LE MAROC APPARTIENT À TOUS SES CITOYENS, Y COMPRIS LES CHERCHEUR(E)S MAROCAIN(E)S EN MIGRATION, SANS EXCLUSIVE
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
Comprenant aussi une série de propositions concrètes alternatives , la présente contribution au débat public pour l’action , est une dénonciation de la manière opaque et sectaire dont a été formé et mis en place tout dernièrement à Rabat , le Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration (NAMAN). Les agissements étant dus principalement à la Direction de la coopération , des études et de la coordination intersectorielle , relevant du ministère délégué , chargé des MRE , la contribution interpelle la hiérarchie du ministère délégué et celle du département dont celui-ci dépend , à savoir le ministère des affaires étrangères , de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger .
Quatre volets seront abordés successivement ci-après :
1 – Pour un agenda national de la recherche en migration , avec un financement prioritairement interne .
2 – Un Comité National NAMAN…en catimini et déjà cadenassé.
3 – Une anticipation du futur Observatoire National des Migrations ?
4 – Pour une culture des bonnes pratiques et savoir raison-garder.
I – POUR UN AGENDA NATIONAL DE LA RECHERCHE EN MIGRATION ,
AVEC UN FINANCEMENT PRIORITAIREMENT INTERNE .
C’est depuis bien longtemps qu’a été mené par les uns et par les autres , un plaidoyer pour instituer d’urgence au Maroc , un agenda national multidimensionnel de la recherche en migration ( émigration et immigration) et un partenariat scientifique entre chercheurs, décideurs et gestionnaires du dossier migratoire . Ceci avec l’objectif de constituer un cadre de dialogue et de coopération globale, constructif et opérationnel pour se donner les moyens de maîtrise intellectuelle du fait migratoire pour pouvoir agir, permettre la conception et la mise en œuvre dans l’intérêt national, de politiques migratoires cohérentes, intégrées et fondées sur des faits et des données fiables .
Dans le cadre de cette agenda national de la recherche en migration, il y a lieu d’organiser et instituer le partenariat scientifique avec les institutions nationales œuvrant dans le domaine migratoire ( émigration et immigration) ,dans l’esprit de responsabilité et de citoyenneté, avec le plein respect de l’autonomie et de l’indépendance intellectuelle et critique des chercheurs , et en évitant la tutelle bureaucratique pesante ( en dehors du contrôle financier) . Ceci à l’opposé de l’article 3.7 du statut du Comité National Marocain dont nous parlerons plus bas , selon lequel «toutes les activités du comité , seront définies en concertation avec le ministère délégué » (chargé des MRE) . En clair, cette gestion aussi rigide , menée «sous la tutelle » du ministère délégué, par conséquent guidée et dépendante directement de lui, est très problématique .
Précisons bien les choses pour éviter toute ambiguïté . De notre point de vue, la coordination scientifique avec le ministère, ne peut se faire que de manière directe avec le ou la ministre concernée par le dossier migratoire , qui sont plus ouverts politiquement et intellectuellement, et non pas avec certains technocrates chez qui domine l’hermétisme et l’esprit administratif tatillon . L’expérience depuis plusieurs années , le démontre clairement . Un exemple significatif est décrit dans la «Lettre ouverte au ministre chargé des MRE concernant la Stratégie Nationale de l’Emigration à l’horizon 2022 » , publiée par le journal «L’opinion » en date du 11 août 2012 .
Tel que nous continuons à le concevoir, l’agenda national de la recherche devrait couvrir tous les aspects internationaux de la migration pour le Maroc : immigration étrangère et asile au Maroc, émigration du Maroc vers l’étranger ( nationaux et étrangers) , communauté marocaine résidant à l’étranger. La recherche doit en effet jouer un rôle très important afin d’orienter la prise de décisions et de mieux éclairer et guider l’action : maitriser la connaissance du fait migratoire dans toutes ses dimensions pour fonder et adosser les politiques adéquates en connaissance de cause , à travers des faits et des preuves et tenir compte des propres besoins du Maroc . Ceci dans une démarche émancipatrice , en dehors de tout suivisme , en particulier l’européo-centrisme, afin de ne pas laisser toujours l’initiative à l’Europe , de réagir tout au mieux ou de reprendre à son compte et sans discernement des solutions «prêt-à porter » ou «prêt-à -penser » .
Il s’agit également de réaliser la promotion d’une culture stratégique sur les migrations, à soutenir par les données probantes, par le renforcement de la prospective et le développement de scénario, tout comme il importe de promouvoir la culture d’évaluation des performances basées sur des critères d’efficacité.
Pour un financement prioritairement national
Le financement plutôt NATIONAL de la recherche , favorisera une grille de lecture nationale avec une vision globale marocaine . Tout en tenant compte du contexte des pays d’immigration, en particulier ceux de l’Union européenne et ceux d’autres pays d’accueil, il s’agit d’apporter des réponses marocaines à des problématiques marocaines . De ce fait, la recherche multidisciplinaire en migration, toutes disciplines confondues, doit être considérée comme une priorité marocaine , avec un financement prioritairement marocain pour se soustraire aux agendas étrangers , si nombreux et actifs en ce domaine , risquant d’orienter et de peser sur les politiques migratoires du Maroc.
Bien entendu, la migration a besoin de coopération . Le traitement des questions qu’elle soulève, ne peut se résoudre de manière unilatérale . Mais dans le cadre de cette contrainte , il serait de la plus haute importance de mener une réflexion stratégique sur les tenants et aboutissants de certains financements extérieurs en matière de migration , en particulier ceux à vocation ( in fine ) sécuritaire, où la tentation est grande d’instrumentaliser la recherche au service de certains agendas qui sont bien loin des droits humains , en se focalisant notamment sur la réadmission , les pratiques de retour «plus efficaces » , le contrôle frontalier ; la «lutte » contre l’immigration irrégulière, son «problème » et sa «menace » ; le suivi et la surveillance des routes migratoires …
A notre sens, l’interrogation se pose avec acuité en marge du lancement effectif à Tunis en janvier 2020 à l’échelle régionale , du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration ( North African Migration Academic du North African Migration Academic Network, NAMAN) qui bénéficie de l’appui du projet «Politiques et Pratiques d’une Bonne Gouvernance Migratoire Fondée sur les Preuves en Afrique du Nord » (eMGPP qui couvre l’Égypte, la Libye, la Tunisie , l’Algérie, le Maroc et l’UE) . NAMAN qui bénéficie de l’instrument de financement «Fonds Fiduciaire d’Urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique » ( à hauteur de 2.798.270 euros comme première contribution pour la période 2019-2021), est mis en œuvre par le Centre International pour le Développement des Politiques Migratoires ( ICMPD, Vienne), dont la vocation très sécuritaire est connue.
Ainsi , les 23 et 24 juillet 2019, une conférence à laquelle ont pris part notamment des membres du NAMAN , eut lieu à Tunis sur la gouvernance migratoire d’un point de vue fondamentalement sécuritaire . La rencontre fut coorganisée par l’ICMPD en partenariat avec la Délégation de l’UE en Libye et l’équipe nationale chargée de la sécurité et de la gestion des frontières du gouvernement libyen d’entente nationale . Le communiqué relatant les travaux , précisait que «la Conférence se voulait aussi un laboratoire d’idées visant à inspirer et guider la suite de la réflexion et de la recherche en Afrique du Nord , en particulier au travers du lancement remarquable du North African Migration Academic Network ( NAMAN) ».
Ce réseau travaille en effet à deux niveaux : le régional et le national .
Au niveau régional et tel que ceci ressort des travaux de l’Atelier de consultation : «Soutenir l’élaboration des politiques migratoires fondées sur des faits en Afrique du Nord ; explorer les partenariats entre gouvernements et universités » (Tunis, 28 juin 2018) , le constat de départ est notamment le suivant : les sujets de recherches universitaires ne correspondent pas aux priorités politiques de l’UE en particulier.
Dés lors, l’option retenue par les concepteurs du projet, est de diversifier l’étendue de la recherche sur les migrations dans la région, le partenariat de recherche régional pouvant permettre d’explorer les données de recherches peu étudiées ou sous-estimées qui intéressent l’UE dans sa politique de voisinage , particulièrement avec la région nord-africaine . En l’occurrence , il s’agit de données entrant dans le cadre de la problématique générale sécuritaire pour «régler» le «problème » migratoire , «s’attaquer à » la «menace » migratoire , «lutter contre » l’immigration irrégulière qui suppose notamment l’adoption de mesures sécuritaires strictes .
Le réseau «cherchera à générer une approche partagée de la gouvernance migratoire entre les États et d’autres acteurs clés , une coopération renforcée avec l’UE en matière de migration » . C’est là où l’UE et l’ICMPD peuvent imprimer leur marque , d’autant plus qu’aucune des enceintes sous-régionales auxquelles appartiennent ces pays , n’a un poids permettant d’avoir un rapport de forces susceptible d’équilibrer les relations migratoires avec l’UE : Ligue Arabe pour les 5 pays ; l’UMA ( qui est en état de mort clinique) pour 4 des pays concernés (l’Egypte n’en faisant pas partie pendant que la Mauritanie , 5ème membre de l’UMA , ne fait pas partie de la sous-région couverte par NAMAN) .
On constate ainsi que si l’appellation (longue) du «Fonds Fiduciaire d’Urgence … » met l’accent sur les causes de l’émigration, l’un des objectifs stratégiques majeurs du Fonds, consiste en pratique à privilégier l’impact, les conséquences , la dimension sécuritaire avec en premier, la lutte contre l’immigration irrégulière , en procédant notamment à l’externalisation des frontières européennes, axée sur des objectifs de confinement sur place et de contrôle .
