Home»International»Paris-Orly , Roissy-Charles De Gaule et Casablanca-Nouacer : opacité et non droit des « zones de transit »

Paris-Orly , Roissy-Charles De Gaule et Casablanca-Nouacer : opacité et non droit des « zones de transit »

0
Shares
PinterestGoogle+

Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

C’est à une analyse comparative en « zone de transit » ou « zone d’attente » dans les deux aéroports précités que se sont attelées deux ONGs , une française ( ANAFE ) et une marocaine
(GADEM) dans un rapport conjoint présenté à la presse jeudi dernier 29 juin 2017 à Rabat , avec la prise de parole de Hicham Rachidi et Camille Denis pour le GADEM et Laure Blondel pour l’ANAFE .

Intitulé « privés de liberté en « zone de transit » ; des aéroports français aux aéroports marocains », ce rapport commun est dû en effet d’une part à l’Association Nationale d’Assistance aux Frontières qui rassemble entre autres la CIMADE , le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) , Amnesty International et la Ligue des Droits de l’Homme , et d’autre part au Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants .

Ce rapport accablant , aussi bien pour Paris-Orly et Roissy-Charles De Gaule que pour Casablanca-Nouacer, fait état de très nombreuses irrégularités , tant dans la procédure que durant le maintien dans les locaux de la « zone d’attente » qui est située du point de débarquement aux points où sont effectués les contrôles de personnes et qui concerne l’étranger qui , soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire , ou bien demande son admission au titre de l’asile . Relevons au passage que les « zones d’attente »  qui sont des lieux institués par l’administration  pour l’enfermement de personnes , « le temps nécessaire » à leur renvoi d’où elles viennent , n’existent pas uniquement dans les aéroports , mais aussi dans les ports et les gares desservant des destinations internationales .

« L’horreur de notre République »

Ces « zones d’attente » ou prisons sans nom qui sont en marge de l’Etat de droit et où règne un régime d’exception , sont l’expression de l’arbitraire et de l’indignité exercés sur des étrangers pratiquement sans défense et soumis à des conditions de détention dégradantes et épouvantables , qui avaient fait dire il y’a quelques années au député français Louis Mermaz , ce qui suit comme conclusion d’une enquête parlementaire en France :

« Malaise , révolte , impuissance : tels sont les sentiments que l’on ressent au terme de ces contrôles  » . « Le constat est rude (…) les zones d’attente et les centres de rétention sont l’horreur de notre République  » . « Au total , il s’agit pour la France de comprendre qu’une politique de lutte contre l’immigration clandestine , aussi nécessaire soit-elle , ne saurait justifier un reniement des principes qui font la grandeur de notre pays : la dignité de l’homme , le respect de son intégrité morale et physique , l’humanité « .

Comme nous l’avions montré en son temps dans un livre intitulé  » Le Maroc non africain , gendarme de l’Europe ? » ( 16 mars 2003) , avec pour sous titre  » Alerte au projet de loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc , à l’émigration et l’immigration irrégulières » , qui légalise depuis 2003 ce genre de pratiques au Maroc , cette loi n’est  en fait qu’un copié-collé et un « clonage » de la loi française en la matière , même si en France , deux réformes en trompe l’œil ont eu lieu en 2015 et 2016 , maintenant le statu quo concernant un certain nombre de dysfonctionnements et de violations des droits .

Refondre d’urgence et humaniser la loi 02-03

On ne peut que suivre les deux ONGs qui réclament la mise en place d’un véritable droit de regard dans ces lieux d’enfermement et d’un mécanisme de contrôle indépendant , en particulier au niveau parlementaire , pour une réelle visibilité sur la situation des personnes privées de liberté en zone d’attente , notamment au niveau du hangar de la Royal Air Maroc ( RAM) proche des pistes de départs , aux abords du Terminal 3 à Casablanca -Nouaceur , aéroport Mohammed V et où de nombreux cas d’enfermement , hors de toute légalité , existent en toute impunité , sans aucun contrôle ou possibilité de recours .

Parmi les problèmes qui continuent à se poser avec acuité , citons les suivants : accès non garanti à la nourriture , aux soins médicaux , à une douche pour assurer sa propreté ; pas le droit à des vêtements de rechange ou à des affaires de toilettes ; le sommeil n’est possible qu’à même le sol ou sur des sièges ; délai de maintien prolongé dans la zone d’attente , avec privation de liberté , bien au delà du maximum autorisé ; absence de notification ou de décision de prolongation ; entrave au droit à la communication faute d’interprète ; absence d’accès aux avocats et encore moins aux juges , ce qui rend de fait le recours pratiquement impossible ; maintien de mineur(e)s ou de femmes enceintes en zone d’attente en vue de leur renvoi sans examen de leur cas par un juge et en dehors de toute procédure légale …

C’est l’occasion également et surtout de demander à notre sens , la refonte totale et urgente de la loi marocaine 02-03 pour qu’elle contribue à fonder véritablement une réelle « Nouvelle Politique Migratoire du Maroc  » , respectueuse des droits humains .

Ici l’intégralité du rapport conjoint ANAFE-GADEM

Rabat , le 30 juin 2017

MédiocreMoyenBienTrès bienExcellent
Loading...

Aucun commentaire

Commenter l'article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *