Hymne à mon école…Chapeau! Mes instituteurs.
Hymne à mon école…Chapeau! Mes instituteurs.
A chaque retour sur les lieux, j’éprouve ce même sentiment de satisfaction et de reconnaissance interminables. Oui, certainement, une reconnaissance et une estime inestimable d’abord pour ma première ECOLE, ensuite pour mes INSTITUTEURS/EDUCATEURS, et, enfin, pour un environnement scolaire à la fois serein et fort accueillant.
Une salle de classe microsatellite – pour reprendre le jargon des constructions en milieu scolaire- enchanteresse qui ralliait, en plus d’un habitat pour les instituteurs, un espace sacré et joyeux dédié à l’apprentissage, à l’épanouissement personnel et la conquête du SAVOIR qui nous venait de loin, petits enfants campagnards que nous étions, à travers les livres (deux livres seulement pour les quatre premières années du cycle primaires : l’incomparable œuvre de feu Ahmed Boukmagh « Iqrae » et « bien lire et comprendre » de H. Tranchart) et surtout à travers les bouches magiques d’infatigables instituteurs.
EL MENZEL, s’appelait ma première école ; de par son édifice qui ne ressemblait nullement aux habitations modestes et souvent délabrées des lieux, elle était un espace féérique et attirant qui rassemblait majestueusement tous les enfants des trois ou quatre Douars environnants. Adossée paisiblement au pied des montagnes des Beni Znassen, elle nous accueillait, telle une mère, matin et après-midi et nous procurait de succulents délices : mots de tous genres, chiffres illimités…bref, un savoir qui nous avait délivrés des griffes de l’ignorance et de l’oubli.
Mon premier accès à cette enceinte féérique en septembre 1976 était, en réalité, une deuxième naissance qui s’effectuait, et mon parrain n’était autre que Si Lahcen, un bon vivant quinquagénaire refoulé sauvagement d’Algérie. A vrai dire, quoique j’avais passé une année auparavant à apprendre par cœur certaines sourates du Saint Coran dans My Driss, une mosquée avoisinante, ce n’était que sous l’attention de Si Lahcen que j’ai pu découvrir avidement les premières lettres, l’une après l’autre, les premiers chiffres, les premières aditions…de même que j’ai pu proférer mes premiers bégaiements doucement mais sûrement.
Ni l’âge, ni le climat et ses aléas, ni l’état accidentel des pistes rurales, caillouteuses et souvent boueuses ne décourageaient Si Lahcen dans l’accomplissement de son devoir de MAITRE ; d’ailleurs, il était maître de lui-même, de nous, ses élèves, car, une craie, pardon une lampe à la main, il nous frayait chaque jour, à chaque instant, un chemin lumineux qu’il balisait de sagesse et de salut pour nous booster vers des horizons meilleurs. L’écho de sa voix retentit encore dans mes oreilles et je n’ai jamais cessé d’écouter ses belles mélodies : « ghanami ghanami ma ajmalaha…..fi mawqifiha tahta achajari », hymne récité à la fin de chaque séance vers dix-sept heures pendant qu’il fermait les persiennes de l’école.
En voulant s’assurer de notre sort, Si Lahcen veilla à nous mettre entre de bonnes mains l’année suivante; il tâcha de nous livrer à Si Taybi, un jeune et aimable MAITRE avec qui nous avions pu appréhender d’autres facettes du savoir tout en en développant celles déjà commencées avec Si Lahcen. Et c’était, surtout, la découverte de « AL Mohadatha » (l’expression orale), « AL Imlae » (La dictée) et la lecture de petits textes.
Si Taybi était, lui aussi, toujours là, présent car en s’installant à l’école, pût facilement s’intégrer àson environnement immédiat en nouant des relations intimes avec les jeunes du Douar. Des relations qui ont, aussi, intimement lié Si Farouq Rizqeddine aux « indigènes », un autre messie qui s’occupa de nous pendant les deux années suivantes.
