MISE EN ORDRE DES INSTITUTIONS CHARGÉES DES CITOYENS MRE : 15 PROPOSITIONS POUR L’ACTION
MISE EN ORDRE DES INSTITUTIONS
CHARGÉES DES CITOYENS MRE
15 PROPOSITIONS POUR L’ACTION
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,
chercheur en migration
A travers le discours royal à l’occasion du 49 é anniversaire de la glorieuse Marche Verte, une nouvelle fois , après bien d’autres discours, le dossier d’interêt national des citoyens marocains résidant à l’étranger ( citoyens MRE ) a fait l’objet d’une sollicitude particulière de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il s’agit du lancement d’une nouvelle génération de réformes le concernant, consistant en la rationalisation et l’opérationnalisation efficiente et transparente des institutions qui lui sont dédiées .
Ce discours d’espérance , dont le fil conducteur est l’appel à renforcer les liens entre les citoyens MRE , quelle que soient leur génération et leur affiliation avec leur pays d’origine , le Maroc, a une résonance singulière. Il s’est fait l’écho d’une alerte royale ou véritable réquisitoire et d’un diagnostic lucide et sans concession établis le 20 août 2022 sur le dossier MRE, sous une forme interrogative , en incitant à toujours se poser les questions suivantes, qui constituent autant de défis multidimensionnels : «qu’avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigés ? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent -ils compte de leurs spécificités ? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment ? Leur avons-nous assuré l’encadrement religieux et éducatif nécessaire ? Leur avons- nous apporté l’accompagnement requis et les conditions favorables à la réussite de leurs projets d’investissement ? ».
Et le Souverain d’ajouter : «Compte tenu des aspirations sans cesse renouvelées des Marocains du monde, IL EST GRAND TEMPS de moderniser et de mettre à niveau le cadre institutionnel afférent à cette catégorie de citoyens que nous chérissons. Il importe aussi de reconsidérer le modèle de gouvernance des institutions existantes afin d’en rehausser l’efficience et la complémentarité ».
Vaste interpellation multidimensionnelle sur l’immobilisme , la mal gouvernance, le non respect des missions et feuilles de route notamment de tout le dispositif institutionnel chargé des citoyens MRE , et couvrant toutes les politiques publiques marocaines en leur direction . Mais cette alerte et ce constat sévère du Souverain , sont restés sans réactivité et suite concrète du côté gouvernemental , en dépit de l’existence de la commission interministérielle présidée de longue date par le Chef du gouvernement , chargée notamment des Marocains résidant à l’étranger , alors que le discours royal est un point de référence incontournable pour l’action de l’Exécutif.
D’où le 6 novembre 2024, signe d’une prise en main, l’annonce solennelle ferme et résolue dans le cadre d’une démarche globale, cohérente et intégrée , d’une initiative d’envergure pour la communauté des citoyens MRE, l’urgence de remettre de l’ordre étant devenue pressante au vu de toute une série de dysfonctionnements et des gestions opaques . Cette initiative déterminante consiste en une mise à niveau sans retard à tous les niveaux , de tout ce qui a trait aux instances surtout à plein temps qui en ont la charge , et aux politiques nationales les concernant , pour s’adapter aux nouvelles réalités, aspirations et attentes multiformes de plus de cinq millions de citoyennes et de citoyens MRE et en faire des institutions plus inclusives et représentatives. Analysons d’abord le contenu ainsi que le sens et la portée de la réforme , puis nous mettrons celle-ci en perspective avec quinze suggestions pour l’action.
I – SENS ET PORTÉE DE LA RÉFORME.
En quoi consiste cette nouvelle génération de réformes déterminantes pour le champ institutionnel relatif aux citoyennes et aux citoyens marocains établis à l’étranger ? Quel est son contenu concret et quels sont les objectifs à court et à long terme qui lui sont assignés ? Quel est son sens profond et quelle est sa portée ?
Un big-bang institutionnel
L’objet de cette réforme est un véritable big-bang couvrant les aspects juridiques , politiques , géostratégiques, institutionnels , économiques , éducatifs , cultuels , administratifs et opérationnels, en les inscrivant désormais dans une vision stratégique d’avenir. Celle non seulement du développement multidimensionnel du pays, y compris le développement des provinces sahariennes en tant que partie intégrante du Maroc , mais aussi et surtout celle du renforcement du lien d’attachement au Maroc de nos compatriotes émigrés , toutes générations confondues , en affirmant avec force leur appartenance à la nation marocaine et à ses valeurs. Dans cet esprit, l’annonce d’une nouvelle transformation dans le mode de gestion des affaires de la communauté marocaine établie à l’étranger est faite dans l’objectif de «renforcer le lien entre cette frange de la population et la Mère-Patrie », son attachement aux constantes immuables de la nation pour assurer la pérennité et la continuité de celle-ci.
Un sens profond de ce discours
C’est en effet la signification profonde à donner à ce discours où , en termes de priorités, le statut , la place et le devenir des citoyens marocains établis à l’extérieur, sont mis ensemble juste après celle de la défense de l’intégrité territoriale du Maroc à laquelle justement, les citoyennes et les citoyens MRE participent de manière active, là où ils se trouvent et à la place qu’ils occupent , en donnant une forte impulsion à la défense de la juste cause de la marocanité du Sahara , sur la base de l’initiative d’autonomie présentée et défendue par le Maroc. De la sorte, c’est un témoignage fort de la considération et de l’estime portés par le Souverain qui a salué notamment le « patriotisme des Marocains résidant à l’étranger et leur engagement à défendre les symboles sacrés de la nation ». «L’affaire de notre intégrité territoriale se trouve à une phase qui requiert la mobilisation de tous », précise t-il , c’est-à-dire y compris les citoyens MRE qui font partie intégrante de la nation marocaine, quelque soit par ailleurs leur génération et l’évolution de leur statut juridique dans les pays de vie.
