La méthode chez Descartes
Dr: jilali.chabih
J’ai étudié Descartes comme j’aurais pu étudier Ibn Sînâ, Ibn Ruchd, Ibn Khaldûn ou El Maqrizi, et bien d’autres, mais j’ai commencé par Descartes cette fois-ci, les autres grands penseurs seront programmés dans d’autres séminaires.
Selon Descartes (Discours de la méthode, p. 60) « il est malaisé de travailler sur les ouvrages d’autrui et de faire des choses fort accomplies ». En effet, puisque le travail est déjà fait. « Pour toutes les opinions que j’avais reçues, disait Descartes, jusque alors en ma créance (c’est-à-dire en ma croyance), je ne pouvais mieux faire que d’entreprendre, une bonne fois, de les en ôter afin d’y en remettre par après ou d’autres meilleurs ou bien les mêmes lorsque je les aurais ajustées au niveau de la raison. Et je crus fermement que, par ce moyen, je réussirais à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements, et que je ne m’appuyasse que sur les principes que je m’étais laissé persuader en ma jeunesse sans avoir jamais examiné s’ils étaient vrais » (Discours, p. 62 et 63). Un tel raisonnement rappelle une comparaison, dont Descartes use ailleurs, avec le panier de pommes qui contient des pommes abîmées et des pommes intactes : il faut jeter celles qui sont abîmées et ne conserver que celles qui sont intactes ; tout comme les opinions où il faut garder les bonnes et déraciner les mauvaises ; de ne reprendre que celles qui, à l’analyse, s’avèrent « indubitablement vraies ».
L’utilité de sa méthode c’est aussi séparer les connaissances accessibles à l’homme et qui sont de l’homme lui-même, de celles qui ne le sont pas, des connaissances révélées, par Dieu ; la méthode selon Descartes c’est l’art et l’aptitude à conduire par ordre ses idées, sa pensée, son raisonnement. On examinera ainsi, en étudiant Descartes, successivement trois aspects : sa biographie, son œuvre, sa méthode.
1)- R. Descartes : Biographie 1596 – 1650
a / Jeune, puis adulte
Né le 31 mars 1596 à La Haye, aujourd’hui, La Haye-Descartes, dans l’Indre -et- Loire, dans une famille noble, René Descartes fait des études classiques (latin-grec), à l’âge de dix ans, au collège de la Flèche chez les jésuites, entre 1604 et 1612, puis des études de droit, à l’Université de Poitiers, pendant deux ans, où il obtient sa licence, tout en s’intéressant déjà aux mathématiques, avant de s’engager, à vingt-et-an ans, dans l’armée hollandaise et au service l’Electeur de Bavière. Militaire, il parcourut l’Europe. En 1629, il se rend en Hollande, où il vit en changeant fréquemment de résidence avant de partir pour la Suède. Durant cette période de 1617 à 1628 où il voyage beaucoup, Descartes observe et médite plus qu’il ne lit. En 1629 il est en Hollande, où il restera vingt ans. Après le Traité du monde qu’il renonce à publier lorsqu’il apprend que l’Inquisition (le Saint-Office, tribunal religieux catholique) vient de condamner Galilée pour avoir enseigné le mouvement de la Terre.
b / Le grand livre du monde
Il a beaucoup voyagé : Hollande, Allemagne, Suisse, Italie, Venise, pour observer le monde et découvrir la vérité. Il décide, dit-il, de « s’instruire dans le grand livre du monde », et conçoit déjà « l’idée d’une méthode universelle pour la recherche de la vérité ». Puis il revient s’installer à Paris (de 1625 à 1629) où il prend part à des conférences scientifiques.
c/ Retraite philosophique en Hollande
Un héritage lui permet de se retirer en Hollande où il peut, durant 20 ans (1629-1649), travailler en pleine liberté. En 1637 il publie le « Discours de la Méthode », préface de trois traités scientifiques (la Dioptrique, la Géométrie et les Météores), mais désormais considéré comme un essai indépendant ; comme Ibn Khaldûn avant lui (1332 – 1406), avait publié sa Muqaddima (prolégomènes), préface de son « Histoire universelle » qui est elle aussi une œuvre indépendante et a le succès qu’on lui connaît, où il affirme sa méthode fondée sur l’examen des faits et qui vise à dégager des lois économiques, sociologiques, financières et fiscales.