Ce jeune Oujdi plein d’énergie et empreint de rigueur qui, quoique au tout début de sa carrière, faisait son travail avec zèle, et nous a même apprit à jouer au football car il veillait à ce que nous organisions des matchs où il intervenait tantôt comme joueur, tantôt comme arbitre, et souvent comme inlassable entraineur.
Avec lui, c’était surtout la table de multiplication et la langue de Molière que j’ai merveilleusement découvert. D’autres cheminements se dessinèrent à l’horizon sous de nouveaux cieux avec l’avènement de ce généreux INSTITUTEUR. A force de « chanter » les « Mina jolie Mina, Miki joli Miki ; Miro, Mina et Miki :3 amis» un amour exceptionnel, intense et inassouvi va naître pour cette langue…, amour qu’un autre ténor de l’éducation, Si Rabeh Jabri, n’allait que faire accentuer en cinquième année du primaire. Si j’aime tant cette langue qui me permet de m’exprimer dans biens de situations aujourd’hui, c’est grâce à vous MAITRE, j’ai entendu dire que vous avez rendu l’âme à Dieu Tout Puissant, qu’il aye ton âme en sa sainte miséricorde.
Ils étaient trois bons MAITRES d’un beau château qui ne cessaient de parcourir à pied dix kilomètres (aller/retour) de piste CAILLOTEUSE (qui l’est encore malheureusement après plus de 56 ans d’indépendance de la Nation) pour venir prêter main forte à toute une génération de « morveux » menacés par l’enlisement dans une ignorance perpétuelle et l’oubli.
Ils étaient ponctuels…pas de place aux absences…ni grèves…ni certificats médicaux (comme c’est le cas de nos jours) ni intempéries…Ils gagnaient peu et travaillaient beaucoup, le meilleur d’entre eux avait une deux-roues sans garde-boues ni porte-bagages et peut-être même sans freins…et pourtant ils étaient toujours présents…à l’heure… Oh bon Dieu pourquoi les gens se sont tant changés ? Notre ECOLE souffre tant aujourd’hui : Absentéisme, désintérêt, hypocrisie, anarchie…
Si par quelque force divine les temps font marche arrière, je n’hésiterai pas un seul instant à inscrire mes deux enfants là où leur « papa » a fait sa deuxième naissance…loin des conneries des chaines publiques, loin d’internet à travers laquelle on fait de petites recherches qu’on ne lit jamais, loin des grèves, …loin du favoritisme et de l’hypocrisie, loin des cours de soutiens, loin des écoles privées…Bref loin de cette FAILLITE TOTALE de notre système d’éducation.
11 Comments
Fine rakoume a »Na9abates » ??? Si Kadouri, quels témoignages plus éloquents ?????? A faire visible sur notre grand Oujda City…hein, mon frère ???!!!
Monsieur BEABDALLAH , je vous suis reconnaissant de m’avoir fait revivre les moments – combien inoubliables – de ma scolarisation sémilaires à celles que vous avez cités dans votre article bien réussi . En fait votre article a été pour moi tel » Une machine à remonter le temps » puisqu’il m’a ramené 50 ans en arrière , ( En début des années 60 exactement )quands je jouissais des cours de mes chéres MAITRES à l’école IBN TOUMARTE à SIDI BOUBEKER , oui le temps – tant regété – ou l’école etait vraiment le lieu de l’appretissage réel , et de l’éducation propre .Chapeau à vous aussi monsieur MOHAMMED .
Non, non et non M. Alem,inutile de remuer la braise, les syndicats n’ont rien à voir là-dessus ; c’est un simple point de vue, une nostalgie à une époque qui, j’estime, était meilleure. Je ne pointe personne du doigt, d’autant plus que les militants syndicalistes sont les premiers à faire les frais de telles situations (grèves…) qui, malheureusement, leur sont souvent imposées. BENALLAH Mohamed
Quant à moi, de cette école des années 60-70, je traîne les pires souvenirs de ma vie. Plusieurs instituteurs,malheureusement,étaient carrément des tortionnaires qui faisaient subir des atrocités à des petits bambins qui ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Plusieurs d’entre eux ont préféré regagner les pâtuages garder les chèvres,d’autres coicés entre le fameux slogan: »à toi d’égorger et à moi de dépouiller », gardent encore les séquelles des années de plomb de l’école.
