La chute d’un ministre
Zaid Tayeb
Le scandale du stade Moulay Abdellah de Rabat, montré en direct sur de nombreuses chaînes de télévisions internationales a porté un coup dur à l’honneur de la nation et à la dignité des citoyens qui s’en trouvent bafoués. Les Marocains de toutes conditions ont vu, le cœur plein de rage et d’indignation, comment les commentateurs des télévisions internationales ont rapporté aux téléspectateurs de leurs pays le ridicule de ces ouvriers utilisant un lambeau d’une vieille éponge comme buvard et d’un vieux seau de peinture. La colère et l’indignation des citoyens n’ont pas été, je crois, engendrées par l’inondation du terrain dont le gazon n’a pas absorbé en quantité suffisante les eaux de pluie, mais de l’écart entre le coût de la restauration du stade d’un côté et les moyens primitifs mis en œuvre pour drainer l’eau du terrain et la mentalité des responsables qui ont eu l’exécrable idée de les utiliser, de l’autre.
Le ministre de la Jeunesse et des Sports tenu pour responsable du scandale, qui, en pareilles circonstances et sous d’autres cieux, plus démocratiques, aurait démissionné de son propre gré ou sous l’impulsion de son parti, a plaidé pour son poste avec arrogance, dédain et défiance. Le parti dont il est issu, a gardé le silence sur une affaire qui a secoué le pays et maculé son image à l’échelle internationale. Le ministre en question n’a pas seulement nui au ministère de la Jeunesse et des Sports, il a également porté un coup rude à son parti et au gouvernement avec lequel ce parti forme une fragile coalition. Or ni le ministre incriminé dans ce scandale, ni son parti, ni le gouvernement n’ont réagi pour décider de ce qu’il faut faire afin de délimiter les responsabilités et absorber la colère des citoyens qui ragent et pestent contre le sinistre spectacle du lambeau d’éponge et du seau de peinture utilisés pour drainer l’eau du stade. Le ministre de la Jeunesse et des Sports a été encore plus arrogant en traitant ses opposants de ‘’cinquième colonne’’, de saboteurs à la solde des ennemis de la nation. Il les a accusés d’avoir utilisé des vidéos qui appartiennent à une époque antérieure aux faits : il n’a aucunement donné l’impression de s’être inquiété à la suite de ce scandale qui a secoué le pays. Les citoyens ont senti à raison que le ministre s’adossait confortablement au mur de son parti qui lui offre soutien et protection. En effet, le premier ministre ne pouvait pas destituer le ministre de crainte que son parti se retire de la coalition, ce qui ferait tomber le gouvernement. En conséquence, celui-ci ne trouverait aucun autre parti avec qui former une troisième coalition.
La faiblesse du gouvernement lui vient de sa crainte de tomber, de mal tomber pour ne plus se relever. Si le gouvernement tombe cela fera le bonheur du parti de droite qui l’a quitté après avoir constitué avec lui une coalition de courte durée et du parti de gauche dont les membres s’entredéchirent dans une fièvre mesquine où tous les coups sont bons pour rester en place ou briguer un autre poste qui lui confère autorité et notoriété. Il n’y a donc qu’une seule alternative pour sauver le gouvernement : c’est l’intervention directe du roi qui ne s’est pas fait attendre. Il a demandé le gel des fonctions du ministre de la Jeunesse et des Sports en attendant les résultats de l’enquête menée par les ministères concernés afin de déterminer les responsabilités.
Chacun retient son souffle, le ministre et son parti. A moins que celui-ci ne prenne ses distances vis-à-vis du second. Quant au gouvernement, il doit s’estimer heureux d’une telle aubaine tombée du ciel ou venu d’un autre pays de quelqu’un, qui, même absent, il est auprès de son peuple.
En conclusion, les responsables à qui sont confiées les affaires du pays ont du mal à prendre des décisions quand ils se retrouvent confrontés à des situations qui demandent des solutions immédiates avant que cela ne prenne des proportions de catastrophe. Il avait fallu qu’à l’autre bout du monde, une personne qui veille sur la sécurité et le bien être de son pays et de son peuple, intervienne pour mettre fin à un scandale resté en suspens en mettant à l’index le premier responsable. Du lieu si lointain où il était, il veillait au grain sur les affaires de son pays et de son peuple et prenait les décisions que devaient prendre ceux qui sont aux commandes sur place, et qu’ils n’ont pas prises.
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