  avec les Frères Musulmans, relatée ci-dessus dans le 3ème paragraphe ‘ L’alliance islamiste’. D’autant que plusieurs études concordent que pratiquement l’islamisme dit ‘ modéré’  a pris fin avant même de prendre son envol en tant qu’alternative politique aux régimes déchus ou menacés de l’être, et que l’affrontement futur aura lieu entre les forces démocratiques, toutes confondues, et les coalitions radicalo-salafistes, toutes confondues aussi. Hassanein Haykal qui, lui, sait de quoi retourne la géopolitique telle qu’elle se définit à Washington, comme s’il en suivait le déroulement dans une boule de cristal, a affirmé, au cours d’une émission télévisée, le vingt décembre dernier, que le Moyen-Orient connaîtra de profonds bouleversements d’ici 2 à 3 ans. C’est admis que le Moyen-Orient dans l’optique américaine n’est pas celui que l’on étudie au collège sur les cartes géographiques, mais celui tracé au State Department, qui va du Maroc au Pakistan. Le non moins célèbre chroniqueur palestinien, Mr Abd Elbari 3atoine, directeur du quotidien arabophone ‘Al Quds Al Arabi, basé à Londres, qui n’y est pas moins introduit dans les instances décisionnelles que Haykal à Washington, tient le même langage, parlant de quelques semaines ou mois à venir qui modifieront la physionomie du monde arabe. Il est établi que la géostratégie américaine, planifiée de concert avec la Grande Bretagne et la France pour le moins, n’accorde plus au Maroc cette place privilégiée d’antan. En dépit des affirmations officielles des deux parties quant à l’excellence de leurs relations, ces affirmations ne peuvent voiler le fait que depuis Busch Junior, notamment, le Maroc est pratiquement passé du rang d’ami à celui de camarade. L’Administration Obama, à son tour, ne s’est pas montrée, non plus, jusqu’à l’heure, trop sensible aux sirènes marocaines. Et si le Projet de Développement de la Démocratie au Moyen-Orient- Promed- initié à Washington prouve que l’agenda de bouleversements de certains régimes épargnés par la vague de 2011 n’a pas été enterré, il ne faut surtout pas se leurrer que les américains croient à nos sornettes démocratiques, et l’intérêt qu’ils accordent encore au pays est en bonne partie destiné à contrecarrer l’instauration d’un leadership régional algérien dont ils ne cernent pas encore les contours et dont ils craignent une extension jusqu’au Détroit. Le pays est, donc, dans l’œil du cyclone. Le Pouvoir marocain a intérêt à prendre les devants, initier un véritable projet de développement de la démocratie, éviter les simulacres qui ne trompent plus personne, et encore moins l’Occident, pour ne pas offrir à ce dernier le prétexte d’intervenir dans une cuisine interne où les Marocains sont bien en mesure de cuisiner eux-mêmes, et mieux que l’Etranger, leurs propres mets. Il gagnerait en s’inscrivant dans cette optique, parce que tant qu’il s’acharne à empêcher l’éclosion d’un débat politique franc et constructif qui puisse refléter la véritable conscience nationale et véhiculer ses attentes, tant il pousse à la contestation et à la radicalisation de générations de jeunes ambitionnant un rôle leadership au sein d’un État qu’ils voudront concevoir à leur mentalité. L’Etat féodalo-patriarcal dans lequel le Pouvoir tient à enfermer les Marocains, en dépit des rafistolages, tel celui de 2011, qui ne trompent que les petites cervelles déphasées politiquement, est définitivement hors du temps. Il est impératif de réfléchir à une ‘ nouvelle’ révision constitutionnelle qui puisse aboutir à une Refondation totale et globale de l’Etat. Je ne le dis pas sous influence de ce qui vient de se passer en Egypte ; je l’ai exprimé dans des écrits antérieurs diffusés tous sur google et facebook.

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2 Comments

  1. Said
    15/02/2013 at 11:59

    Voilà une analyse plus que pointue, qui ne prête pas à équivoque, et qui concerne la situation actuelle dans les pays considérés et en particulier le nôtre. Une preuve, s’il en faut, qu’il y a encore des hommes qui ont un esprit analytique et matérialiste de premier ordre. Je crains toutefois, que le colonel va s’attirer les ires et la foudre de ceux, nombreux chez nous, à l’esprit fossilisé et qui pensent toujours en terme de « halal et de haram ». Ils ont une arme terrible, excommunication ou le takfir, pour user d’un vocable arabe, plus approprié. Vont-ils risquer de s’attaquer frontalement à un colonel, même en retraite, je me pose la question. On verra bien, qui vivra verra!

  2. Mohammed
    26/02/2013 at 19:30

    Ssi Said, avec tout le respect que je te dois ainsi qu’au colonel à la retraite, je me permets de te dire que Ssi Mellouki raconte des banalités que tout le monde connait par coeurs. Y en a marre de la littérature importée :) ! J’ai l’impression que dès qu’on a rien à foutre on commence à balancer des diatribes et casser du sucres sur le dos de l’islam :) Bonsoir chez toi :)

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