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Monsieur Laroui a réagi mais, d’une façon inconsciente !

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   Deux poids deux mesures, c’est ainsi que la politique menée dans le champ linguistique au Maroc  est caractérisée  depuis l’indépendance. Une hiérarchie linguistique en  découle et  s’est mise en place. Tamazight, langue des autochtones, se trouve longuement ignorée,  souillée et dévalorisée la plupart des temps, arrive dans le dernier rang. Elle est précédée par Darija,  langue de communication quotidienne de la majorité des  marocains qui ne parlent pas Tamazight. Pour indication, cette langue est forgée par le mariage de Tamazight qui constitue sa trame et de l’arabe qui forme le fil. Ainsi dans Darija les marocains utilisent la structure de la phrase amazighe et les mots généralement  arabes ou arabisés. Vient dans le premier rang, la langue arabe classique imposée et soutenue, favorisée et dotée de moyens phénoménaux. Rappelons-nous, pour simple exemple, de  la politique de l’arabisation régentée avec détermination et fermeté ! Fort heureusement, avec l’évolution de la société marocaine et l’émergence d’une conscience citoyenne et identitaire, cette politique est amenée à fléchir et à se  mettre à la place où elle devrait être,  même si elle le fait avec une douceur que nous pouvons qualifier de lenteur. Cette mise en place a commencé d’abord par  l’enseignement de la langue amazighe et puis par sa constitutionnalisation en juillet 2011. Aujourd’hui  nous assistons à une suite de mise sur les rails de cette politique avec la discussion de la langue d’enseignement dans les classes préscolaires et en début du primaire. Une rencontre télévisée autour du sujet a réuni monsieur Noureddine Ayouch,  le publicitaire et l’acteur associatif avec l’historien  monsieur Abdellah  Laroui. Chacun d’entre eux a essayé de multiplier ses arguments  et ses raisons et d’aller plus loin dans ses raisonnements pour apporter de l’eau à son moulin et conclure en faveur de sa thèse.

Dans ce qui suit, je vais essayer de commenter trois points de ce que monsieur Abdellah  Laroui a  avancé.
A.    « L’erreur est de penser qu’il y a une continuité naturelle entre l’oral et l’écrit. Alors que la réalité est exactement  l’inverse. » dit monsieur Abdellah Laroui.
La langue maternelle est le sous-bassement sur lequel viennent se poser toutes les langues ultérieures. Le débat  sur le rôle de la langue maternelle dans l’apprentissage en général et à l’école en particulier  est achevé et réglé! La première langue joue un rôle primordial dans la structure de la pensée et de la construction de l’identité. Les linguistes et les pédagogues affirment d’une façon quasi-unanime que la première langue  exerce une grande influence sur notre façon d’être et sur notre vision du monde. Comment monsieur Laroui pourrait-il faire cette dissociation ? Les enfants vont à l’école pour apprendre à lire, à écrire et à compter, certes, mais peut-on parler d’une lecture quand la compréhension fait défaut ? Ne s’agit-il pas d’un déchiffrage ? Comment un élève qui ne comprend  ni les consignes ni les énoncés pourrait-il se concentrer et progresser  dans ses apprentissages?  Le parcoeurisme a montré ses limites très tôt !  C’est à cause de ces méthodes archaïques que  se construisent les fausses représentations dans les premiers apprentissages à l’école, c’est à cause d’elles que  l’échec scolaire  a atteint les niveaux où il se trouve dans notre système scolaire.

B.     « La langue maternelle est une chose, tandis que la langue d’enseignement est écrite, prononcée ultérieurement  et n’a aucun lien avec la langue orale de départ. » affirme monsieur Laroui.
Que voulait-il dire au juste ? Et à quoi fait-il allusion ?
Dans ce point, monsieur Abdellah Laroui a justifié ses propos par le dialogue des sourds !!! Mais les sourds sont privés de l’audition. Monsieur Laroui, n’a pas tenu compte de l’interaction entre  nos différentes voies sensorielles, en l’occurrence visuelles et auditives. Pour garder en mémoire une lettre (une syllabe, un mot ou une expression) et pouvoir la reconnaitre ultérieurement autrement dit l’apprendre,  laquelle des deux  tâches est plus difficile que l’autre; joindre un son à ce  graphème ou essayer de garder uniquement  son image loin de toute association ? Sur le plan psychique, lire un conte ou un texte que je comprends bien n’est-il pas un vrai plaisir ? Cette lecture n’est –elle pas un moyen efficace pour avoir confiance en soi ? N’est-elle pas une situation sans semblable de motivation pour l’apprenti afin de  multiplier ses efforts et réaliser plus d’apprentissage ?  Dans l’apprentissage de l’écrit,  l’oral est une condition se ne quoi non. L’apprenti fait des vas et viens entre la phonie et la graphie. La lecture joue ce rôle et fait le lien entre l’oral et l’écrit. Tout en sachant qu’il est nécessaire de faire la distinction entre la lecture et le déchiffrage.

C.    « L’adoption de Darija nous séparera de notre haute culture et de notre entourage culturel  général. » Ajoute monsieur Laroui.
Etre véritablement indépendant et maître de soi, veut dire l’être en même temps sur les trois plans suivants : politique, économique et linguistique. Il arrive des fois de croire, quel que soit notre niveau intellectuel et culturel que nous sommes indépendants, alors qu’inconsciemment nous sommes subordonnés voire même porte-parole bénévole des uns ou des autres. Je me pose la question à quelle haute culture notre grand historien fait-il allusion ? Et de quel entourage culturel général parle-t-il ?  Est-ce que de l’entourage africain puisque le Maroc est un pays africain, méditerranéen, du fait que notre pays fait partie du bassin méditerranéen, ou  alors de l’entourage arabo-asiatique ? Pour s’ouvrir sur le monde, il faut emprunter un chemin qui y conduit directement. Créer les conditions d’ouverture de la société à travers les réseaux qui le permettent, sans oublier la consolidation et le renforcement de la cohésion sociale par la valorisation de tout ce qui émane de la société marocaine d’hier ou  d’aujourd’hui, à fin que le citoyen s’auto-estime et ait une fierté d’appartenir à ce beau pays. C’est pourquoi notre lieu de naissance, et donc notre langue maternelle et notre culture, est déterminant dans la construction de notre identité.  Les marocains refusent à jamais d’être considérés comme des arabes de second ordre !
Pour aboutir aux résultats souhaités, ce dialogue sur les langues et l’enseignement doit être serein, public et surtout sincère et sans opérations démagogiques ou populistes basses et indignes. Nous aspirons tous à un lendemain meilleur pour la nation pour le peuple et pour le monde entier. Où nos enfants s’épanouissent, apprennent et évoluent sans difficultés.

Blois le 29 novembre 2013.
El Ghazi Lakbir

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