Cette clarification est capitale car déjà , dans le discours du 20 aout 2022, un recadrage implicite de certains responsables institutionnels était entrepris , la participation à la défense de l’intégrité territoriale étant le fait de TOUTES les générations à l’étranger : « Loin d’etre l’apanage des immigrés de première génération, les attaches humaines solidement tissées avec le Maroc et LA FIERTÉ DE LUI APPARTENIR, constituent un patrimoine qui se transmet de père en fils. C’est avec enthousiasme que les TROISIÈME ET QUATRIÈME GÉNÉRATIONS LE REVENDIQUENT , d’ores et déjà, à leur tour ». Or sur ce plan, la direction bicéphale du CCME , exclue les nouvelles générations , considérées comme devant être totalement loin de tout lien politique et citoyen avec le Maroc , au risque de brouiller et de «parasiter leur intégration », ou bien de renforcer l’extrême droite dans les pays de vie …
À ce propos, afin de récuser la légitimité de la reconnaissance à ces jeunes émigrés de leurs droits politiques par rapport au Maroc, le président du CCME, Driss El Yazami, déclarait au journal «Le Matin du Sahara » du 10 mars 2008 : « Ces terres d’accueil sont en train de devenir progressivement leurs propres pays et non seulement des pays de résidence (…) il faut que la politique générale du Maroc réponde au principe d’accompagnement de l’intégration des Marocains résidant à l’étranger dans leur société d’accueil,ET NON ENTRAVER CETTE INTÉGRATION ».
Le secrétaire général du CCME , Abdellah Boussouf, n’a pas été en reste . Ainsi , dans l’émission « Moubacharatan Maâkoum » (en direct avec vous), il déclarait le 28 mai 2014 sur le plateau de télévision 2M : « Le défi auquel on doit faire face est la nécessaire intégration totale de la communauté marocaine résidant à l’étranger dans les pays d’accueil ». « Le suivi d’un projet sociétal à l’intérieur de l’Europe, ne laisse nullement le temps suffisant pour l’implication dans un autre projet sociétal dans un autre pays (sous-entendu le Maroc) à plusieurs milliers de kilomètres de là. Dans cette situation, on serait dans une position contradictoire : opposition dans les références, conflit d’intérêts entre les pays. Le moindre problème qui surgit dans les pays concernés, pourrait donner lieu à une très grande crise ».
De même, en été 2014, le secrétaire général du CCME a accordé une interview incendiaire au journal «Akhbar Al Youm », parue le 15 août 2014 dans laquelle, malgré les avancées de la Constitution 2011, étaient développées notamment les idées suivantes :
– le seul lien des Marocains résidant à l’étranger avec le Maroc est uniquement culturel et cultuel ;
–les partis politiques marocains n’ont pas à s’occuper des MRE;
– il est de l’intérêt des MRE et même de l’intérêt de l’Etat marocain, que les MRE ne fassent pas de politique par rapport au Maroc…
Le SG du CCME est revenu à la charge dans une déclaration faite le 12 décembre 2019 à la Bibliothèque générale à Rabat , à l’occasion de la présentation d’un ouvrage . Le site officiel du CCME l’a rapportée ainsi : «Contrairement aux allégations des courants d’extrême droite, Monsieur Boussouf a affirmé que les Marocains des Pays-Bas ont un attachement culturel, spirituel et émotionnel avec le Maroc,LOIN DE TOUTE CONSIDÉRATION POLITIQUE .ILS SONT D’ABORD DES CITOYENS NÉERLANDAIS qui ont des droits et des devoirs parmi lesquels figurent la préservation de leur culture d’origine, qui constitue un élément essentiel du dialogue des civilisations et des cultures » .
Autrement dit, les seules relations à prendre en considération sont du domaine culturel et cultuel, les liens politiques de citoyenneté et d’appartenance patriotique au pays d’origine qu’est le Maroc, ne devant nullement exister pour les MRE par rapport au Maroc. Cette déclaration revient à déposséder les Marocains résidant à l’étranger de leurs droits politiques par rapport au Maroc , et de leur citoyenneté pleine et entière par rapport au pays d’origine. C’est à une véritable DÉCHÉANCE DE CITOYENNETÉ MAROCAINE des Marocains résidant à l’étranger à laquelle elle procède. C’est une forme de SÉCESSION particulière qu’a prôné impunément le secrétaire général du CCME à l’encontre systématique de la lettre et de l’esprit de la constitution 2011.
Or justement à notre sens , c’est pour consolider les liens identitaires, cultiver ces attaches patriotiques entre le Maroc et ses enfants du monde entier, ainsi que le sentiment d’appartenance à la nation marocaine des nouvelles ( ET FUTURES) générations établies à l’extérieur et le renforcement de leur action de défense des intérêts supérieurs du pays et de ses causes nationales , en premier lieu celle de l’intégrité territoriale du pays et contre toute velléité séparatiste , que cette réforme d’ampleur et rénovée du champ institutionnel MRE et des politiques publiques le concernant , annoncée le 6 novembre 2024, devient une urgence . Elle est à mener avec diligence , cohérence, professionnalisme, compétence , sérieux et responsabilité autour de deux dispositifs institutionnels essentiels, à même de cimenter les liens fondamentaux des citoyens MRE avec leur patrie, le Maroc, conformément à l’article 16 de la Constitution :
«Le Royaume du Maroc œuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des CITOYENNES ET DES CITOYENS MAROCAINS RÉSIDANT A L’ÉTRANGER, dans le respect du droit international et des lois en vigueur dans les pays d’accueil. Il s’attache au maintien et au développement de leurs liens humains , notamment culturels, avec le Royaume et à la PRÉSERVATION DE LEUR IDENTITÉ NATIONALE.Il veille au renforcement de leur contribution au développement de LEUR PATRIE, LE MAROC , et au resserrement des liens d’amitié et de coopération avec les gouvernements et les sociétés des pays où ils résident ou dont ILS SONT AUSSI CITOYENS»
Comme on l’a vu précédemment, au lieu de considérer la double appartenance, double citoyenneté ou double fidélité comme un enrichissement et un plus, ceci est vu au contraire comme un danger mortel auquel il faut se soustraire,en donnant la priorité absolue et exclusive à l’intégration dans les pays d’accueil. Le seul devenir viable et fiable serait pour les membres de la communauté marocaine résidant à l’étranger, leur pure dissolution, dilution et assimilation totale dans les pays d’accueil , sans aucun lien politique ou de citoyenneté avec le pays d’origine , le Maroc.
Bien entendu, on doit résoudre la question de la double appartenance, en prévoyant par exemple dans le cadre des lois organiques relatives à la composition des deux chambres du parlement, les cas d’incompatibilité s’agissant de la représentation du citoyen MRE ( on ne peut être au même moment parlementaire là-bas et ici…). Mais ceci ne peut se faire en dégradant et en sous-évaluant l’appartenance au Maroc, voir même en l’occultant volontairement et en l’ignorant superbement comme l’a fait constamment la direction bicéphale du Conseil de la communauté à l’étranger. En somme , on ne peut se référer qu’à la dernière phrase de l’article 16 de la Constitution, mettant en avant la citoyenneté là-bas , en occultant pratiquement tout ce qui précède dans cet article.
Deux piliers fondamentaux de la réforme
Le premier est le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) qui est à restructurer et «DOIT ASSUMER PLEINEMENT SON RÔLE de cadre de réflexion et de force de proposition », ce qui sous-entend à juste titre que le Conseil dans sa mouture actuelle , depuis 2007, n’a pas respecté sa mission et sa feuille de route telles que stipulées dans le dahir portant sa création : zéro (0) avis consultatif, zéro (0)rapport stratégique tous les deux ans , zéro (0) assemblée plénière annuelle chaque mois de novembre , en dehors de celle du lancement , début juin 2008.
Le second pilier est la Fondation Mohammedia des Marocains résidant à l’étranger qui aura vocation, selon les termes du Souverain , d’être le «bras opérationnel de la politique publique en la matière », chargée notamment «d’agréger les attributions actuellement dispersées entre une multitude d’acteurs » formant un véritable mille feuilles et de «coordonner L’ÉLABORATION et la mise en œuvre de la Stratégie nationale dédiée aux Marocains résidant à l’étranger ».
Selon nous, cette dernière n’a jamais existé, contrairement à plusieurs déclarations gouvernementales , en dépit notamment de l’appel du Souverain du 6 novembre 2007 et du rappel du discours du Trône 2015 que voici : « Nous RÉITÉRONS notre appel pour élaborer une stratégie intégrée, fondée sur la synergie et la coordination entre les institutions nationales ayant compétence en matière de migration , et pour rendre ces institutions plus efficientes au service des intérêts des Marocains de l’étranger ».
À ces deux piliers s’ajoutent quelques aspects opérationnels et techniques : mesures à prendre pour d’une part, assurer la mise en place au sein de la nouvelle fondation, de la nouvelle structure assurant la gestion du mécanisme national de mobilisation des compétences des Marocains résidant à l’étranger et d’autre part, la simplification et la numérisation des procédures administratives et judiciaires à l’intention des citoyens MRE.
Une vision stratégique
Au delà des aspects organisationnels à court terme que nous venons juste de mentionner, la démarche réformiste profonde poursuivie, déclinée avec force et conviction par le Roi Mohammed VI, dans le discours déterminant du 6 novembre 2024, s’inscrit à notre sens dans le temps long, dans une trajectoire dans la ligne de la pensée hassanienne, destinée à cimenter l’unité nationale . Elle procède d’une vision prospective garantissant la continuité de cette vision, en rapport à la future direction du Maroc. Rappelons en effet ces paroles fortes de feu le Roi Hassan II adressées le 29 novembre 1985 à des représentants de la colonie marocaine résidant à Paris, en présence de l’ancien président de la République française , François Mitterand .
Elles font des provinces sahariennes marocaines un présent durable et participent de la préservation de la continuité du rapport des citoyens MRE à la terre marocaine et à son histoire : « Eh bien, restez Marocains, restez Marocains parce que toujours dans la paix et la concorde, moi-même ou ceux qui me succéderont, pourront avoir un jour besoin de refaire une Marche Verte. Et bien, je veux qu’au nom de tous les Marocains vivant à l’étranger, pas seulement en France ou à Paris, vous me fassiez le serment que tous les jeunes Marocains qui seront nés en terre étrangère seront dédiés, dès leurs berceaux, aux marches que l’histoire leur interposera . Si telle est votre réponse, je peux dormir tranquille » .
