A M. le Ministre de la Justice et des Libertés, Président de la Haute Instance du Dialogue National sur la Réforme Profonde et Globale du Système de la Justice.
Colonel Mohamed Mellouki À Rabat, le 22 septembre 2012
62, rue Jbel Rif
Sid El Abed- Harhoura
GSM : 06-76-74-70-16
Email : colonelmellouki@gmail.com
À M. le Ministre de la Justice et des Libertés,
Président de la Haute Instance du Dialogue National sur la Réforme Profonde et Globale du Système de la Justice.
La Haute Instance que vous présidez planche actuellement sur l’un des chantiers les plus ardus de la mise en oeuvre de la Constitution actuelle : celui de la Réforme judiciaire.
Moi-même, dans quelques écrits, notamment mon Mémorandum que j’ai déposé le 2 mai 2011 devant la CCRC qui l’a publié officiellement, par la suite, sur le Net, j’ai abordé ce thème dans la conception d’une Refondation globale et profonde de l’État.
Néanmoins, j’ai voté contre la Constitution pour cause, entre autres, de certaines réserves relatives à la conception que je me fais de l’indépendance de la Justice. Je considère, en effet, que la Constitution ne consacre pas une réelle indépendance de la Justice en Pouvoir véritablement autonome, mais plutôt un transfert de dépendance de cette institution qui extraite de l’Éxécutif- nonobstant la place du Parquet dans la loi organique en cours d’élaboration- passe sous pouvoir régalien.
Je comprends, cependant, que ce texte, dont je préconise, dans certains de mes écrits antérieurs, une nouvelle révision, étant ce qu’il est, ne s’ouvre, pour l’heure, que pour des propositions qui viendraient en conforter la teneur pratique.
C’est dans cet esprit que je voudrai préciser que les articles 109 à 111 de la Constitution se veulent des dispositions de protection de l’indépendance individuelle des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, et indirectement de leur âme et conscience. Cette protection est destinée à les mettre à l’abri de représailles fâcheuses sur leurs carrières.
Toutefois, autant les magistrats ont besoin de cette protection à l’égard de la hiérarchie, autant les plaideurs, notamment au niveau du ‘pénal’, ont besoin d’une protection vis-à-vis du système judiciaire qui dans sa phase préliminaire est assuré par une Police judiciaire dont les procédés sont fréquemment dénoncés.
L’objectif de la Haute Instance est, normalement, destiné à apporter des améliorations au fonctionnement judiciaire, qui puissent protéger davantage le citoyen dans sa dignité et l’exercice de ses droits et ses libertés, en premier lieu individuels.
Aussi, dans ce but, et pour permettre, également, aux juridictions de jugement de disposer de procédures établies véritablement dans le respect de la loi, je vous proposerai d’intégrer dans l’agenda de vos travaux l’institution de deux principes ci-après :
– Le droit à la défense: L’article 120 de la Constitution appelle deux observations. Il stipule dans une première partie que ‘ Toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable’.
Si cette ‘ Toute personne’ s’applique au plaideur, celui-ci n’a aucune influence ni sur l’équité de son procès ni sur le délai raisonnable de ce dernier ; et la disposition n’a pas plus d’intérêt qu’un simple vœu sans conséquence aucune sur la réalité du fonctionnement judiciaire. Si elle s’adresse à ‘ l’âme et conscience’ du juge, la plupart des plaideurs, eux, savent pertinemment qu’ils ne doivent pas y trop compter. Au lieu de s’en tenir à de vagues dispositions qui ne peuvent prendre corps et relèvent plutôt de la morale destinée aux magistrats, dont ils se soucient comme de leur première chemise, la Haute Instance se doit, en la matière, innover, plutôt, en termes de mise en place de mécanismes qui doivent astreindre le juge au respect des deux objectifs exprimés.
Dans la deuxième partie, ‘ Les droits de la défense sont garantis devant toutes les juridictions’ prête à confusion. Ces droits s’appliquent, apparemment, aux membres du barreau ; autrement il fallait dire ‘ le doit à la défense’ si ce principe devrait être étendu aux citoyens. Aussi, je suggèrerai qu’il en sera ainsi dès la phase de l’enquête préliminaire, de façon que tout citoyen soumis, à ce niveau, à une interpellation qui peut évoluer en rétention, dans le cadre d’une poursuite judiciaire, devra disposer du droit incontestable de se faire accompagner et assister dès sa première comparution par un défenseur du barreau dont le contreseing du registre de garde-à-vue devra authentifier cette mesure si elle venait à être décidée. Ce contreseing aura valeur de preuve formelle pour confirmer ou infirmer les dires des uns et des autres en cas de contestation autour des circonstances et de la durée de la garde-à-vue.
– Du Juge des enquêtes: L’article 117 de la Constitution est tout à fait superflu. Il constitue une simple formulation qui n’a aucune incidence sur le cours de la Justice. Le terme ‘ Juge’ renvoie à la magistrature assise. Dans la quasi-totalité des cas, le juge marocain officie sur la base des P.V de la Police judiciaire, contestés dans une très large mesure. L’institution judiciaire en prise directe avec la protection des droits et libertés et la sécurité judiciaire des personnes et des groupes est le Parquet. Lequel, souvent obnubilé par l’aspect répressif de son rôle, ne se soucie pas trop du bon déroulement des enquêtes préliminaires qui conditionnent la plupart des poursuites pénales. Le Parquet, en général, a tendance à faire une confiance aveugle aux services de police judiciaire qui, souvent, abusent, grandement, de leurs pouvoirs.
Là aussi, la Haute Instance se doit d’introduire un mécanisme permettant de veiller à l’objectif escompté. Je préconiserai, à cet effet, que si la Défense constate que son client n’est pas traité dans les normes d’espace et de détention telles qu’elles sont fixées par la loi, que sa dignité et son intégrité morale et physique s’en trouvent menacées, que ses alibis et justifications ne sont pas pris en considération, ou pour toute autre faute commise par omission ou commission par les enquêteurs au détriment des droits de son client, elle pourra requérir la présence sur le champ du ‘Juge des enquêtes’ qui devra instruire la requête, faire cesser les errements et abus constatés, demander au Procureur de prononcer la dessaisie des enquêteurs et de prendre à leur égard les mesures adéquates. Les interventions et constatations de ce magistrat devront figurer in fine de la procédure ou jointes à celle-ci pour servir, à la juridiction compétente, parmi les éléments d’appréciations dans l’élaboration de l’intime conviction et le prononcé du jugement.
Veuillez agréer, Mr le Ministre, l’expression de ma haute considération
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