Les professeurs et la réforme du code de surveillance
L’initiative qui consiste à charger les professeurs de surveiller les candidats à l’examen du baccalauréat dans un lycée autre que celui où ils exercent me semble une initiative louable et pleine de sagesse quoiqu’elle soit venue un peu tard : il vaut mieux tard que jamais, dit-on.
Elle est bénéfique pour plusieurs raisons :
-Elle dissuade les élèves habitués à la fraude : en effet, les élèves, conscients que celui qui les surveille est une personne étrangère à leur établissement n’oseront pas se risquer dans une aventure dont ils n’ignorent pas les conséquences. Ce qui va sans aucun doute limiter les cas de fraude qui avaient tendance à se généraliser car les élèves comptaient beaucoup sur l’indulgence de leurs professeurs ou de ceux qui exerçaient dans leur lycée. Au fil des années, un accord tacite, selon lequel le professeur chargé de la surveillance fermait l’œil sur les élèves qu’il surveillait, s’était établi entre les élèves et les professeurs de leur lycée.
– Elle permet de couper court aux allées et venues douteuses dans le lycée de certains professeurs qui ont la vilaine habitude de venir au lycée même quand ils n’ont rien à y faire. Ils n’ignorent pas que le lycée est un centre d’examen et pourtant, ils se font remarquer plus que pendant les jours ordinaires. Pourquoi ? Allez savoir pourquoi..
-Elle met fin aux agissements peu légaux de certains coordinateurs qui sollicitent les candidats en leur demandant s’ils n’ont pas de questions à poser ; certains élèves n’attendent que cette aubaine pour recevoir ou envoyer un brouillon à un camarade, à sortir un document qu’il cache sur lui. Toutes les fois que le coordinateur entre en classe d’examen, souvent sans raison apparente, son entrée déclenche un remous parmi les élèves. Ce qui dérange et distrait les élèves travailleurs. Quant aux professeurs chargés de la surveillance, il leur faut du temps pour rétablir l’ordre.
– Elle permet de créer une frontière mêlée de respect et de crainte entre le surveillant et le surveillé. Les relations fondées sur les privilèges nés le plus souvent entre le professeur et l’élève via les heures supplémentaires ou des recommandations du type ‘’9baltak* ‘’ n’ont plus droit de cité : l’élève devient un candidat et le professeur un surveillant.
-Elle réduit le pouvoir du chef du centre d’examen de nommer les professeurs indulgents dans les classes où se trouvent les élèves qui peuvent bénéficier des largesses et des complaisances.
– Elle met tous les élèves sur le même pied d’égalité : il ne sera plus dit à l’avenir que dans telle salle d’examen les élèves ont bénéficié de la complaisance des professeurs surveillants.
Pour finir, cette décision devrait être généralisée à toutes les académies du royaume et aussi à l’équipe administrative. C’est un pas positif dans le changement.
En conclusion, les professeurs ou certains d’entre eux ont voulu transformer leur lieu de travail en citadelle dans laquelle ils se claustrent. S’il leur est demandé d’aller travailler dans un autre lycée, situé dans un autre quartier de la ville, ils refusent d’obtempérer et saisissent le syndicat qui appelle à l’insurrection et crie au sacrilège. S’il leur est demandé d’aller surveiller dans un autre lycée qui n’est pas celui où ils travaillent, ils font la grogne et ameutent ceux avec qui ils partagent des affinités négatives. Les professeurs doivent enfin comprendre qu’ils sont les fonctionnaires du Ministère de l’Education Nationale et non les fonctionnaires du lycée dans lequel ils sont affectés. Leur déplacement est tributaire des besoins du Ministère et de sa politique et non et de la fantaisie de certains professeurs qui cherchent à enrayer la mécanique du changement et de la réforme.
* 9balatak : Laisse faire X
6 Comments
Merci Professeur, voilà enfin un point de vue sensé qui dénote un profond sens des responsabilités. Tout n’est pas perdu dans ce secteur, que les travailleurs prennent la parole et disent comment le travail doit être mené. Bon courage
C’est très bien dit.
certes, c’est un bon pas en vue de dissuader les tricheurs qu’ils soient des élèves ou des responsables administratifs indignes, toutefois, ce renouveau ne sera pas sans complications et retombées négatives: agressions, concusion, harcèlement, etc.
a Nador la situation est fort sensible. comment pourrait on contrevevenir et venir déroger à des habitudes devenues alors une coutume de droit. de là, la tension sera à son paroxysme certainement et la tâche des professeurs chrgés de surveillances sera périleuse.
dans une autre optique, les contacts avec les professeurs surveillants pourraient être en cours et l’on sera face à une redistribution des rôles non plus!!! a Nador, la ruine est la loi, et je pense que dans un marécage pourri, une simple agitation ne change rien, il faut des agents de la gendarmerie,… ah les pauvres aussi corompus,… je propose alors des casques bleus à Nador.
Parfaitement d’accord. On m’a dit qu’une prof écrivait la production écrite à sa fille dans un lycée à Oujda!! Tous les enfants des Marocains doivent avoir les mêmes chances.
Je pense que c’est une bonne initiative, du fait qu’elle permet de mettre les enseignants et les élèves dans le bain et donne un vrai sens de l’examen, et cela va mettre les élèves dans le principe de l’égalité des chances et les enseignants dans un environnement non habitué.
Je souhaite à tous nos élèves une bon courage et bonne chance et à tous les confrères enseignants d’être vigilant.
Voilà enfin quelqu’un qui parle en sachant de quoi il parle.
Merci de cette intervention,qui ,sans porter préjudice à personne ,a su trouver les mots justes pour expliquer une situation que personnellement j’approuvais,mais que je n’arrivais pas à transmettre.
Pour finir ,je dois dire que je suis complètement de votre avis sur tous les points que vous avez cités et encore une fois MERCI.
Signé:
Un professeur qui ira surveiller les examens du bac ailleurs que dans son lycée.