Tout simplement c’est le résultat de vouloir suivre l’occident à tout prix. L’éducation est devenue un business et de plus en plus on essaie de former le future « consommateur « .
Je me rappelle, quand j’ai intégrée mon école primaire en 1977, c’était encore l’époque de séparation d’école de garçons et écoles de filles puis on passe à la mixité : mais pour quelle raison ?
Une société qui n’as plus d’identité et qui essaie d’imiter les autres nations qui sont certes en apparences développées mais qui vivent un profond déclin moral et social.Je vous laisse méditer l’histoire du corbeau et du pigeon.
Ah si c’était à refaire !!!!!!!!!
Le bon vieux temps avait ses raisons: des manuels scolaires de valeur, de la lettre à la phrase puis au texte ! à présent , c’est à l’envers ! ce n’est que le lucratif qui prime ! Du copier coller. Conséquence: rien ne colle! C’est dommage !
effectivement un bel article qui renvoi a une epoque qui a permis a toute une generation de s instruire durement et surement.
par contre tous es maitres d epoque n avaient pas de diplomes superieurs le plus diplome avait a peine un BAC et encore….de plus comme le souligne un lecteur ils ont tous preconise la methode du baton ils etaient de vrais tortionnaires surpayes pour le nombre d annees d etudes qu ils avaient accomplies et qui se trouvent avec une tres bonne retraite aujourd hui.
Cependant les maitres d ecoles du moment sont tous archi-blindes de diplomes universitaires qui exercent le metier dans un denigrement total et qui plus est sous payes vu leurs qualications ..c est quoi la vraie question?
Bonjour Ssi BenAllah,quelle réussite!Bravo Cher collègue.Merci de nous avoir offert cette formidable et profonde méditation dialogique,pour laquelle vous avez mobilisé tout l’art de la simplicité, celui de la grandeur, et bien évidemment d’une invitation à un merveilleux retour aux sources et aux ruisseaux splendides de l’école de générations reconnaissantes.Je vous suis tout simplement reconnaissant.
Bien cordialement:Mohammmed Essahlaoui
merci monsieur pour cet article pertinent qui vient à temps et c’est avec passion que je le lis et le relis . L’image du manuel reste gravé à jamais dans notre esprit… et pour rien vous cacher, je suis plus âgé que vous- j’ai eu mon certificat d’étude en 1968- j’ai acheté toute la collection, il y a quelques années: IQRAA (5 LIVRES) et BIEN LIRE ET COMPRENDRE ( 3 livres). c’est vrai, c’était le temps où enseigner rimait avec art: des lettres bien dessinées, des salles spacieuses, et propres et bien décorées…..l’odeur de la craie et de l’encre ; la progression en parfaite harmonie avec les saisons …..une progression très mesurée et bien adaptée à la mentalité du moment: dans l’ancienne médina, après avoir assisté à une bonne représentation (hlaqi), surtout celles bien orchestrées par ABDELLAH EL MAGANA, on passait à la bibliothèque du pauvre (chez el marrkchi) acheter ce qu’on appelait « les artistes » (illustrés: yuma zagor, blek le rok, Kiwi et j’en passe) et ce malgré notre jeune âge (12 -14 ans): on était bien outillé, grâce à nos maîtres. aujourd’hui, hélas, les bibliothèques des écoles , collèges sont bien remplies, mais les lit-on? que nos anciens « MAÏTRES » soient morts ou bien vivants, qu’ils trouvent ici notre reconnaissance et nos remerciements sincères. votre article, cher ami, va dans ce sens. merci mille fois.
Salam Alikom,
Je tiens à remercier vivement celles et ceux qui m’ont lu et ont eu la gentillesse de me suivre dans cette escapade dans le temps, et plus particulièrement celles et ceux qui se sont intervenus par leurs précieux commentaires : vos réactions m’encouragent énormément.
Si Essahlaoui, Si Bijmen…, vous faites, certainement, partie de cette génération d’enseignants/éducateurs dont je parle dans mon article, je vous remercie infiniment.