Ceci signifierait qu’en ce qui concerne le Maroc, la communauté marocaine établie à l’étranger , tout en étant ouverte bien entendu à son environnement immédiat dans les pays d’accueil et en reconnaissant sa bicitoyenneté , est d’abord et avant tout une question NATIONALE et non pas un problème franco-français, néerlando-hollandais, belgo-belge, canado-canadien ou euro- européen, au point d’abandonner dans la pratique à ces parties, le devenir des citoyens marocains vivant hors des frontières nationales .
Ceci voudrait dire aussi que la nationalité marocaine -qui ne se perd pas-, ne peut être traitée au niveau des pays d’accueil de secondaire, subalterne , inférieure et subordonnée à une nationalité étrangère, voire même inexistante. Elle n’est pas seulement une question juridique, mais elle a une dimension politique, sociétale et stratégique. Ce n’est pas une simple écriture sur un passeport ou sur une carte d’identité, mais elle renvoie notamment à un ensemble de valeurs qui ne sont pas acquises une fois pour toute, mais qui doivent être cultivées, entretenues , incorporées et intériorisées pour se construire et être perpétuées, afin de maintenir les liens fondamentaux avec le Maroc, en faire des relations existentielles.
D’où la nécessité et le sens à donner aux politiques publiques marocaines futures en direction des citoyens MRE, toutes générations confondues , y compris la « forte impulsion à l’encadrement linguistique, culturel et religieux » par la Fondation Mohammedia, notamment avec la promotion d’une version de l’islam tolérant, apaisé et ouvert sur le monde, un islam respectueux des valeurs humaines et universelles, loin de la radicalisation et de l’extrémisme. L’enjeu est d’ordre national.
Ainsi , le Conseil restructuré et refondé , sera toujours le Conseil de la communauté MAROCAINE à l’étranger et non pas celui des Français , des Allemands, des Danois , des Néerlandais , des Canadiens …ou des des étrangers D’ORIGINE marocaine ! De même , la fondation projetée sera la Fondation Mohammedia des MAROCAINS résidant à l’étranger, comme l’actuelle est la Fondation Hassan II des MAROCAINS résidant à l’étranger. Dés lors, la question de LA communauté marocaine établie à l’étranger ( et non pas DES communautés ) , est d’abord UNE QUESTION NATIONALE MAROCAINE !
Espoir et espérance
Voilà de notre point de vue, la signification profonde de cette réforme d’envergure qui suscite espoir et espérance , et sa portée stratégique . Au delà de l’aspect structure institutionnelle, elle projette une politique de substance qui va au fond des choses. Dés lors, en tant que chercheur de longue date dans le domaine des migrations et d’observateur actif de la scène migratoire marocaine et des politiques publiques la concernant , on ne peut que saluer fortement cette refonte institutionnelle et s’en féliciter, en souhaitant qu’elle soit approfondie par le dialogue avec tous les milieux concernés qui de raient être écoutés et ENTENDUS.
Au même moment, on ne s’attardera pas outre mesure sur les divers dysfonctionnements et échecs de notoriété publique , notamment ceux du CCME , du département chargé des MRE , de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, de Banque Al Amal et du Conseil européen des oulémas marocains , avec la faillite de l’encadrement religieux pour une question de mal gouvernance,de choix politiques défectueux, d’absence de transparence, de carences en matière de représentativité, de gestion et d’organisation des Marocains musulmans , de formation des cadres religieux, d’absence de stratégie et de démocratie et bien d’autres aspects importants.
Avec l’annonce solennelle de la grande réforme du dispositif institutionnel MRE, l’essentiel maintenant est de contribuer à préciser les contours de l’avenir. Que l’on nous permette dans ce cadre , de formuler quinze suggestions pour l’action. L’objectif est de participer sereinement au débat public, et de contribuer de manière responsable et empreinte d’un esprit de citoyenneté engagée , à suggérer des pistes de réflexion et d’action, et à formuler des critiques constructives au plan politique concernant ce dossier stratégique d’intérêt national relatif aux citoyens MRE. Contrairement à d’autres, à savoir les «rentiers de la question migratoire », préoccupés par la «rente migratoire » au plan financier, à travers des études dérochées, rapports et conventions de recherches rémunérées , nous ne préférons nullement nous taire sur des aspects sensibles politiquement pour se protéger, et ne pas avoir à s’exposer . L’engagement citoyen est aussi à ce niveau . Ce sera l’objet de la seconde partie qui suit .
II – QUINZE SUGGESTIONS POUR AGIR
Dans la première partie, l‘accent a été mis sur le contenu ainsi que le sens et la portée à donner à la réforme d’envergure du champ institutionnel MRE , lancée par le Roi Mohammed VI le 6 novembre 2024, et qui est au cœur d’un choix politique stratégique, celui notamment de la prise en compte des citoyens MRE, y compris les nouvelles et futures générations , comme faisant partie intégrante de la nation marocaine, et de l’implication de la Jaliya dans la défense des causes nationales, en premier lieu celle de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays. De ce fait, les institutions concernées nécessitent non seulement une mise à niveau technique et une opérationnalisation efficiente, avec l’ancrage des principes de transparence et de reddition des comptes et de non-impunité, mais également une mise à niveau politique. Il s’agit encore une fois et encore , d’opérationnaliser l’effectivité des droits politiques des citoyens MRE par rapport au Maroc . Cette approche permet par ailleurs le renforcement du lien d’appartenance des citoyens MRE à la nation marocaine, qui est le but suprême des réformes structurantes projetées. En effet, l’effectivité du droit de vote et d’éligibilité parlementaire pour les citoyens MRE, constitue une des meilleures conditions pour garantir la pérennité de leurs attaches à leur patrie.
Dans les développements qui suivent, l’accent sera mis sur quinze suggestions et pistes d’action concrète , à même de contribuer au succès de cette réforme d’ampleur. Comme fil directeur de cette seconde partie, nous partons du nécessaire respect de la Constitution 2011 dans son rapport avec les citoyens MRE , tel que rappelé dans le discours royal du 20 août 2011, aux lendemains du référendum constitutionnel auquel avaient justement largement participé nos compatriotes émigrés : «Nous sommes attachés à la mise en œuvre optimale des dispositions de la nouvelle loi fondamentale qui, pour la première fois, leur garantit constitutionnellement (il s’agit des Marocains résidant à l’étranger),LA JOUISSANCE DE TOUS LEURS DROITS DE CITOYENNETÉ, ainsi que la protection de leurs intérêts dans les pays de résidence , et la participation la plus large possible aux institutions nationales et à la gestion des affaires publiques » .
Sur le même registre, à ceux qui tentent ( encore et toujours) de déconsidérer et de délégitimer la représentation des émigrés marocains à la Chambre des députés à Rabat, en faisant une analyse étriquée de l’article 17 de la Constitution relatif au droit de vote et d’éligibilité des citoyens MRE, en invoquant le fait que cet article ne mentionne nullement les circonscriptions électorales législatives de l’étranger, alors que cette modalité est du ressort de la loi organique relative à la Chambre des représentants, rafraîchissons-leur la mémoire . Rappelons aussi en effet certains discours royaux antérieurs, comme le discours du Trône du 30 juillet 2011. Ce discours insistait sur la nécessaire interprétation démocratique de la nouvelle Constitution , qui garantit à tous les Marocains , où qu’ils soient, à l’intérieur du Maroc ou résidant à l’étranger, les attributs d’une citoyenneté digne : « Nous considérons que toute pratique ou interprétation incompatible avec l’essence démocratique, constituerait une transgression inacceptable, contraire à la volonté commune du Roi et du peuple » .
En somme, le nouveau dispositif institutionnel MRE, ne devrait pas être purement formel. Il gagnerait au contraire beaucoup si , partant de la Constitution avancée du 1er juillet 2011, et de divers discours royaux pertinents , il s’accompagne d’une mise à jour du contrat avec les citoyens MRE, respectant leur dignité citoyenne par rapport au Maroc, au même titre que les Marocains de l’intérieur. En ce sens, la participation et représentation politiques des citoyens MRE, ne sont pas un luxe ou une revendication démesurée, mais un impératif démocratique national, conformément à la Constitution , et à la cohérence de divers discours solennels depuis le Nouveau Règne , en particulier le premier discours du Trône (30 juillet 1999), ceux du 19 août 2001, 30 juillet 2002, 30 juillet 2004, 6 novembre 2005, 20 août 2012, 20 août 2022…
Éponger la dette citoyenne envers les MRE
1 – Première proposition : Il serait hautement souhaitable que cette réforme structurante initiée par le Souverain , soit renforcée et complétée par la reconnaissance par le gouvernement ( et le parlement dans ses deux chambres) de la citoyenneté effective , pleine et entière des citoyens marocains établis à l’étranger , en conformité notamment avec l’article 17 de la Constitution et les deux premières décisions annoncées dans le discours royal fondateur du 6 novembre 2005 , qui ont fait l’objet jusqu’ici de la «démarche progressive » par les divers gouvernements qui se sont succédés, à savoir la députation des citoyens MRE par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger. La non réponse positive de ces instances constitutionnelles à cette demande citoyenne pressante récurrente et constamment reportée par les majorités parlementaires et les gouvernements successifs , justifierait à notre sens l’arbitrage royal. Le Roi est en effet l’ultime recours, Arbitre suprême entre les institutions nationales , garant notamment du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens et des collectivités.
2 – Deuxième suggestion : À l’approche des élections législatives de 2026 et pour renforcer justement les liens fondamentaux du Maroc avec nos compatriotes émigrés, les responsables gouvernementaux , les dirigeants d’un grand nombre de partis politiques ( et de syndicats), ainsi que les groupes et groupements parlementaires dans les deux chambres ( sauf exceptions rarissimes) , ont dans leur très grande majorité , en appui des responsables du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME ), contracté vis à vis d’eux une forte dette citoyenne . Celle-ci est cumulée depuis les gouvernements Driss Jettou ( 7 novembre 2002- 19 septembre 2007), le gouvernement Abbas El Fassi ( 15 octobre 2007 – 3 janvier 2012)et renforcée depuis les gouvernements Benkirane et El Otmani ( PJD) , y compris l’exécutif en cours qui maintient la tendance , dirigé par Aziz Akhannouch, président du Rassemblement National des Indépendants (RNI). Le gouvernement d’alternance consensuelle, bien avant eux ( El Youssoufi , 1998-2002) , est également comptable de ce passif démocratique envers les citoyens MRE, qui ne cesse , sur ce plan là, de s’ alourdir au fil du temps, entraînant méfiance et contestation de ces institutions qui n’assument pas leurs missions à leur égard, et leur dénie leur dignité de citoyens.
3 – Troisième recommandation : Dés lors, n’est-il pas temps que tous ces milieux gouvernementaux, parlementaires, partisans et syndicaux ( Chambre des Conseillers pour ces derniers), remboursent et épongent la totalité de cette dette citoyenne avec un programme d’ajustement citoyen vis à vis des citoyens MRE , au lieu de continuer indéfiniment à la rééchelonner à travers la méthode dite« graduelle » ou «progressive », décidée le 16 juin 2006 par le gouvernement, en accord avec les partis politiques de la majorité de l’époque, dans le cadre du dialogue préélectoral, comme si les citoyens MRE n’étaient pas encore mûrs ? Cette approche dite progressive est devenue en fait une approche régressive, dans la mesure où on n’a eu aucune suite positive concrète , avec un contenu précis et des échéances bien délimitées.
Pour aller de l’avant dans un esprit constructif , il s’agirait d’abord , dés la toute prochaine échéance ( fin décembre 2024) , d’ouvrir les listes d’inscription sur les listes électorales générales DANS les consulats marocains ( et non pas faire jouer à ces derniers un simple rôle de facilitateurs et de boites postales pour l’envoi des dossiers d’inscription vers le Maroc) pour organiser ces élections législatives à partir des circonscriptions électorales législatives de l’étranger et non pas pour voter au Maroc en présentiel , ou par le biais de la procuration…
4 – Quatrième suggestion : Ces nouvelles listes électorales générales pourraient servir également en cas d’élection des comités consulaires , qui pourraient être utiles pour la constitution du «Collège électoral MRE » pour la Chambre des conseillers, en cas d’adoption de ce mécanisme juridique ( et non pas en passant par le CCME) . Ce collège électoral MRE pourrait être utile également pour élire les représentants des citoyens MRE au sein du comité directeur dans la future Fondation Mohammedia des Marocains résidant à l’étranger, voir même dans les diverses institutions consultatives ( article 18 de la Constitution ).
5 – Cinquième proposition : En somme, la réforme du dispositif institutionnel chargé des citoyens MRE , n’est pas à concrétiser par le gouvernement et le parlement , parce que nos compatriotes émigrés apportent déjà beaucoup de devises au Maroc, et pourraient le faire davantage. L’essentiel n’est pas la citoyenneté économique et financière. La question n’est pas uniquement de les encourager à INVESTIR au Maroc comme le fait le gouvernement . Les citoyens MRE veulent également S’Y INVESTIR POLITIQUEMENT et démocratiquement, qu’ils soient considérés comme des Marocains à part entière et non pas des Marocains entièrement à part. Ce faisant, le chantier de réconciliation nationale enclenché par le Nouveau Règne avec Al Jaliya en particulier ( réforme du code de la famille, réforme du code la nationalité….) , aura été achevé.
6 –Sixième recommandation : Sur ce plan , dans les développements consacrés à la communauté marocaine à l’étranger, la première des cinq recommandations de l’Instance équité et réconciliation (IER) faisant allusion au discours royal fondateur du 6 novembre 2005 ( que certains ont tendance à oublier) , aura été honorée . L’Instance équité et réconciliation « 1- Salue l’ordre royal adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu le préserve, au gouvernement lui ordonnant de garantir une participation complète et globale des ressortissants marocains à l’étranger aux futures échéances électorales nationales(…) » (volume I ), celles devant se dérouler en 2007 pour le renouvellement de la Chambre des Représentants. Curieusement , les responsables institutionnels du CCME et du CCDH ( puis du CNDH) ont la mémoire sélective sur cette première recommandation dans leurs interventions et analyses, ramenant le nombre de recommandations de l’IER sur ce chapitre à quatre au lieu de cinq… Par conséquent , la nécessité de la prise en considération de cette première recommandation de l’IER s’impose, non seulement pour des raisons d’éthique , liées au respect de la mémoire historique , mais aussi pour des impératifs politiques.
Pour un CCME élu et la représentation également
des citoyens MRE à la Chambre des conseillers.
7 – Septième proposition : Arrêtons nous à un aspect particulier de la restructuration du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, celui des modalités de sa future composition s’agissant des MRE. Les membres provenant de la Jaliya seront-ils nommés ou bien élus et selon quel mode d’élection ? Si c’est la nomination qui prime comme modalité de désignation, sur quels critères objectifs vont-ils l’être et par qui ? Comment choisir objectivement dans une communauté qui regorge d’acteurs dynamiques , de talents et de compétences à tous les niveaux , sans entraîner de clientélisme , des injustices , frustrations , voir des protestations et des oppositions, comme ce fut le cas lors de la première mouture du Conseil en 2007 !? Ceci avait même amené à laisser vacants jusqu’ici 13 sièges sur 50, les protestations n’étant pas tombées, mais s’étant encore amplifiées…
Cette méthode des nominations n’est nullement un signe de pragmatisme ou de réalisme , ayant en fait un autre objectif, celui de maîtriser la composition du Conseil. N’est -elle pas en effet la plus paresseuse intellectuellement et organisationnellement et la plus pauvre politiquement au regard du processus démocratique au Maroc, qu’il s’agit de renforcer et d’élargir, et d’une communauté expatriée plurielle qui vit ( sauf pour certaines contrées) , dans des sociétés démocratiques avancées ? Voilà pourquoi nous préférons l’élection. Le discours royal du 6 novembre 2007 est très clair là-dessus, lorsque l’ex-institution du CCDH ( Conseil consultatif des droits de l’Homme ) avait remis au Roi Mohammed VI , un avis consultatif consistant à mettre en place un CCME nommé pour une période transitoire de quatre ans. L’option royale retenue par conviction profonde pour le futur est la conception démocratique:
«Nous avons examiné attentivement les recommandations qu’elle a soumise à Notre Majesté et ce en partant de trois prémices de base :
– D’abord notre conviction que la représentativité authentique procède en fait de l’élection. Toutefois, celle-ci risque de demeurer un simple exercice formel tant qu’elle ne sera pas étayée par la crédibilité, l’éligibilité, la concurrence loyale et la mobilisation de nos concitoyens émigrés.