En 1641 Descartes expose sa métaphysique dans ses « Méditations sur la philosophie première » qui ébranle l’autorité d’Aristote dont l’œuvre interprétée à partir des théologiens chrétiens et musulmans notamment Ibn Ruchd (dit Averroès 1126 – 1198) dominait la pensée depuis le Moyen Âge. Le succès de sa philosophie lui crée des ennuis avec différentes universités : il est accusé de blasphème et d’athéisme.
d/ Les influences, la religion : Il avait tout déraciné sauf la religion, il croyait en Dieu, à l’existence de Dieu. Dieu existe et c’est Dieu, dit-il, qui l’avait inspiré pour élaborer une méthode universelle. « Ce n’est pas ma pensée qui prétend rendre nécessaire l’existence de Dieu, c’est l’existence de Dieu qui impose à ma pensée sa propre nécessité » (Discours, p. 20). Il fait par ailleurs la distinction entre la vérité révélée (par Dieu) et la vérité posée (par l’homme) ; la théologie c’est la vérité révélée, la philosophie c’est la vérité posée (par l’homme) ; puis dans le même ordre d’idée, l’âme qui est séparable du corps est immortelle.
e/ L’effort : Descartes exhorte l’effort volontaire et prolongé qui selon lui « s’impose pour détruire notre penchant invétéré à croire au témoignage de nos sens et pour nous rendre aussi spontanément méfiants à leur endroit que nous sommes demeurés jusqu’à présent crédules ». C’est pourquoi, aussitôt ses études achevées, il renonça entièrement à chercher la science dans les livres, mais se mit à voyager pour observer le monde, avec l’espoir d’y découvrir enfin la vérité. Ayant remarqué autant de diversité et de contradictions entre les mœurs des hommes qu’il en avait déjà trouvé entre les opinions des philosophes, Descartes résolut enfin de ne plus chercher la vérité qu’en lui-même et dans sa propre pensée (Discours, p. 34).
f/ La Suède
Invité par la reine Christine de Suède qui y régnait alors, Descartes se rend en Suède à la fin de l’année 1649, mais supporte mal le climat et meurt à Stockholm en 1650.
2)- Son œuvre :
René Descartes est philosophe et savant (mathématicien et physicien), français, et son œuvre est double : en latin et en français.
a/ En latin, il publie onze ouvrages qui concernent :
1/ les mathématiques, où il a inventé la géométrie analytique ;
2 / la physique, où il a découvert les principes de l’optique et deviné l’existence de l’éther, qu’il appelle « matière subtile »
3 / la physiologie, où il a cru, à tort, à l’automatisme des animaux. Il disait que les animaux n’ont pas d’âme, que ce sont des automates.
b/ En français, il publie en 1637, « Le Discours de la Méthode », puis en 1649, son dernier ouvrage, « Le Traité des Passions de l’âme. » ; Descartes s’attache à décrire les interactions de l’âme et du corps, montrant que les « passions » qui résulteraient de cette interaction ne doivent pas être rejetées mais, dans la mesure du possible, maîtrisée. Il y en aurait six (amour, admiration, haine, désir, joie, tristesse) et tout homme peut les utiliser en les maîtrisant.
S’agissant du « Discours de la méthode » objet de notre sujet il est composé de six partie ; la première partie est une sorte d’autobiographie intellectuelle, où Descartes nous raconte ce qui l’a poussé à élaborer une méthode destinée à faire progresser la science par un meilleur usage de la raison, qu’il estime être également présente en tout un chacun (« le bon sens est la chose du monde la mieux partagée »). La deuxième partie décrit les conditions qui ont vu naître la méthode qui est détaillée en quatre règles, que Descartes commente ensuite. La troisième partie est relative à une morale provisoire pour régler sa vie. Comme il y avait quatre règles dans la méthode, il y a quatre maximes dans cette morale : principe de conformisme : « Obéir toujours aux lois et aux coutumes de mon pays » ; principe de résolution selon lequel « ma seconde maxime disait Descartes, était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions » ; principe stoïcien, qui consiste à « tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde » ; principe intellectualiste, en vertu duquel je dois, disait Descartes, « employer toute ma vie à cultiver ma raison, et m’avancer autant que je pourrais en la connaissance de la vérité, suivant la méthode que je m’étais prescrite ».
On peut remarquer que ces quatre maximes sont en quelque sorte une application pratique des quatre règles de la méthode : 1) évidence de la tradition, 2) plus grande maîtrise possible des actions individuelles, 3) conscience de l’intégration des actions individuelles dans un ordre complexe qui leur préexiste, 4) passage en revue de tous les types d’existence pour confirmer que le mode de vie de l’intellectuel est le plus souhaitable.
La quatrième partie : Ici, l’auteur trouve la première vérité claire et distincte, autrement dit : certaine et indubitable, qui lui permettra d’en déduire d’autres, et de réduire au maximum l’état d’incertitude où il se trouve. Cette première vérité est célèbre : « je pense, donc je suis ». On peut utilement comparer ce chapitre à la seconde méditation : des méditions métaphysiques. Où il construit sa métaphysique en partant d’un doute méthodique, l’amenant à faire table rase de toute connaissance non fondée ; seule subsiste la certitude de la pensée qui doute. La cinquième partie : chapitre touchant plus spécifiquement le fonctionnement mécanique des choses corporelles, la circulation sanguine, la création continue du monde, et l’union de l’âme et du corps. Descartes y résume ce que contient son Traité du Monde, interdit de publication. La sixième partie : chapitre de conclusion, où l’auteur revient – trois ans après la publication de sa Dioptrique – sur la vocation et la portée de ce Discours, et de ses recherches en général.
3)- Sa méthode :
« Méthode » vient du grec « méthodos » (dont la racine est le mot « odos » : chemin, avec le préfixe « méta » : vers) qui signifie au sens propre : poursuite, recherche, et au figuré : étude méthodique d’une question scientifique ; l’idée de l’unité du corps des sciences (Discours, p. 59) est donc inséparable, chronologiquement et logiquement, de l’extension de la méthode mathématique à la totalité du domaine de la connaissance (Discours, p. 71).
Descartes donne la définition suivante de la méthode : « on appelle méthode, l’ordre que la pensée doit suivre pour parvenir à la sagesse » (Discours, p. 11). Je pense effectivement que la sagesse est mieux en l’occurrence que la vérité, parce que contrairement à la sagesse, la vérité peut parfois être injuste voire inexacte ou carrément erronée. Descartes a choisi le titre de la méthode, Discours de la méthode, afin de monter qu’il n’a pas dessein de l’enseigner, mais seulement d’en parler (Discours, p. 43) ; la méthode c’est l’art de guider la raison d’évidences en évidences, la méthode diminue donc l’inégalité des esprits sans aller toutefois jusqu’à la supprimer. Cette méthode, observe Descartes, « Par laquelle j’ai moyen d’augmenter par degrés ma connaissance et de l’élever peu à peu au plus haut point, auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie ne lui pourront permettre d’atteindre. Le projet d’une science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de perfection… Toutefois, il se peut faire, que je me trompe et ce n’est peut-être qu’un peu de cuivre et de verre que je prends pour l’or et des diamants » (Discours, p. 47). Puis, Descartes poursuit : « Ainsi mon dessein n’est pas d’enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison mais seulement de démontrer comment je conduis la mienne » (Discours, p. 48).