Dans cet esprit , au NAMAN , se greffe un autre projet complémentaire , celui de North Africa Data Collection ( NOADAC) ou Collecte des données d’Afrique du Nord, permettant officiellement de renseigner sur les causes et les racines de l’immigration irrégulière , des personnes déplacés de force en Afrique ( EUTF) en Afrique du Nord(NOA). L’objectif final pour l’UE est que ces «sudistes » n’arrivent pas en Europe , en prenant aussi les mesures sécuritaires adéquates , permettant d’endiguer les migrations . Épinglons dés maintenant un fait important . Si l’UE affiche que sa politique migratoire privilégie l’approche globale , tenant compte de l’intégration des migrants en situation régulière , du co-développement et de la politique d’asile, sa priorité demeure de fait, le combat contre la migration irrégulière ou clandestine .
Au niveau national, chacun des pays concernés par NAMAN est d’apparence relativement plus autonome en choisissant une thématique de départ . Si d’après des informations puisées à la source , l’Egypte et l’Algérie ne l’ont pas encore fait , les ministères des affaires étrangères respectifs n’ayant pas encore donné leur feu vert au plan politique , la Libye qui vit , selon certains , entre le covid-19 et la guerre civile , a retenu ( voir même on a décidé pour elle), l’établissement d’un observatoire national des migrations , avec toutes les dimensions et préoccupations sécuritaires que l’on peut deviner . La Tunisie qui dispose déjà d’un observatoire national des migrations , a opté dans une première étape , pour la mise à jour de la stratégie nationale de la migration , en renforçant l’acquis de l’observatoire , et non pas en agissant en doublon .
Au Maroc , qui dispose déjà d’un outil remarquable en dépit d’un nécessaire approfondissement , à savoir la SNIA ( stratégie nationale en matière d’immigration et d’asile ), mais manque encore cruellement d’une stratégie nationale globale , cohérente et intégrée en matière de MRE , en dépit du rappel solennel en la matière de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lors du discours du Trône du 30 juillet 2015, a opté dans un premier temps pour des enquêtes sur la «diaspora » et plus particulièrement les compétences marocaines à l’étranger.
Pour le Maroc, le lancement du Comité National Marocain du Réseau Académique Nord- Africain sur la Migration a eu lieu en plein confinement dans une discrétion la plus totale il y’a quatre semaines .
Certes , tout ce qui contribue à assoir les bases du partenariat scientifique entre chercheurs et décideurs , ou à améliorer l’exercice de la recherche en migration dans notre pays , est le bienvenu . Cependant, avant de s’ouvrir sur ce partenariat , le monde universitaire doit d’abord s’ouvrir sur lui même . On atteint d’autant plus les objectifs précités , lorsque ceci ne se fait pas en catimini, en une opération camouflée avec certains responsables administratifs, sous le signe de la confidentialité et de l’hermétisme , où il s’agit de garder la chose «secrète », de se taire ,de ne rien divulguer lorsque les choses ne sont pas encore décidées . Au contraire , tout doit se faire dans la transparence , en informant bien amont et en associant de manière ouverte et inclusive, toutes celles et tous ceux qui sont concernés et en fournissant tous les éléments de clarification concernant les motivations réelles des financements extérieurs en question , et les objectifs précis à moyen terme du projet, pour que l’action soit menée dans la clarté .
Voilà pourquoi, tout en reconnaissant les efforts entrepris par d’aucuns des universitaires dans la préparation du projet pour le cas du Maroc, on regrettera vivement l’absence de communication envers un grand nombre de chercheurs de très longue date en migration concernés ( femmes et hommes) aux profils académiques différents ( économistes , politologues , sociologues , géographes, juristes …) , qui n’ont même pas été informés de la préparation et encore moins du lancement déjà opéré du projet .
Plus grave, on regrettera la pratique d’une dose de sectarisme , d’ostracisme et d’esprit de mise à l’écart et d’exclusion à l’égard de certains chercheurs qui ont été bannis et évincés , alors qu’ils (elles) se sont investi(e)s depuis des décades ( et continuent à le faire ) dans le domaine de la recherche migratoire , avec production et publication de travaux et participation active au débat public en la matière , et en militant scientifiquement et de manière citoyenne active en ce domaine . Invoquer ici le fait qu’on ne peut associer tout le monde , ne tient pas, dans la mesure où des critères objectifs n’ont pas été posés et respectés .
Si au niveau des statuts déjà adoptés du Comité National Marocain NAMAN , l’article 6 relatif aux principes et éthique , insiste sur le fait que «les membres du Comité sont appelés à promouvoir une culture d’échange et de partage des connaissances», on ne peut dire que la mise en place de l’initiative , ait respecté ces mêmes principes .
II – UN COMITÉ NATIONAL NAMAN …EN CATIMINI ET DÉJÀ CADENASSÉ
Pour le Maroc, le chef de fil national sur le projet eMGPP , de mise en place du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration ( NAMAN) est le ministère délégué auprès du ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des Marocains résidant à l’étranger. La direction directement concernée au sein de ce département délégué et intimement impliquée dans la préparation du projet ( et son exécution ) est la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle.
Le texte constitutif du Comité National Marocain NAMAN a déjà été validé par l’assemblée constitutive ( comprenant 21 membres selon les statuts) il y a près de trois semaines , de même que sa composition nominative a déjà été décidée , comprenant notamment les catégories suivantes :
– « les membres représentant les institutions publiques directement ou indirectement impliquées dans la conception et la mise en œuvre des politiques migratoires marocaines;
–les chercheurs et académiciens qui de par leurs travaux, leurs enseignements ou leur expertise, sont susceptibles de contribuer au rayonnement du réseau et à la promotion de la recherche en matière de migration ».