– Le deuxième fondement induit la nécessité d’écarter la désignation directe , et ce, pour des raisons de principe. Car, c’est d’une instance représentative qu’il s’agit, et non d’une fonction administrative ou d’un poste politique. Par conséquent, l’élection reste nécessaire et souhaitable comme point de départ et comme objectif pour la mise en place de cette institution » .
La troisième prémice de base est la crédibilité de l’ex-CNDH. Et le Souverain d’ajouter :
« (…) Par conséquent, il nous a paru opportun de retenir la proposition contenue dans l’avis consultatif, celle d’une formule transitoire permettant de mandater cette institution dans sa première mouture consultative pour une période de quatre ans. Partant donc de notre position de principe, nous appelons cette nouvelle institution à inscrire en tête de son agenda un travail de mûrissement de la réflexion. Il lui appartient également de mettre en place de solides fondations, dans la perspective d’assurer comme ultime finalité une élection réfléchie et responsable, et de créer les conditions d’une large participation au scrutin, au lieu de recourir à des solutions de facilité ».
Ce choix démocratique est rappelé dans l’article 25 du dahir n° 1-07-208 du 10 hija 1428 (21 décembre 2007) portant création du CCME qui doit garantir pour sa nouvelle mouture «la plus efficace et meilleure REPRÉSENTATIVITÉ », des Marocains établis à l’extérieur, qui suppose bien entendu l’élection.
Dés lors, il s’agit de traduire dans la pratique la vision royale pertinente selon laquelle le Conseil doit être , au plan de la toute prochaine composante communauté MRE, «constitué de façon démocratique et transparente et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité, d’efficience et de représentativité authentique » ( discours historique du 6 novembre 2005 à l’occasion du 30é anniversaire de la Marche Verte) ou , selon des précisions ultérieures, « alliant dans sa composition les exigences de compétence, de crédibilité et de représentativité » ( discours du Trône du 30 juillet 2006).
Précisons à ce sujet que la restructuration profonde annoncée du CCME, ne pourrait constituer un substitut à la jouissance et à l’exercice plein et entier par les citoyens MRE de leur droit de vote et d’éligibilité par rapport à la Chambre marocaine des députés, par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger, et non pas par celui du procédé inique de la procuration.
8 – Huitième piste d’action : Par ailleurs et de notre point de vue, si le prochain CCME est élu dans sa composante MRE, ceci pourrait avoir un autre grand avantage, celui de constituer un collège électoral MRE pour élire dans un second temps les citoyens MRE pour la Chambre des Conseillers . Dans ce cas , la révision de l’article 63 de la Constitution est nécessaire après un vote des deux chambres réunies à la majorité des deux tiers ( article 74), formule qui est moins contraignante que l’organisation d’un référendum.Est-ce trop demander ? L’élection du CCME n’est pas quelque chose de démesurée ou d’utopique , une démarche illusoire voire un fantasme, mais elle est réalisable. Elle nécessite bien entendu de la volonté. Volonté politique chez les décideurs et volonté ferme de partager l’esprit démocratique par les citoyens MRE et leur tissu associatif qui devrait dépasser ses divisions et s’unir.
Autres propositions d’action pour l’avenir
9 – Neuvième proposition : Pour la réussite de cette inflexion majeure relative au dossier des citoyens MRE , reflété par les décisions du 6 novembre 2024, un plan de travail législatif gouvernement -parlement dans ses deux chambres , paraît nécessaire en la matière.
10 – Dixième suggestion : On pourrait aussi envisager à l’intérieur de la Fondation Mohammedia pour les Marocains résidant à l’étranger, de créer un Observatoire National des Migrations, tenant compte de toutes les formes de migration internationales pour éviter le double emploi : communauté marocaine établie à l’étranger, émigration vers l’étranger, y compris la mobilité internationale des étudiants pour le Maroc (étudiants marocains à l’étranger et étudiants étrangers au Maroc), immigration étrangère et asile au Maroc. La fonction de cet observatoire national serait de comprendre, anticiper et agir sur tout ce qui concerne ces migrations. Il pourrait constituer également le point focal ou le correspondant de l’Observatoire Africain des Migrations qui a, depuis fin 2020 , son siège à Rabat, et qui constitue la concrétisation d’une des propositions phares de l’Agenda Africain des Migrations , présenté par le Roi Mohammed VI à l’Union Africaine, en tant que Champion de l’UA dans le domaine migratoire.
1 1 – Onzième proposition : « La Fondation Mohammedia des Marocains résident à l’étranger » ne peut siéger au Conseil de gouvernement ou au Conseil des ministres. Au même moment, on ne connaît pas encore la nature de la relation politique entre cette nouvelle institution et l’autorité gouvernementale concernée. Au vu du caractère horizontal et multidimensionnel du dossier des citoyens MRE , il nous semble plus judicieux de rétablir le ministère à par entière , chargé à la fois des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de l’immigration et délégué auprès du Chef de gouvernement , qui préside par ailleurs la Commission interministérielle , chargée des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de l’immigration er de l’asile.
