Le lycée Abdelmoumen (Oujda) renoue avec son passé – VIDEO
Zaid Tayeb
Dimanche 14 mai 2023 était jour de fête au lycée Abdelmoumen, Oujda. La plupart des anciens qui ont transité par cet illustre lycée étaient présents à cette fête organisée pour eux : anciens professeurs, anciens administrateurs et anciens élèves. De vieux crânes dégarnis, avec des cheveux piquetés de gris ou d’une blancheur de lait, des joues creuses, des fronts plissés, dans des têtes pleines à craquer de vieux souvenirs bien gardés dans une mémoire encore en activité. S’il est vrai que leur démarche était hésitante et incertaine à cause du poids des années qu’ils portent sur les endosses, il est aussi vrai qu’ils ont gardé un regard vif dans des yeux fanés qu’anime un éclair de joie à la vue de ceux avec qui ils avaient fait un petit bout de chemin pour l’accomplissement de l’acte de faire savoir et connaître, de mettre sur le chemin de la science et de la connaissance ceux qui devaient à l’heure qu’il est les gratifier par un petit signe de reconnaissance. Ces anciens professeurs, administrateurs et élèves du lycée Abdelmoumen se sont donné rendez-vous dans ce lycée qui les a connus jeunes et bien portants et qui les accueille vieux et moins bien portants, mais heureux de se retrouver le temps d’une rencontre pour renouer avec le passé, dresser une passerelle entre hier et aujourd’hui, entre ce qui était et ce qui est, ce qu’ils étaient et ce qu’ils sont, passer le flambeau aux générations à venir, dire oui à la continuité, non à la rupture. Et les prises de parole se succédaient pour faire le récit du passage héroïque et épique de leurs orateurs dans ce lycée. Les récits des orateurs, certes, n’avaient rien à envier à ceux de ‘’la Gloire de Mon Père’’ de Marcel Pagnol. Et les discussions en privé allaient bon train dans des tête à tête qui n’en finissaient pas. Et les embrassades, les accolades et les étreintes à s’étouffer témoignaient d’une longue séparation et d’une heureuse rencontre.
Les vieux routiers du lycée Abdelmoumen étaient représentés par ses vieux directeurs qui ont gardé leur allure de vieux commandants de bord. Eux aussi, eux surtout, n’avaient rien à envier à Gregory Peck dans Moby Dyke. Ils étaient là, au premier rang, aussi présents d’esprit et de corps que lorsqu’ils étaient encore en activité. A les bien considérer, on se dirait qu’ils étaient prêts à entrer en action pour mettre de l’ordre s’il venait à manquer dans une salle qui chuchotait et papotait. Les délégués, le nouveau et l’ancien, graves, clames et sereins, étaient de l’assistance. Les femmes, que j’avais vues dans leur jeunesse, étaient plus discrètes et plus effacées, mais elles étaient là à suivre de tous leurs sens ce qui se disait et se faisait. Ah ! Si le temps venait à les montrer à l’ouvrage, à carder, filer et tisser le savoir dans la trame de la pédagogie, debout sur l’estrade de la salle de classe, jeunes, belles, douces et gaies comme le pinçon, et fraiches comme la rosée d’un matin de printemps, et actives comme la fourmi et l’abeille ! ‘’Ô temps, suspends ton vol ! Et vous, heures propices, / Suspendez votre cours ! / Laissez-nous savourer les rapides délices/ Des plus beaux de nos jours !’’1
Voilà ce qui en était ce dimanche 14 avril 2023 dans cet illustre lycée Abdelmoumen où, moi aussi, j’y ai transité entre 1969 et 1970 en tant qu’élève. Le seul souvenir que j’en garde est que j’y étais tabassé par les forces de l’ordre qui ont pris d’assaut le lycée en grève depuis longtemps. Abdelmoumen a ses soixante-dixards comme la Sorbonne a ses soixante-huitards, à une proportion près. Il ne manquait à Abdelmoumen qu’un guide comme Sartre et l’analogie serait parfaite ! Je suis l’un des soixante-dixards d’Abdelmoumen où j’ai été matraqué par les soldats appelés en renfort pour prêter main forte aux forces de l’ordre. Les coups de matraque que j’ai généreusement reçus sur les épaules, le dos et le derrière, m’ont remis les idées en place, autrement j’aurais mal tourné.
Si l’on m’avait donné le micro, voilà le seul récit que j’aurais fait écouter à mon auditoire à qui j’aurais peut-être coupé l’appétit.
1-Lamartine : Le Lac
Zaid Tayeb
2 Comments
Il manque au texte initial une petite conclusion.
Je ne sais pas ce que M.Kaddouri en a fait. Sans cette petite conclusion, le texte semble ouvert.
تحياتي للجميع
Année scolaire 1974-1975, classe de terminale.
Je suis de retour à Oujda, après des années d’absence et je re-découvre ma ville natale. Je suis passé devant le lycée, encore aujourd’hui.
Si vous souhaitez prendre contact avec moi : voici mon email : bachir.yousfi@icloud.com.
Bachir YOUSFI