La Boite à Merveilles de Ahmed Sefrioui : un roman, deux histoires
La Boite à Merveilles de Ahmed Sefrioui : un roman, deux histoires
Zaid Tayeb
L’histoire De Lalla Zoubida et de son mari Maalem Abdeslam ressemble de manière très serrée à l’histoire de Lalla Aicha et de son mari Moulay Larbi. Seuls les récits de ces deux familles vont du début à la fin du roman, adoptant ainsi, et à l’inverse des nombreux autres récits beaucoup plus simplistes qui tissent le roman, une trame narrative plus complexe et plus consistante. L’analogie dépasse les simples personnages pour toucher à la structure narrative profonde du roman.
1- Les personnages :
– Les femmes : les deux femmes sont toutes deux des ‘’Lalla’’, des Chérifas dont la généalogie remonte au Prophète, que la prière et le salut soient sur Lui.’’ Ma mère ne manquait jamais d’évoquer ses origines lors des querelles avec les voisines. Elle osa même soutenir devant Rahma que nous étions d’authentiques descendants du Prophète.’’(page 16) ; ‘’Quand elle (Lalla Aicha) venait chez-nous, ma mère m’obligeait à lui baiser la main parce qu’elle était une Cherifa, fille du Prophète…’’( page 24).
-Les hommes : leurs maris, quant à eux, ils sont tous des artisans, l’un est babouchier et l’autre tisserand : deux métiers des plus nobles dans le monde de l’artisanat de Fès. Le mari de Rahma n’est qu’un ‘’aouad’’, il travaille le bois ‘’oud’’ pour en faire des charrues ou plutôt des araires, celui de Fatma Bziouya est un simple jardinier, il doit travailler dans les jardins maraichers de Fès. Celui de Khadija, sœur de Rahma est fournier, Abderrahman est coiffeur…Des métiers peu nobles dans une ville où le travail du cuir et de la laine, matières nobles par excellence, prévaut.
2- Le drame des deux familles : Le sort se montre parfois bien cruel en tissant des drames inattendus et en frappant là où ça fait le plus mal. Contrairement à leur habitude, les deux hommes reviennent chez eux à des heures où ils devaient être dans leurs ateliers.’’ Moulay Larbi, le mari de Lalla Aicha, arriva inopinément’’ ( page 62), Maalem Abdeslam fait de même ‘’Mon père s’annonça à la porte d’entrée de la maison. Il arrivait plus tôt que prévu’’ (page 175) Le retour anormal de l’un et de l’autre à la maison a un caractère perturbateur, annonciateur d’une rupture narrative et d’une catastrophe sociale : les deux hommes apportent de mauvaises nouvelles qui vont bouleverser leur vie respective.
a- Les deux hommes : Moulay Larbi le babouchier a perdu son atelier au profit de son associé Abdelkader à la suite de sa dispute avec ce dernier’’ Les experts ont été réunis. Ils ont discuté jusqu’au soir. Finalement, ils se sont prononcés en faveur d’Abdelkader’’ (page 70). Maalem Abdeslam, quant à lui, il a perdu tout son fond de roulement : aussi, et faute de matériau, doit-il fermer momentanément son atelier ‘’Je n’ai plus de quoi payer mon ouvrier qui n’a rien touché cette semaine. Je dois aussi un mois de loyer au propriétaire de l’atelier’’ (page 178).
b- Contribution des deux femmes à aider de leur mieux à remonter la pente de la faillite : ——-Lalla Aicha a vendu son mobilier et son or pour permettre à son mari de remettre l’atelier en marche.’’Lalla Aicha a tout vendu. Même les rats n’ont plus rien à se mettre sous la dent….L’argent servira à acheter du matériel à Moulay Larbi et à assurer les premiers frais d’installation de son nouvel atelier’’ (pages 81-82)
– Lalla Zoubida, en refusant de garder les bracelets auxquels ,à l’en croire, s’attacheraient le malheur et la malédiction, offre à son mari l’opportunité de les revendre pour leur laisser un peu d’argent pendant son absence de la maison. ’’Je compte les revendre. Je vous laisserai cet argent pour vous nourrir pendant mon absence’’ (page 179)
c- Le départ des deux hommes : Moulay Larbi abandonne sa première femme pour se remarier avec la fille du coiffeur.’’ Zoubida, je n’ai plus personne au monde….. Le fils de péché pour qui je me suis dépouillée, m’a abandonnée pour prendre une seconde épouse, la fille d’Abderrahman le coiffeur’’ (page 171). Quant à Maalem Abdeslam, il est obligé de quitter sa famille pour aller travailler dans les champs aux environs de Fès, mais il compte revenir après qu’il aura mis de côté un peu d’argent nécessaire à la remise en marche de son atelier.’’ Je vous laisserai seuls pendant un mois. Je tâcherai de ne rien dépenser de mon salaire….’’ (page 179)
Auparavant, au temps où les affaires allaient bien, les deux maris avaient promis à leurs femmes de leur acheter des cadeaux. ‘’Il n’a pas d’associé…….Il m’a promis de m’acheter, au début de l’hiver, un caftan de drap abricot, objet que je désirais depuis si longtemps’’, a avoué, sur le ton de la confidence, Lalla Aicha à son amie Lalla Zoubida à la page 148. ‘’Il y a longtemps que tu me demandes ces bracelets soleil et lune (or et argent). Il est temps que je te les offre.’’, a confié Maalem Abdeslam à sa femme à la page 155.
d- L’effet bénéfique du retour des deux maris sur les deux épouses. A l’annonce du retour des deux maris, les deux femmes retrouvent toute leur gaîté, toute leur agilité et toute leur jeunesse.
-Lalla Aicha :Nul n’ignore que Lalla Aicha souffre d’obésité et de maux de jointures, à tel point que le narrateur parle d’elle comme d’une grosse bête. ‘’Lalla Aicha s’affala au milieu des coussins…’’(page 147) Ou comme une plante qui a pris racine ‘’Lalla Aichca, qui n’avait rien perdu de son embonpoint , s’arracha péniblement du sol, prit son haïk’’ page 198), ou encore ‘’Lalla Aicha éprouva toutes sortes de difficultés à s’arracher du matelas où elle gisait’’ (page 23).
Lalla Aicha est à présent une femme heureuse et son bonheur, elle le manifeste de manière ostentatoire : tout au long du roman, et en dehors de l’épisode comique des Khadija de la page 148 , le lecteur n’a jamais vu cette femme que suant, s’étouffant, hoquetant ou respirant comme un soufflet de forge (page 201). La voici à présent ‘’prise d’une fièvre d’extermination, qui court d’un coin de la pièce à l’autre…’’( page 222) ; la voici également en compagnie de Lalla Zoubida et de Salama la marieuse tout à son bonheur ’’un petit rire drôle, d’une folle gaîté, échappa à Lalla Aicha. Ce rire était si jeune, si frais, si printanier…’’(page 226). Depuis qu’elle a appris le retour de son mari à la ‘’raison’’ ( à la maison), il n’est plus dit d’elle qu’elle s’arrache, mais qu’elle se lève tout comme un être humain : ‘’Lalla Aicha se leva, s’enveloppa dans son haïk et se dirigea vers l’escalier’’ ( page 221) ; ‘’ Elle se leva en hâte, alla chercher le sucre et la menthe’’ (page 226).
-Lalla Zoubida : Il en est de Lalla Zoubida ce qui en est de Lalla Aicha. Depuis le départ de Maalem Abdeslam de la maison, la vie de cette femme s’est trouvée changée : ‘’Ma mère faisait une cuisine maigre….Elle riait moins, ne racontait plus d’histoires. Il nous restait les longues promenades que nous faisions pour nous rendre aux divers sanctuaires deux ou trois fois par semaines.’’ (page 215). Elle retrouve tout son bonheur et toute sa vivacité avec le retour de la campagne de son mari :’’Elle rit comme une petite fille’’ (page 246) ; ‘’prise d’une fièvre d’activité, elle rangeait nos richesses, soufflait sur le feu, allait, venait…’’ (page 247).
L’histoire de ‘’La Boîte à Merveilles’’ est donc l’histoire de deux familles que le destin a réunies par les liens du voisinage et de l’amitié mais aussi qu’il a secouées par des tourments communs d’une violente tempête.
Le lecteur ne peut rester indifférent à l’analogie adoptée par Ahmed Sefrioui dans le traitement narratif de l’histoire des deux familles, celle de Maalem Abdeslam d’une part et celle de Moulay Larbi de l’autre. Cependant, cette analogie est-elle recherchée, accidentelle ou due à une quelconque insuffisance dans la mise en forme de ces deux histoires parallèles ?
6 Comments
roman extraordinaire
l
je suit domander la boite a merveille
c’est une belle histoir
Mercii bcp
ça me rappelle mon enfance,le livre de lecture et l’école primaire
vraiment joli