Les organes du Comité National NAMAN , qui est domicilié au siège du ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger, sont les suivants :
– Le comité scientifique qui est déjà formé et cadenassé , se compose de douze membres dont 4 institutionnels et 8 membres académiciens .
– Les 4 commissions qui sont les suivantes :
* Études et Recherches ( coordonnée par un membre fondateur de la catégorie chercheurs).
* Publication, Documentation et Communication ( coordonné par un institutionnel ) .
* Formation et Manifestations scientifiques (coordonnée par un membre fondateur appartenant la catégorie chercheurs )
* Suivi et Évaluation ( coordonnée par un institutionnel) .
Ainsi, à côté de huit chercheurs universitaires choisis , dont 4 membres fondateurs ( pendant que d’autres ont été exclus, bannis et évincés sur des bases non objectives et extra-scientifiques) , les quatre autres membres institutionnels du Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration sont :
a – le ministère délégué auprès du ministre des affaires étrangères , de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des Marocains résidant à l’étranger, et de manière plus précise la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle ;
b – la Direction des affaires européennes du ministère des affaires étrangères ,de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Pourquoi cette direction et pas une autre , comme la direction des affaires consulaires et sociales (DACS ), ou bien la direction des affaires globales qui traite du dossier migratoire au plan politique mondial et géostratégique ? Est-ce parce que la très grande majorité des membres de la communauté marocaine à l’étranger se trouve en Europe , où bien simplement du fait que l’ICMPD est domicilié en Europe et qu’il revient à cette direction d’accepter (ou non) au plan politique , le type de coopération proposée ? ;
c – Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) . Son inclusion est nécessaire même si , créé depuis près de 13 ans le 21 décembre 2007, cette institution nationale qui joue théoriquement un rôle consultatif et prospectif , n’a émis jusqu’à présent aucun avis consultatif, tout comme elle n’a présenté aucun rapport stratégique tous les deux ans sur les évolutions de la question migratoire par rapport au Maroc et les mutations de la communauté marocaine résidant à l’étranger . Le Conseil national des droits de l’Homme ( CNDH) aurait dû également être impliqué .
d – Le Haut Commissariat au Plan ( HCP en cours de transformation en Agence Nationale de Statistiques ) qui va jouer un grand rôle en matière de conception, d’exécution et d’exploitation de données statistiques migratoires . Précisons à ce stade qu’en plus du NAMAN, le HCP est aussi associé de manière centrale au projet North Africa Data Collection (NOADAC) , si bien qu’au Maroc , les deux projets sont traités en un seul, sans qu’il n’y’ait aucune trace de ceci dans les «statuts » du Comité National Marocain du NAMAN , certainement pour ne pas éveiller de soupçon sur la dimension sécuritaire du NOADAC et sur l’anticipation du futur Observatoire National des Migrations comme nous le verrons dans la partie III ci-dessous .
Auparavant, relevons que ni le ministère délégué chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique , ni le Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique (CNRST) n’ont été associés , alors que le cadre universitaire est propice et viable pour mener ce genre de projet relatif au « Réseau ACADÉMIQUE Nord Africain en Migration » pour établir un partenariat avec des institutions académiques , plus qu’avec des personnes , aussi expertes soient-elles . Pourtant , une convention de coopération avait été signé entre le département de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en 2016 et celui chargé des MRE et des affaires de la migration , offrant un cadre général pour l’établissement d’un partenariat scientifique entre les universités et le département chargé des MRE et des affaires de la migration . De même, un mémorandum d’entente fut signé entre le gouvernement et l’Université Mohammed V pour encourager la production de recherche scientifique , dont celle dans le domaine migratoire destinées aux décideurs .
De même , des instituts comme l’IURS (Institut National de la Recherche Scientifique), voir même l’IRES n’ont pas été associés ( même si ce dernier a un statut particulier) , alors que le dossier en particulier de la communauté marocaine établie à l’étranger( quelques six millions de personnes en 2020) est éminemment stratégique, constituant un fait structurel sociétal majeur pour le Maroc .
Plus encore , ni la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger , ni l’Observatoire National des Migrations (ONM relevant du ministère de l’Intérieur et à réformer bien entendu ) , ni le ministère de l’Intérieur lui même n’y figurent , on ne sait trop pourquoi, alors que selon les textes , ils constituent ( et devraient plus encore dans les faits , constituer dans le futur) des acteurs institutionnels majeurs du champ migratoire marocain !!!
La raison de «l’oubli » de ces institutions est-elle due à l’existence d’une «rivalité» entre certains départements ministériels et des institutions nationales , chacun voulant avoir « son » propre observatoire , dépendant directement de lui ? Toujours. est-il que l’idée de sa création a toujours rodé dans les couloirs du ministère chargé des MRE (puis des affaires de la migration ) , sans que la volonté ne devienne forte au niveau des décideurs successifs et que l’on sache comment la concrétiser .
Toujours est-il que si au plan national de chaque pays , la documentation du NAAMAN affirme que le projet se caractérise par son approche inclusive et un large éventail de parties prenantes qui participent activement à la mise en œuvre de ses activités , on constate en fait que pour le cas du Maroc, l’implication voulue ou décidée des institutions relevant du champ migratoire , est très faible .
S’agissant maintenant de la manière dont on peut faire partie du Comité National Marocain à l’avenir, selon l’article 5 de son statut , il est nécessaire de présenter une demande au comité scientifique qui doit être parrainée par deux membres académiques . C’est le comité scientifique ( où siègent également 4 membres institutionnels ) qui accepte ou non la demande . De ce fait , on imagine mal comment des chercheurs de longue date qui ont été marginalisés dés le départ aussi bien par des membres «fondateurs » que par le représentant du ministère délégué ( le Directeur de la coopération , des études et de la coordination intersectorielle ) soient acceptés !!!
Si on ajoute maintenant d’autres institutions partenaires comme le CCME , cela voudrait dire que toutes celles et ceux parmi les chercheurs qui figurent sur leurs «listes noires », par ce qu’à un moment ou un autre , ils ( elles) ont exprimé un point de vue critique sur la gouvernance ou la politique des responsables de ces institutions , seront punis . Le veto de fait de l’une et à fortiori de plusieurs de ces institutions , signifiera le refus de la candidature de ces chercheurs , sachant par ailleurs , que l’on privilégiera toujours un «consensus » pour ne mécontenter aucune institution ! Cette pratique contribue aussi à diminuer la marge de manœuvre des chercheurs et de leur autonomie vis à vis des institutions partenaires et plus particulièrement le ministère chargé du dossier migratoire qui est le chef de file du projet .
III – UNE ANTICIPATION DU FUTUR OBSERVATOIRE NATIONAL DES MIGRATIONS ?
Le statut du Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration ( NAMAN) détermine l’objectif global et les objectifs spécifiques , les activités , la composition et l’appartenance , la structure, le fonctionnement, les partenariats et l’évolution du projet. Cette caractéristique montre qu’on n’est pas en présence d’une initiative informelle mineure à sous-évaluer, mais d’un projet bien ciblé et structuré avec des enjeux très importants , que l’on veut maîtriser dés maintenant de manière sectaire .
Entité formelle ou informelle ?
Cependant, précisons ici que le caractère juridique de cette «entité » reste très floue . L’ambiguïté entretenue constitue elle-même un moyen d’instrumentalisation selon le cas . Si la hiérarchie demande des comptes , ou que des protestations voient le jour , on répondra que rien de « formel » n’est fait . Si des chercheurs souhaitent leur inclusion et implication , on invoquera les statuts . De même , lorsqu’il s’agira d’avoir officiellement un Observatoire National des Migrations, on mettra en avant le caractère «formel » de «l’entité » déjà mise en place …
Par conséquent, des interrogations majeures demeurent . Sommes-nous face une entité formelle ou bien à un espace informel ? Toujours est-il qu’il y’a un «statut » ( a t-il été déposé administrativement ou va t-il l’être à très court terme ? ) où l’on parle d’ « assemblée constitutive » , d’ « adoption par l’assemblée constitutive » , de réunion «ordinaire » et «extraordinaire »… L’entité est-elle une ONG car elle comprend également des institutions gouvernementales ou para-publiques ?
L’analyse attentive du «statut » , montre que ce projet s’apparente plus à celui d’un observatoire national des migrations en gestation qui ne dit pas son nom , pour ne pas attirer l’attention , compte tenu des modalités opaques de sa composition et de son lancement , estimant au point 18.1, celui de la phase 1 ou phase de création , que « la détermination d’un statut juridique du comité (national marocain) ne devrait pas constituer un handicap pour soutenir l’accomplissement de cette phase pilote » (…) «Les membres académiques et institutionnels sont appelés à identifier la forme juridique la plus appropriée vers laquelle le comité devrait évoluer »
Selon le point 18.2 des statuts du Comité National, l’évolution de celui-ci verra notamment la forme juridique de sa structure , l’appellation à lui donner et la mise en place de structures de gouvernance du comité national . La phase 3.ou phase de maturation , se donne un objectif des plus ambitieux : «elle marque la réussite de cette initiative pilote notamment à travers sa duplication en tant que bonne pratique de gouvernance de la migration au niveau régional, continental et international » (!!!)
Tout se passe comme s’il s’agit d’une manière de préfigurer et d’anticiper le futur Observatoire National des Migrations , qui serait le viv à vis pour le Maroc de l’Observatoire Africain des Migrations à mettre en place à Rabat, dés que la crise sanitaire du covid 19 sera derrière nous , et alors que cet observatoire national doit être largement ouvert , dés le départ, à la société civile ( ONGs de migrants , des droits humains , syndicats) , aux chercheurs toutes disciplines confondues sur des critères objectifs et englober tous les départements ministériels , institutions publiques et organismes s’occupant de la migration ( émigration et immigration ) au sens large .
«Observatoires » existants au Maroc dans le domaine migratoire
En effet, jusqu’à présent, l’Observatoire National des Migrations relevant du ministère de l’Intérieur n’est pas fonctionnel , constituant une coquille vide et ne concerne que l’immigration étrangère au Maroc . Par ailleurs , le Haut Commissariat au Plan ( HCP) , à travers notamment le CERED ( Centre d’études et de recherche sur la démographie ), ne peut être assimilé réellement à un observatoire national des migrations internationales , même si, de manière épisodique , des enquêtes en la matière sont menées ou des livres-rapports publiés. Précisons par ailleurs qu’un observatoire des migrations n’est pas une simple banque de données statistiques ou une agence statistique nécessitant seulement des statisticiens-démographes , mais ses missions sont multidimensionnelles , à l’image du caractère multisectoriel , multidisciplinaire et transversal du fait migratoire , nécessitant l’implication des divers pans des sciences sociales .
La pratique de l’analyse des migrations, gagnerait en effet à se nourrir de l’apport spécifique et de l’échange de tous les savoirs en sciences humaines. Ceci suppose le recours à toutes les disciplines des sciences sociales en particulier, pour appréhender les diverses facettes de la migration, bien au-delà du quantitatif et des statistiques , déceler les tendances , prendre en compte la dimension développement sous tous ses aspects ( pauvreté , aspects démographiques , changements climatiques…) .
De plus , avec ses pêchés originels , l’Observatoire de la communauté marocaine résidant à l’étranger ( OCMRE) , créé avec l’appui technique de lOIM en avril 2002 et dépendant de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger , édite tous les quatre ou cinq ans , un livre sous le titre «Marocains de l’extérieur » . Mais l’OCMRE ( tout comme la Fondation d’ailleurs ) connaît divers dysfonctionnements et défaillances structurelles et ne couvre pas la totalité du champ migratoire international pour le Maroc , se limitant au champ MRE .
Enfin , l’échec de l’étude IRES en 2012-2014 pour l’élaboration d’une stratégie nationale relative aux MRE à l’horizon 2022 puis ramenée à 2030 et à laquelle ont collaboré aussi le ministère chargé des MRE, le CCME et la Fondation précitée, n’a pas permis également de concrétiser la troisième phase de la deuxième période de l’étude , à savoir tel que précisé dans la note de cadrage de l’étude conçue par le ministère chargé des MRE : «concevoir et proposer le montage institutionnel et technique de l’outil de pilotage prospectif global : Observatoire de la Communauté Marocaine à l’Etranger » .
Pour un Observatoire National des Migrations à la hauteur des ambitions du Maroc, relatives à l’Observatoire Africain des Migrations
En somme , la nécessité se fait toujours sentir d’avoir un véritable observatoire national fonctionnel et efficient dans le domaine migratoire, embrassant tous les aspects et volets (Marocains établis à l’étranger , émigration du Maroc vers l’étranger et immigration étrangère au Maroc . Qui plus est, devrait être à la hauteur des ambitions du Maroc, relatives à l’Observatoire Africain des Migrations et à l’opérationnalisation de l’Agenda Africain des Migrations, à l’heure où il y a la prise en main par l’Union Africaine (UA) du dossier migratoire africain sous le leadership du Roi Mohammed VI , en tant que Leader de l’UA sur la Question Migratoire .
A ce propos , relevons ici les principales missions suivantes de l’Observatoire Africain des Migrations rappelées dans le Rapport royal « Sur le suivi de la création de l’Observatoire Africain des Migrations au Maroc » , soumis à la 32ème session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine tenue à Addis Abeba les 10-11 février 2019 :
– générer une meilleure connaissance du phénomène migratoire ;
– accompagner les politiques migratoires nationales ;
– améliorer la gouvernance des migrations ;
– fédérer les autres initiatives existantes en Afrique en matière de migration et partager les bonnes pratiques qui encourageraient l’harmonisation des approches liées à la migration ;
– développer, par voie de conséquence , une stratégie continentale plus efficiente et plus inclusive pour la gestion de cette problématique .
Précisons à ce niveau, que peu nous importe l’enjeu de pouvoir pour savoir à quel département marocain doivent revenir les prérogatives d’un observatoire national des migrations . L’essentiel est qu’il y’ait un seul observatoire remplissant les critères requis et répondant aux besoins nationaux dans le domaine migratoire . Mais au même moment, il s’agit d’éviter le fait accompli ou la fuite en avant. Dés lors, il faut ouvrir au Maroc un débat sérieux pour connaître les tenants et les aboutissants de certaines options que certains cherchent à normaliser ou à imposer.
Toujours est-il que ce n’est pas concevoir un observatoire fourre-tout que de l’envisager comme «composite », où les divers types et formes de migrations internationales pour le Maroc doivent s’y retrouver en observation, en ne perdant pas de vue, bien entendu, l’unité du mouvement migratoire dans son essence , indépendamment de la diversité de présentation . En d’autres termes, l’observatoire national requis, qui serait le correspondant national ou point focal pour le Maroc de l’Observatoire Africain des Migrations , devrait être de manière concrète un observatoire national de tous les types et formes de migrations internationales touchant le Maroc, incluant par conséquent non seulement les étrangers au Maroc et l’immigration étrangère vers le Maroc , mais également l’émigration vers l’extérieur ( étrangers en transit par le Maroc et nationaux) ainsi que la communauté marocaine établie à l’étranger .