Descartes fait la distinction entre le vrai et le faux, alors que la scolastique (philosophie scolastique médiévale) faisait la distinction entre le vrai, le faux et le probable, que je trouve personnellement plus proche de la réalité. C’est cette vision cartésienne manichéenne qui est probablement à l’origine de l’approche juridiste dichotomique française d’abord et marocaine plus tard ; en revanche, la vision tripartite scolastique qui intègre le probable ouvre de ce fait la troisième voie à tout ce qui est précisément probable c’est-à-dire statistique, probabilité, stochastique et autre aléatoire. Descartes fait un bilan réaliste, quasiment négatif, de ses études lorsqu’il conclut : « C’est pourquoi, sitôt que l’âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs (ses maîtres, ses professeurs), je quittai entièrement l’étude des lettres. Et me résolvant de ne chercher plus d’autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j’employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens, de diverses humeurs et conditions (c’est-à-dire, de tournures d’esprit et de conditions sociales différentes), à recueillir diverses expériences, à m’éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait » (Discours p. 55 et 56). La première règle de la morale provisoire était d’obéir aux lois et aux coutumes de son pays, mais d’un autre côté Descartes affirmait : « J’apprenais à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avait été persuadé que par l’exemple et par la coutume (Discours p. 57). Descartes n’avait pas cet esprit purement spéculatif ou théoricien, son esprit était plutôt expérimental, pragmatique, il s’apparentait plutôt à celui d’un artisan ou d’un praticien qui échoue lorsque ses raisonnements sont faux et constate expérimentalement ses erreurs.
Descartes conçoit l’idée de l’unité du corps des sciences : métaphysique, physique, mathématiques, philosophie, droit, morale et élabore sa méthode en conséquence, dont le titre entier est : « Le Discours de la Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences », écrit en français, car Descartes veut qu’il soit compris par tous, alors que le latin n’est compris que par les érudits ; il comprend six parties :
1 / Considérations sur les sciences
Pour Descartes « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée… la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux…est naturellement égale entre les hommes ; et ainsi…la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. » On peut discuter cette vision, mais on ne peut que se rallier à sa conclusion : « Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ».
2 / Principales règles de la méthode
Descartes décide de faire table rase de ses connaissances antérieures (n’oublions pas l’influence prépondérante jusqu’alors d’Aristote) et de reconstituer l’édifice de son savoir à la seule lumière de sa raison. Il éprouve le besoin de décrire ses méthodes de recherche : ainsi naît la « méthodologie » qui est une réflexion sur nos moyens de connaissance et aboutit à une mise en ordre de notre savoir : c’est l’art d’ordonner nos connaissances. Ainsi, constate Descartes : « Au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j’aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer ». Le 1er c’est le doute, le doute scientifique, « Je ne crois que ce qui est raisonnablement vrai » ; le doute méthodique est différent du doute systématique ou du scepticisme ; le 2ème diviser, décomposer toute difficulté pour mieux la comprendre et la résoudre ; le 3ème conduire par ordre ses pensées en commençant par le plus simple jusqu’au plus composé, plus compliqué ; le 4ème est de faire le dénombrement, l’inventaire en quelque sorte de ses pensées, de son raisonnement, de la recherche et de s’assurer de ne rien omettre, rien oublier. Issue des mathématiques, la Méthode de Descartes permet d’atteindre la vérité en suivant quatre principes, quatre règles :
A/ La règle de l’évidence c’est de ne croire que ce qui est évident ; ne rien recevoir sans examen et n’admettre comme vrai que ce qui résiste au doute. C’est pourquoi il convient d’éviter les deux périls qui menacent l’esprit dans la recherche de la vérité : la prévention et la précipitation. Être prévenu, c’est avoir des préjugés, opiner au lieu de chercher à distinguer le vrai du faux. Il faut prendre le temps d’examiner, et donc d’éviter la précipitation qui consiste à aller trop vite et à être peu scrupuleux sur la validité rationnelle. L’évidence qui, seule, peut fonder une certitude, appartient à une idée s’imposant à l’esprit, ce qui lui confère sa clarté et sa distinction : la clarté est le contraire de l’obscurité ; l’idée claire est l’idée appartenant à une pensée attentive. La distinction est le contraire de la confusion : l’idée doit être suffisamment précise pour n’être confondue avec aucune autre. Et l’on rejoint ici Boileau (1636 – 1711) qui disait dans « Art poétique » (1674) : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».
