Quel Prix Nobel de Physique pour l’année 2012
Comme il est de coutume, les Prix Nobel de toutes les disciplines y compris la Physique sont attribués chaque année en octobre par les membres de l’Académie Royale des Sciences de Suède. Pour la Physique tout particulièrement, et après la révélation du nom du lauréat en début octobre, la médaille et le diplôme de la fondation sont officiellement remis par le roi de Suède, le 10 décembre, jour de l’anniversaire de la mort du fondateur du prix, le chimiste Alfred Nobel. Ceci dit que dans pratiquement un mois, nous aurons droit à des festivités transmises à travers la planète par toutes les chaines de télévisions du monde, couronnant ainsi ceux et celles qui ont fait l’effort d’innover. Ce prix est une récompense des figures scientifiques éminentes, qui se sont brillamment illustrées en physique et ont rendu de grandes services à l’humanité grâce à une œuvre censée être un apport remarquable en savoirs nouveaux et inédits dans la discipline.
Retenons quelques noms dont les apports en matière d’innovation, ont marqué plus que jamais l’histoire de cette science froide, incontournable et combien enlassante. Il s’agit du Prix Nobel de Physique de l’année 1997 attribué à M. C. Tanoudji pour ses travaux sur le piégeage d’atomes individuels par laser et s’il le faut même dans les trois directions de l’espace. Pourquoi, sommes nous intéressé à ce lauréat ? Car tout simplement c’est cette technique de piégeage qui est mis à profit par l’équipe de D. Wineland, ce qui lui a valu d’être le lauréat du Prix Nobel 2012. C’est une expérience réussie, de refroidissement qui consiste à démunir l’atome de son énergie thermique et du bruit inhérent, ce qui laisse à l’expérimentateur le champ libre de tester l’atome en question par tous les moyens dont il dispose. Ceci a ouvert la voie vers l’étude des atomes uniques débarrassés du bruit thermique, ainsi que leurs couplages et corrélations avec d’autres types de particules, atomes, photons et molécules.
Le prix Nobel de 2010 est revenu à A. Geim et K. Novoselov pour leur découverte en 2004 d’un cristal tout à fait bidimensionnel sous forme d’un feuillet s’étalant sur plusieurs dizaines de nanomètres. La constitution est faite selon un schéma où le carbone est l’unique atome de base, structuré dans une géométrie hexagonale, comme une juxtaposition de cycles benzéniques tout au long de l’édifice. Transformer ce feuillet par enroulement autour d’un axe de révolution permet d’obtenir un cylindre creux qui porte le nom de Nanotube de carbone. C’est un nouveau matériau doué de propriétés physico-chimiques exceptionnelles qu’aucun autre matériau connu jusqu’à présent, ne peut posséder. Dans cet état, on peut lui greffer ou le doper de plusieurs sortes d’espèces chimiques ou biologiques au même temps pour lui donner une multitude de fonctions simultanément. On parle de techniques de décorations du graphème, qui promet un avenir avec plus de profits dans les domaines technologique, scientifique, médical, industriels etc… Ce sujet est riche comme le précédent et chacun des deux, mérite un article tout entier de presse afin de délimiter toutes les propriétés caractéristiques et ses applications potentielles.
Le sujet sur lequel nous nous étalons c’est les deux Lauréats du Prix Nobel de 2012, qui est revenu à Serge. Haroche et David Wineland pour les méthodes expérimentales mises au point, qui leur ont permis de manipuler des systèmes quantiques individuels qui sont l’atome et le grain d’énergie photon, à des fins de réalisation du QuBit (Quantum Bit) comme unité de base équivalent du Bit dans le langage digital, en vue d’édifier le calculateur quantique. En effet, S. Haroche du Collège de France, dirige une équipe au laboratoire Bossler Kastler (le père du pompage optique) à l’Ecole Normale supérieur de Paris, et D. Wineland dirige aussi une équipe à la National Institute of Standarts and technology (NIST), de l’université du Colorado (USA).
Une description détaillée de leurs travaux n’est pas à l’ordre du jour, car il est du sort des journaux ou revues spécialisées d’en faire la décantation. Ici, nous nous sommes fixé le but ultime d’étaler à terre ce monde mystérieux de la connaissance et du savoir, qui jusque là est resté domaine gardé pour les élites scientifiques de haut rang, et adopter une démarche simplifiée de façon à permettre aux étudiants de premier cycle scientifique la saisie des contenus de ces deux travaux. Passer en survol d’oiseau les travaux de ces deux lauréats nécessite à chacun tout un article, c’est ce que nous projetons faire afin de rapprocher le lecteur de tous les soubresauts de ces domaines. Un troisième article viendra aussi sous forme de synthèse des deux comme gage, mais surtout dédié à l’informatique quantique qui, d’ici quelques temps, il deviendra certainement un sujet du grand public.
La physique quantique dans ses niveaux les plus élémentaires enseignés, passe nécessairement par l’énoncé des six postulats allant de la notion d’état quantique à l’équation d’évolution des systèmes. Le problème de la mesure d’un état quantique a fait l’objet de controverses depuis 1935 jusqu’à nos jours. Deux écoles se sont confrontées et continuent à le faire : l’Ecole de Copenhague chère à N. Bohr, et l’Ecole EPR chère à A. Enstein. La première Ecole stipule que la description quantique du système rayonnement-matière est déterministe et causale car toute l’information est contenue dans la fonction d’onde décrivant ce système. La deuxième Ecole la veut acausale et non déterministe, car un état global est avant tout une superposition d’états dans une base donnée. La mesure d’un système perturbe ce système, pour ne pas dire détruit ce système, et la valeur obtenue n’est qu’une projection sur un état de la base. Après l’obtention de cette mesure, la fonction d’onde globale est complètement démolie et on parle de la démolition de la superposition ou encore la réduction du Paquet d’onde. En d’autres termes, si l’on veut accomplir une mesure quantique, on obtient l’information mais on perd l’état et la particule. Ce qui veut encore dire que la description de la réalité par la physique quantique est restée incomplète, et à partir de là, le débat a pris sa dimension philosophique en évoquant les notions de variables cachées et d’univers parallèles. C’est un débat passionnant animé surtout par Von Neuman, qui défend le caractère de simultanéité et de non-localité des processus de corrélations ou d’interactions quantiques. C’est une vraie panne de la théorie quantique, comme ce fut le cas pour la panne de l’optique d’un siècle et demi, due à l’incapacité d’interpréter le phénomène de la double réfraction ou encore la polarisation de la lumière à angle droit. Les prémisses d’une première interprétation ont été présentées par C. Huygens qui, mort trop jeune, n’a pu finir le chemin tracé. Et il a fallu attendre le fils de paysan écossais J. C. Maxwell, qui a débarqué à Cambridge au milieu du 19ème siècle, et y étudier la théorie corpusculaire de la lumière et le mouvement tourbillonnaire. Ses vacances d’été passées en rase campagne de l’Ecosse, entre les engins agricoles de toute sorte, lui ont donné l’occasion de réfléchir surtout à la théorie des tourbillons. Ceci lui a permis de débloquer la situation après une décennie, en formulant les équations de l’électromagnétisme, et fonder l’optique électromagnétique. Certains irréductibles, sont restés fidèles à la théorie corpusculaire de la lumière Newtonienne, comme Poisson qui a continué à enseigner cette théorie à l’Ecole Polytechnique jusqu’à la fin de ses jours.
Pourquoi toute cette histoire ? La réponse est que l’équivalent de Maxwell pour le 21ème siècle est MM. S. Haroche, et D. Wineland, qui par le nouveau processus d’intrication introduit dans la théorie quantique, sont parvenus à pencher la balance du côté de l’Ecole EPR. Ironie du sort, la première panne a concerné la nature de la lumière, et la seconde concerne la nature de lumière-matière dans son interaction : c’est encore l’optique mais cette fois quantique, en l’occurrence la quantification du champ électromagnétique de Maxwell.
Pour pallier à cette panne de la théorie quantique, les deux lauréats ont pu contourner chacun à sa manière en évitant de perturber la particule après la mesure. Comment? Pour S. Haroche, ce contournement consiste à se mettre dans des conditions d’intrication quantique, à savoir piéger un photon d’une fréquence micro-onde dans une cavité résonante à miroirs bien appropriée (en Niobium supraconducteur), dans des conditions bien appropriées (températures inférieures au milliKelvin). Ensuite préparer un atome de Rubidium à un niveau d’excitation qui le met dans la configuration d’un atome de Rydberg, qui est envoyé par une source tenant lieu de la première plaque de l’interféromètre de Ramsey. La seconde plaque de l’interféromètre reçoit l’atome déjà corrélé avec le photon lors de son passage dans la cavité mico-onde. Le déphasage subit par l’oscillation de Rabi subi par l’atome, est collecté par cette seconde plaque comme détecteur, qui donne la signature en fréquence de la corrélation atome-photon sans processus d’absorption-émission : C’est l’intrication quantique comme nouveau schéma d’interaction. En résumé, le mode du photon cavité a été mesuré sans être détruit, et l’information du photon porté par l’atome du Rubidium à l’état du Rydberg est bien collectée par corrélation à une distance mesoscopique (longueur en le micron et le millimètre). Cette information transportée par l’atome est le QuBit selon Haroche. D. Wineland approche le problème selon une autre direction, qui consiste à piéger un atome d’Aluminium ou de Béryllium chargé, qui est un travail qui revient au prix Nobel de 1997 (c’est la raison pour la quelle nous l’avons évoqué au début de cet article). Après cette opération de piégeage dans une cavité, le photon collecté donne toutes les informations de l’atome cible sans être détruit. C’est un processus qui ressemble qualitativement au précédent, et l’information porté le photon constitue le QuBit selon Wineland.
Ces deux Nobel ont fait briller le monde de la physique quantique, par la manipulation de la mesure des photons et des atomes individuels. Ils ont ouvert la porte à de nouvelles investigations qui demeuraient il y a peu de temps dans le monde énigmatique des postulats, et qui nous fourniront de nouvelles informations et résultats que la mécanique classique n’a pas pu donner. Nous sommes tout au début d’un apport certain de la physique quantique au progrès technologique, du traitement de l’information, des temps d’exécutions des opérations, de la cryptographie et beaucoup d’autres innovations à imaginer dans un avenir proche. La mécanique quantique était juste une théorie et une philosophie sans plus, mais les travaux des deux lauréats ont permis de comprendre la relation entre la matière et le rayonnement à l’échelle de l’Angstrom. Ils ont permis aussi à la communauté scientifique de manipuler, de tester et de bâtir des édifices à partir de l’atome et du photon
Ces résultats vont certainement être d’un grand impact sur la connaissance et la construction de la logique quantique nécessitant tout une armada expérimentale autour de l’atome, qui va nous acheminer vers la concrétisation des calculateurs quantiques qui est resté jusqu’à présent au stade de la fiction ?
Dans le prochain article, nous détaillons quelque peu les travaux de chacun des deux lauréats, pour ainsi aboutir du côté de chacun à jeter les premières bases de l’édifice du calcul quantique.
Par Le Pr Abdelkarim NOUGAOUI
Professeur de Physique à l’Université Med Premier Oujda
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