Autrement dit, au lieu de procéder à une duplication institutionnelle , la conception de l’observatoire requis à l’échelle nationale, gagnerait à réussir la synergie, l’adéquation et l’articulation structurée que nous n’avons pas encore, pour aboutir pour le Maroc à une politique nationale globale, cohérente , intégrée , efficace et non cloisonnée dans le domaine migratoire au sens large.
La balle est aussi du côté du Chef du gouvernement
Voilà pourquoi, la future mise en place de cet observatoire national des migrations ( encore une fois un seul et pas plusieurs ), ne doit pas être la résultante d’un fait accompli à la hâte , d’un bricolage conceptuel préparé en cachette dans un esprit sectaire et d’exclusion, mais doit donner lieu à une réflexion méthodique ouverte et approfondie , dans le cadre de la commission interministérielle présidée par le Chef du gouvernement , chargée des affaires des MRE et des affaires de la migration, qui se réunira en principe le 10 juillet 2020 . L’enjeu est trop important en la matière , non seulement à l’échelon national mais également à l’échelle africaine , pour le laisser à certaines combinaisons opaques .
Dans cet esprit, la nécessité s’impose aussi d’être très vigilant politiquement et intellectuellement pour que la logique sécuritaire , très présente dans la démarche de l’UE et de l’ICMPD , ne prédomine pas dans la future démarche de l’Observatoire National des Migrations et par ricochet , dans celle de l’Observatoire Africain des Migrations , dont le siège est à Hay Ryad à Rabat, sachant par ailleurs que le projet NAMAN est régional, comprenant quatre autres pays africains (Libye, Égypte, Tunisie, Algérie). Pour le cas du Maroc , rappelons tel que ceci est stipulé dans l’article 2 du statut du Comité National , les défis posés doivent amener à des actions sur le terrain visant notamment deux nécessités : «prévention de la migration irrégulière » , «stabilité des faits migratoires » , qui signifie garder les «sudistes » à la rive méridionale , mener une guerre contre l’immigration irrégulière , procéder aux expulsions , à la réadmission , aux retours systématiques «volontaires » ou forcés vers les pays d’origine …
Sur ce plan, relevons cet aspect de la vision du Roi Mohammed VI , développé le 10 décembre 2018, dans le message à la Conférence Intergouvernementale sur la migration à Marrakech :
« la question migratoire n’est pas et ne devrait pas devenir une question sécuritaire. Répressive, elle n’est nullement dissuasive. Par un effet pervers, elle détourne les dynamiques migratoires, mais ne les arrête pas. La question de la sécurité ne peut pas faire l’impasse sur les droits des migrants : ils sont inaliénables. Un migrant n’est pas plus ou moins humain, d’un côté ou de l’autre d’une frontière. La question de la sécurité ne peut pas davantage faire l’économie de politique de développement socio-économique, tourné vers la résorption des causes profondes des migrations précaires . Enfin la question de la sécurité ne peut pas niier la mobilité. Mais elle peut la transformer en un levier de développement durable, au moment où la communauté internationale s’emploie à mettre en œuvre l’agenda 2030 » .
IV – POUR UNE CULTURE DES BONNES PRATIQUES ET SAVOIR RAISON-GARDER
Au total, le Maroc appartient à toutes ses citoyennes et à tous ses citoyens , y compris les chercheur(e)s marocain(e)s en migration , sans exclusive . Le refus d’impliquer institutionnellement certains d’entre eux dans la réflexion pour l’action en matière migratoire, n’a pas sa place, ne saurait être justifié d’aucune manière et ne peut être accepté . Pour toutes les raisons développées dans cette contribution au débat public pour l’action, on ne peut que dénoncer cette pratique irrecevable.
Rompant avec l’approche d’ouverture et d’inclusion de l’ancien ministre chargé des MRE et des affaires de la Migration, M. Abdelkrim Benatiq , la démarche suivie au ministère délégué par la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle , équivaut à la pratique de l’exclusion et de la mise à l’écart de certains chercheurs, dont le seul tort est de s’être investi totalement dans le domaine de la recherche en migration depuis bien des années , de le faire avec un esprit critique constructif qui n’est nullement admis par certains gestionnaires , et de pratiquer l’engagement citoyen responsable.
Le débat démocratique responsable et pluraliste doit être admis, accepté par tous les preneurs de décisions et les gestionnaires du dossier migratoire. De même, la liberté de pensée et d’expression doit être respectée, sans procéder à des mises à l’écart arbitraires et à des exclusions de chercheurs sur lesquels l’anathème est jeté . On ne doit pas pratiquer à l’égard de ces derniers un «droit de veto » relatif à la participation aux institutions publiques relatives au champs migratoire, lorsque les critères objectifs de cette implication sont réunies , comme ceci s’est réalisé lors de la création toute récente du Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration ( NAMAN) .
Même si les noms des chercheurs ont été fournis par un collègue universitaire expert
en migration , missionné par l’ICMPD sur la base de contacts établis ( avec certains seulement) et devenu entre temps président du conseil scientifique de ce Comité National Marocain , la responsabilité finale des noms retenus à ce comité national ( et de ceux exclus ou «oubliés» , incombe au ministère délégué , chargé des MRE , qui est le chef de file du projet. Contrairement à ce qui a pu être avancé par d’aucun pour se dédouaner, ce n’est pas l’UE ( comment pourrait-elle le faire ?) , mais c’est le directeur de la coopération , des études et de la coordination intersectorielle , qui a désigné et mandaté un universitaire pour établir une liste de chercheurs à impliquer dans le projet qui a comme chef de file le ministère délégué chargé des MRE
On peut penser qu’ils se sont mis pleinement d’accord sur les critères , les priorités et d’autres considérations pour la «sélection » des chercheurs . Le directeur de la coopération au ministère délégué l’a t-il fait de lui même dans le cadre de sa marge de manoeuvre , de ses propres critères subjectifs , ou bien sinon avec les directives de la hiérarchie ( à quel niveau depuis le dernier remaniement ministériel avec les attributions et prérogatives très limitées de là ministre déléguée chargée des MRE ? ) , du moins avec l’aval de cette même hiérarchie !?
Ce département délégué a normalement la liste de tous les chercheurs en migration pour avoir organisé , durant le dernier mandat ministériel, de nombreuses rencontres de réflexion et d’échanges avec les chercheurs et pris en charge également leur participation à la semaine mondiale de Marrakech sur les migrations , sous les auspices de l’ONU du 4 au 10 décembre 2018 .
Dès lors, on ne peut que protester vivement contre les agissements intolérables précités, qui constituent une très mauvaise pratique, mus par des considérations et motivations qui laissent à désirer, en prenant l’opinion publique à témoin et en attirant l’attention de la hiérarchie des responsables au niveau du ministère délégué chargé des MRE et du département dont celui-ci dépend , à savoir le ministère des affaires étrangères , de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger .
Savoir raison garder
Espérons donc que les preneurs de décision concernés sachent raison garder, rompent radicalement avec des comportements nuisibles en vigueur et qu’ils tirent les enseignements dans la perspective d’instaurer une culture de bonnes pratiques en matière de gestion du dossier migratoire, à l’heure où, dans le cadre de l’Union Africaine, le Maroc assure au plus haut niveau de l’Etat, le rôle de Leader dans le domaine migratoire et appelle les États africains à pratiquer une politique d’ouverture et d’inclusion.
Relevons à ce propos le paragraphe 57 de l ‘Agenda Africain sur la Migration , qui constitue un apport majeur du Royaume du Maroc à l’UA : « les stratégies nationales africaines sur la Migration doivent répondre à une approche pangouvernementale et pan-sociétale , qui associe l’ensemble du gouvernement et de la société, en impliquant non seulement la participation de tous les ministères concernés, les collectivités locales, mais également de la société civile et du secteur privé, des diaspora, des institutions nationales des droits de l’Homme , des milieux universitaires et des autres acteurs agissant dans le domaine de la migration » .
Faisons en sorte qu’avec la préparation et le lancement ( en cachette) de ce Comité National NAMAN , qui implique notamment des départements ministériels et des institutions nationales, cette démarche d’exclusions soit vite corrigée afin d’impliquer dans l’intérêt national et celui des migrant(es) au Maroc et de la «Jaliya » , toutes les compétences académiques du domaine existant au Maroc et parmi la communauté des citoyens marocains établis à l’étranger. Par ailleurs et ceci nous paraît une condition incontournable à cette participation, le financement extérieur de la recherche , est à orienter exclusivement en réponse aux besoins nationaux du Maroc, en dehors de tout agenda sécuritaire , même si au départ, avec la première thématique «light » retenue celle de la diaspora et plus particulièrement des «compétences marocaines à l’étranger » , ceci n’apparaît pas .
C’est à l’honneur de certains chercheurs universitaires en migration de s’être retirés du projet ou bien d’avoir refusé d’y participer dès le départ , en liaison soit avec l’ambiguïté sécuritaire du projet à l’échelle régionale , soit au même moment pour d’aucuns , en raison de l’ostracisme pratiqué à l’égard d’autres chercheurs . Encore une fois et encore , l’éloignement absolu de l’agenda sécuritaire et l’implication de TOUTES les chercheuses et TOUS les chercheurs de longue date en migration , toutes disciplines confondues ( avec bien entendu l’ouverture sur les jeunes chercheurs et chercheuses ) , constituent pour nous des exigences fondamentales . Elle sont incontournables et ne se négocient pas .
Ce partenariat scientifique avec les institutions chargées du dossier migratoire au Maroc, réclamé par les uns et les autres depuis bien longtemps , est à assurer dès le départ sur des bases objectives et inclusives , claires , transparentes , exclusivement académiques et scientifiques et ouvertes sur l’avenir .
Rabat, le 8 juillet 2020
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
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