À ce propos , le gouvernement et le parlement , devraient profiter de l’opérationnalisation de la réforme des institutions dédiées aux citoyens pour dynamiser la politique envers l’immigration et l’asile au Maroc et procéder aux réformes nécessaires de ce secteur , notamment au plan juridique : en particulier la révision profonde de la loi 02-03, le vote de la loi sur l’asile. Tout comme il s’agit de rendre effectif le droit des étrangers au Maroc à participer aux élections locales ( article 30 de la Constitution). Au total, le secteur de l’immigration et de l’asile qui avait connu des avancées remarquables à partir de 2013 ,se caractérise actuellement par des reculs manifestes.
12 – Douzième suggestion : Organiser pour le développement du Maroc , la mobilisation des compétences marocaines à l’étranger par le biais d’une structure spécifique dédiée au sein de la nouvelle Fondation Mohammédia , ne devrait pas faire oublier d’autres éléments essentiels. Il s’agit de stopper le drainage des compétences marocaines vers l’Union européenne en particulier, dans le cadre du «Partenariat Talents », institué par le Nouveau pacte européen sur la migration et l’asile et inverser la fuite des cerveaux , et non pas considérer le retour des talents comme une «fausse bonne idée ». Par ailleurs, il s’agirait de prendre en considération pour les talents marocains le droit de rester au Maroc , grâce à des réformes internes nécessaires, et de ne pas envisager comme moyen de lutte contre les effets négatifs de ce drainage pour le Maroc , la «solution» de former plus de compétences par le Maroc.
13 – Treizième proposition : Organiser des Assises nationales de la communauté marocaine établie à l’étranger. L’objectif principal, comme nous l’avons déjà suggéré dans des propositions à la Commission sur le nouveau modèle de développement ( CSMD), est d’élaborer de manière participative et plurielle , une charte des devoirs , obligations et droits des citoyens marocains établis à l’étranger par rapport au Maroc, déterminant au même moment la nature des relations des citoyens MRE avec l’Etat et la société marocaine avec in finé, la determination des attributs d’une citoyenneté digne en ce qui les concerne par rapport au Maroc.
14 – Quatorzième recommandation : Par ailleurs , associer à la réflexion la société civile MRE ( et celle immigrée au Maroc) ainsi que les chercheurs , ne peut être que bénéfique . Le gouvernement devrait faire ensemble et non pas procéder à une réflexion de manière isolée , ou se contenter de s’en remettre à des bureaux d’études , qui adoptent eux-mêmes une démarche technocratique et proposent souvent des expédients flattant les décideurs dans leurs choix préétablis. Pour (r)établir la confiance, il s’agit de s’ouvrir, d’écouter et d’e tendre, de convaincre mutuellement et d’entrainer. Une des formes de cette démarche participative pourrait être l’ouverture de la Commission interministérielle chargée des MRE et des affaires de la migration à ces acteurs et profils . Une autre forme est l’organisation PAR LE PARLEMENT , les deux chambres réunies, d’un colloque national sur la réforme MRE ( ainsi que celle du système de l’immigration et de l’asile ), avec l’implication de toutes les parties prenantes et les milieux directement concernés sur une base démocratique, ouverte et plurielle. Insistons encore une fois et encore : associer les citoyens MRE ainsi que le tissus associatif des immigrés au Maroc et la société civile locale , dans la préparation, le mûrissement et l’approfondissement de ces réformes , nous paraît incontournable.
Précisons aussi qu’en rapport à certaines instances consultatives , qui ont avec outrecuidance manifesté leur pleine disposition à contribuer à la mise en œuvre , voire même au pilotage de la réforme du dispositif dédié aux citoyens MRE, on ne peut trouver mieux que de se référer à Einstein, qui raille l’outrecuidance du problème qui cherche à se présenter en solution : « on ne peut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre ».
1 5 – Quinzième proposition : À ce propos, au vu du non respect en particulier du cahier de charges du CCME par ses dirigeants et l’échec de leur gouvernance ( de même que pour celle de la Fondation Hassan II pour les MRE, qui n’a pas tenu son comité directeur depuis l’an 2000 , alors qu’ildoit se réunir au moins deux fois par an ), ne devrait-on pas plutôt faire prévaloir le principe constitutionnel de corrélation entre responsabilité et reddition des comptes pour les institutions !? On est en droit d’invoquer un droit d’inventaire , avec des enquêtes approfondies sur cette gestion opaque, se cachant derrière le fait que ces institutions bénéficient de l’indépendance et de l’autonomie financière.
Comment ont été dépensées les substantielles subventions étatiques annuelles allouées? Où sont les résultats concrets obtenus, où est l’expertise accumulée pour la capitaliser dans la politique de changement ? Pourquoi la mission dans ses divers volets, n’a pas été assurée , entraînant l’effritement de la confiance envers ces institutions ? Quelles leçons tirer de toutes les dérives et de tous les manquements , si on veut faire autrement dans le cadre de la réforme projetée ?
C’est en répondant objectivement à cette interpellation citoyenne et politique, qu’un paysage institutionnel nouveau relatif au secteur des Marocains établis à l’étranger, serait de nature à prévenir la reproduction des multiples travers et dysfonctionnements affectant le paysage institutionnel actuel, et contribuerait fortement à aller de l’avant.
Rabat, le 10 décembre 2024
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat,
chercheur en migration
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