B / La règle de l’analyse est la nécessité de diviser les questions par l’analyse. Pour résoudre un problème, il convient de réduire la difficulté en décomposant mentalement un tout en ses éléments constituants (s’il s’agit d’une chose matérielle) ou, s’il s’agit d’une idée complexe, de la décomposer en idées plus simples.
C / La règle de la synthèse est la reconstruction de la vérité par la synthèse. Pour construire un savoir selon un ordre rigoureux, il faut partir des éléments simples découverts par l’analyse, pour en déduire le complexe. Pour les problèmes scientifiques l’ordre est imposé par la nature, mais certains problèmes concernent des objets non naturels (artificiels), il faut alors que l’esprit invente un ordre à suivre, au lieu de se fier au hasard, pour trouver la solution.
D/ La règle du dénombrement consiste dans le fait ne rien oublier en récapitulant soigneusement. Elle est là pour s’assurer qu’on n’a rien oublié dans le raisonnement ; mais le dénombrement n’est valable que s’il ne laisse échapper aucun élément de déduction et respecte la règle de synthèse.
Rien n’est sans cause, affirme Descartes, preuve de l’existence de l’étendue, du monde extérieur, et pour connaitre le monde extérieur il faut partir de l’analyse de la métaphysique, pour arriver à la physique puis aux sciences sociales (philosophie, droit, morale) (Discours, p. 23). Ainsi observe Descartes « La physique entière des corps célestes, des corps terrestres et des corps vivants, n’est en fin de compte qu’une mécanique, dont les lois fondamentales se déduisent d’une métaphysique elle-même mathématiquement évidente. La méthode reste donc immuable d’un terme à l’autre de la connaissance humaine ; toutefois, lorsqu’il s’agit d’expliquer le détail des phénomènes, une méthode auxiliaire s’impose : l’expérience, il n’est en effet rien que l’on ne puisse déduire a priori de principes aussi généraux que l’étendue et le mouvement » (Discours, p. 26 et 27).
3 / Règles de la morale
Morale issue de la méthode : il y préconise un conformisme étonnant pour un homme faisant de la raison la seule autorité en matière de jugement, fait preuve de prudence en ce qui concerne la politique et prône la modération (« tout excès a coutume d’être mauvais ») qui n’exclut pas la résolution : l’exercice de la volonté ou du libre-arbitre est tributaire de lumières de l’entendement.
Les règles de la morale provisoire c’est d’obéir aux lois et aux coutumes de son pays ; être plus ferme, plus résolu en ses actions ; tâcher de se vaincre plutôt que de convaincre et de changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde ; se mettre au travail et se perfectionner dans la pratique de la méthode. Et puis, si le droit repose sur la morale, la médecine repose sur la physique et la biologie (Discours, p. 54).
La connaissance assurée de la vraie métaphysique et de la vraie physique permet de déduire les principes et le contenu d’une morale mathématiquement certaine : conduire ses pensées et régler ses actions ainsi qu’il convient pour être heureux, voilà quel est l’objet propre de la moralité. La morale c’est savoir vivre en communauté, c’est le sens de la communauté, c’est l’intérêt général (je déduis de ce qui est dit, Discours, p. 30). Descartes conclut que la clarté et la distinction des idées sont le critère auquel on reconnait la vérité (Discours, p. 37) ; Voir dans le même ordre d’idée Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement…».
4 / Fondements de la métaphysique
La métaphysique, c’est-à-dire la connaissance des premières causes, des premiers principes : Descartes recherche une vérité certaine et rejette tout ce qui lui semble avoir un caractère douteux. Il conclut que pour penser, il faut être (« je pense donc je suis »), pour douter, il faut être : c’est une évidence première à titre de principe métaphysique. Il vise à prouver l’existence de Dieu par la seule analyse de sa définition (« Dieu est parfait donc il existe ») preuve ontologique de l’existence de Dieu, par opposition à l’axiologie qui est la science ou la théorie des valeurs morales.
5 / Ordre des questions de physique
Distinction entre l’homme et la bête : Descartes établit qu’il existe plus de différence d’homme à bête que d’homme à homme : la première est une différence de nature tandis que la seconde est une différence de degré.
6 / Considérations diverses
En particulier quelles raisons l’ont fait écrire. En plus de la volonté de savoir pour savoir (comme tout savant), il met en avant l’utilité de la science grâce à laquelle nous pouvons « Nous rendre maîtres et possesseurs de la Nature » ; son but est « Le bien général de tous les hommes », et connaître les lois régissant les phénomènes naturels permet d’intervenir sur eux afin d’améliorer les conditions matérielles de l’existence humaine.
Conclusion : importance et influence de Descartes
En littérature
– Il a créé le style philosophique français ; il a posé les bases de la philosophie moderne en faisant dépendre la vérité non plus de la foi et de l’autorité, mais de la raison qui est, croit-il à tort, « la chose la mieux partagée ». Donc, Descartes considère la raison comme le fondement de son raisonnement.
– Il a écrit un livre clair et en français (alors tout écrit savant était en latin), compris par tous ceux qui parlent français. Il a établi l’identité de l’être et de la pensée : « cogito ergo sum » c’est-à-dire « je pense donc je suis »
– Précurseur du siècle des lumières, il a fondé le rationalisme qui permettra au 18ème siècle d’attaquer la religion au nom de la raison, et permettra aussi plus tard la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905.
En sciences
Pour Descartes les animaux n’ont pas d’âme et ne sont que des automates.
– Il a codifié la méthode des sciences positives, montré la nécessité de l’ordre.
– Il a démontré l’unité de la raison et la profonde solidarité des lois de la nature que le savant ordonne grâce à la raison.
– Il a souligné l’esprit pratique de la science qui doit faire œuvre féconde et utile à l’homme.
Le syllogisme cartésien : le syllogisme est un raisonnement déductif rigoureux, ainsi on donne généralement comme exemple : « Tous les hommes sont mortels, or je suis un homme, donc je suis mortel » ; et selon le syllogisme cartésien : « Si je doute, je pense, et si je pense, j’existe, je pense donc je suis ». C’est le célèbre principe latin : « Cogito ergo sum », c’est-à-dire « Je pense, donc je suis ».
-L’esprit cartésien
Par esprit cartésien on entend ceci : je ne crois pas ce que je vois, les sens sont trompeurs, je ne crois que ce qui est raisonnablement vrai, c’es-à-dire je me dois d’éliminer dans mon raisonnement tout ce qui est prévention ou préjugés, précipitation ou rumeur, jugement de valeur et toutes les données ou opinions non fondées.
Bibliographie :
R. Descartes : Discours de la méthode, introduction et notes par E. Gilson, Librairie philosophique J. Vrin, Paris 1964
P.H. Bornecque : La France et sa littérature (éd. de Lyon, 1953)
A. Lagarde, L. Michard : Le XVIIème siècle (éd. Bordas, 1970)
R. Caratini : Bordas Encyclopédie (éd. Bordas, 1973)
S. Manon : Cours de philosophie
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