Zones humides :Catastrophe écologique sur la Moulouya
Des milliers de poissons découverts morts et flottants sur le fleuve en raison d’une pollution industrielle.
mardi 26 juillet 2011, par Najib Bachiri
« C’est une catastrophe naturelle ! », « C’est un crime écologique ! » Les condamnations des associations de défense de l’environnement locales se multiplient devant le spectacle de milliers de poissons morts et flottants le long du fleuve de la Moulouya. Ce désastre affecte une zone abritant un lieu sensible classé par la Convention internationale des zones humides site Ramsar.
Selon des témoignages, l’intoxication des poissons par des produits chimiques durerait depuis le 15 juillet. Vu qu’il y a déjà eu un précédent dans cette zone, la société civile, via l’Association Homme et environnement de Berkane, l’Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental, l’Association Chems pour l’éducation, la citoyenneté et l’environnement d’Ahfir, l’Association Mobadara pour le développement durable et de tourisme à Zaïo, ont décidé cette fois-ci de ne pas lâcher prise.
Dès que l’information sur cette catastrophe est parvenue aux associations, une visite d’inspection a été organisée pour s’enquérir de la situation, déterminer l’ampleur des dégâts et surtout découvrir l’origine de ce désastre. Pour ce faire, des militants écologistes ont parcouru une cinquantaine de kilomètres pour remonter jusqu’au lieu de l’écoulement des matières dangereuses. « Nous avons prospecté la zone qui s’étend de l’ancien pont reliant Berkane au village de pêcheurs Cap de l’Eau au pont Hassan II reliant Berkane à la ville de Zaïo, ainsi que l’Oued Zabra, l’affluent du fleuve où ont été déversées des eaux industrielles usées d’une sucrerie. Cette unité industrielle a déjà déversé dans les années 80 des matières dangereuses dans ce fleuve, occasionnant un grand préjudice matériel à la faune et la flore aquatiques », a indiqué Mohamed Benata, président de l’Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental.
Sur place, des agents de la gendarmerie royale et de l’Agence du bassin hydraulique ont été observées en train d’effectuer des prélèvements d’échantillons. Après la détermination des causes de la catastrophe, une rencontre a eu lieu mercredi 20 juillet entre les associations locales et le directeur de la sucrerie. « Lors de notre rencontre avec le directeur, ce dernier a nié toute responsabilité dans cette pollution industrielle. Il a affirmé l’absence de preuve mettant en cause l’usine dans cette catastrophe. Il a également ajouté que la société utilisait dans son procédé de fabrication la chaux et non des matières chimiques », a souligné M. Benata. Au-delà de la mort des milliers de poissons, la catastrophe naturelle a aussi entraîné des dégâts pour les villageois. « Des informations indiquent qu’un paysan a perdu une vache et d’autres ont vu leurs brebis avorter. Des riverains nous ont signalé que le jour de la catastrophe, il leur est devenu difficile de respirer à cause des odeurs fortes », a noté Najib Bachiri, président de l’Association Homme et environnement de Berkane.
Vu la dégradation de la situation, le conseil communal de Cap de l’Eau a tenu une réunion et appelé les autorités à effectuer une expertise pour déterminer les vraies causes de la catastrophe.
Pour sa part, Abdelaziz Mrani, responsable de la composante industrielle du Programme de gestion et de protection de l’environnement (PGPE) à la coopération technique allemande (GIZ), a indiqué que ce « qui vient de se dérouler ces derniers jours était grave et intervenait à un moment où le droit à un environnement sain a été inscrit dans la nouvelle Constitution ». Et d’ajouter : « Cet incident intervient également alors que l’entrée en vigueur d’un arrêté de limitation des rejets liquides spécifiques aux sucreries est prévu en août prochain. Quant au directeur de l’usine mise en cause, il est resté injoignable malgré plusieurs tentatives pour rentrer en contact avec lui.
onvention de Ramsar
La Convention sur les zones humides d’importance internationale, appelée Convention de Ramsar, est un traité intergouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Négocié tout au long des années 1960 par des pays et des organisations non gouvernementales préoccupés par la perte et la dégradation croissantes des zones humides qui servaient d’habitat aux oiseaux d’eau migrateurs, le traité a été adopté dans la ville iranienne de Ramsar, en 1971, et est entré en vigueur en 1975. C’est le seul traité mondial du domaine de l’environnement qui porte sur un écosystème particulier et les pays membres de la Convention couvrent toutes les régions géographiques de la planète.
Repères
1971
Adoption de la Convention des zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, par les délégués de 18 pays réunis dans la ville iranienne de Ramsar.
1974
Une Conférence internationale sur la conservation des zones humides et des oiseaux d’eau, réunie à Heiligenhafen, en Allemagne, adopte les premiers critères à utiliser pour identifier les zones humides d’importance internationale.
1975
La Convention de Ramsar est entrée en vigueur quatre mois après que le 7e pays, la Grèce, eût déposé son instrument d’adhésion. Les six premiers étaient l’Australie, la Finlande, la Norvège, la Suède, l’Afrique du Sud et l’Iran.
Par Rachid Tarik |
LE MATIN
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