Home»Régional»les danses guerrières de l’Oriental

les danses guerrières de l’Oriental

0
Shares
PinterestGoogle+

Voyage au cœur des danses guerrières de l’Oriental.

Les danses et les chants sont l’aspect le plus représentatif d’une culture populaire enracinée dans la mémoire collective d’un peuple guerrier défendant farouchement ses terres et son honneur.

La danse comme expression d’un phénomène culturel trouve son originalité esthétique dans la spécificité ethnique, religieuse ou sociale. L’homme dansait pour exhorter la bénédiction et la clémence du ciel. La danse était dès lors adaptée à un contexte culturel particulier.
L’Oriental marocain, en tant que zone tampon et refuge pour hommes intègres, a connu l’invasion effrayante et menaçante de tribus et peuples qui, tout en saccageant les richesses locales, ont laissé des coutumes dont notamment l’aspect guerrier. Aussi les cultures païennes, judaïques, berbères ou arabo- africaines ont marqué par leurs empreintes les danses locales par une touche de fierté personnelle.
Les chiouk en maîtres incontestables de leurs arts sont les dépositaires d’une tradition qui glorifie les poèmes antiques et les improvisations des bergers poètes qui ont perpétué la tradition orale. Un cantique aux écrits religieux ou aux poèmes populaires sur des airs qui se rapportent à la joie, la tristesse et le rendement des récoltes entre autres.
Ces danses typiques diffèrent d’un endroit à un autre et la différence est énorme entre les gens des plaines qui accentuent leurs mouvements sur la fluidité corporelle avec une voluptueuse allégresse et ceux de la montagne qui exécutent des mouvements vifs élégants et effrénés. La danse en tant que mouvement des épaules et des pieds exprime une volonté d’existence alors que le ventral est presque banni. Tout ce qui se rapporte à l’exhibitionnisme abject est réfuté dans l’Oriental. L’honneur de la tribu est souvent attaché à la dimension masculine et un homme qui se respecte n’a pas à bafouer sa fierté même en dansant. La danse avec un fusil à poudre ou un bâton est beaucoup plus importante que le maniement d’un accessoire de danse. L’outil de persuasion est un indicateur de référence sur le pouvoir et l’ordre tribal. Quant à la danse, elle se termine dans un nuage de poudre. La danse reine par excellence est Laalaoui. Elle est exclusivement masculine accomplie pour exhiber les qualités d’endurance et de maîtrise de la géométrie de l’espace et des calculs des percussions. A chaque air, une cadence et à chaque cadence, un ensemble de coups de pieds sur la terre avec vivacité et élan vital pour accentuer l’attachement à la terre et à la tribu. Elle est aussi synonyme de force et de vigueur qui préparent la délivrance finale des musiciens et des danseurs. Danse aux percussions endiablées qui peuvent être exécutées sur les rythmes de N’hari, Reggada, Mengouchi. Les musiciens et les danseurs se distinguent à la couleur des «rezzas» qu’ils portent. Elle est jaune pour les chioukh et blanche pour les arfas. Le «aarif» ajoute un «tehlil» sur sa «aabaya» et l’orne de «Tkhamels» en laine de couleur pour ceinturer l’«Aabaya» et le «Selham». Laalaoui est une danse cadencée sur la rythmique de l’instrument à percussions et qui peut être un bandir ou un guellal. De son côté, l’air accompagnateur joué par un zamer ou une ghaita, ou gasba, régularise les mesures de danse qui peuvent être annoncées par le meneur. Avec «Arreche», les danseurs exécutent trois coups de pied avec un interlude sur deux. Une fois la «Sbaissia» annoncée, tout le monde doit taper un ensemble de coups impairs du pied sur le sol. Et ainsi de suite à chaque fois que le meneur invite les danseurs à réaliser de nouvelles voltiges par les cris de «Dkhoul» et «Jarre». De son côté, une «Taâricha» qui émet le son et le bruit, perd son entrain et permet à la «Sbaissia» d’être expressive, frénétique, gracieuse, lascive, et voluptueuse. Le mouvement perçu dans sa singularité avec une mobilité uniforme ascendante, ascensionnelle ou centrifuge. Il prendra des allures intensives, lentes, voire violentes lorsqu’il s’agit d’atteinte à l’honneur et à la fierté de la tribu.
Tout cela montre que la danse dans l’Oriental découle des traditions et valeurs guerrières d’une population qui s’est trouvée, le long de son histoire, face à des ennemis qu’elle devait dissuader. La danse «Imdiazen» telle qu’elle est exécutée au Rif dénote une pratique à base de bâtons, remplacés par la suite par des «Azidane», fusils de combat. Deux groupes d’hommes alignés les uns en face des autres, comme face à l’ennemi, exécutent à l’unisson des chorégraphies guerrières. Et là aussi, c’est tout un exercice de persuasion. Les «Arfas» usent de leurs bâtons qu’ils manient avec force pour démontrer leurs maîtrises et les faire croiser à l’instar de ce qui se fait lors des combats à mort. Seulement ici, aucune victime car la consécration est d’ordre artistique. Dans certaines régions du rif, cette danse est nommée «Talebbante». Au-delà de leur fonction, la canne ou le bâton symbolisent un pouvoir ancestral. Une danse à base de musique révélée au monde entier par le groupe mythique des Rolling Stones après les compositions de Brian Gysin qui s’en est inspiré.La recrudescence du genre Lâalaoui qui procure à la danse sa dimension masculine, trouve son écho dans le galop envoûtant d’un pur-sang arabe et l’allure frénétique d’un danseur en quête de consécration artistique et chevaleresque. C’est presque la même rythmique d’un cheval dompté à l’allégresse et à l’attendrissement du geste révélé sur une échelle de sons de pas fluides étincelants. Ce sont les coups d’un galop au cantique de la poudrière. Et si Khalil Elfarahidi avait taillé la poésie arabe sur la chevauchée d’un cheval d’Arabie ; les danseurs de l’Oriental ont mesuré leurs mouvements dansants sur un barbe marocain bon à tous les travaux et excellent en fantasia.

ALI KHARROUBI / Journal Aujourd’hui Le Maroc

MédiocreMoyenBienTrès bienExcellent
Loading...

2 Comments

  1. ahmed kadiri
    18/12/2007 at 17:48

    choukrane pour cet intéret à tout ce qui estculturel et patrimoine de l’oriental. c’est la chose la plus importante qui nous reste.

  2. Yahya TORBI
    18/12/2007 at 17:49

    Merci pour cet article qui nous rappelle également les grands poètes et chanteurs algériens de Melhoun , entre autres Benguitoun et Khelifi Ahmed, lesquels écrivaient et interprétaient majestueusement des poèmes populaires émouvants tels que « Hizya », « Guelbi tfakar ourban rahhala ».
    Pour ce qui est de la danse folklorique ou guerrière, Laalaoui en l’occurrence, ainsi que l’art de monter à cheval, spécifiques à la région orientale, n’étaient pas l’apanage des hommes. puisqu’il est des femmes qui brillaient dans ces domaines au même titre que les hommes.

Commenter l'article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *