COLONEL MOHAMED MELLOUKI

LES DERNIÈRES TARTARINADES DE M. BENKIRANE :

Sommes-nous condamnés à prendre notre mal en patience en entendant, chaque fois, de la part de M. Benkirane des vertes et des pas mûres, et des sautes d’humeur insensées ? Au mois de mars, il a diabolisé les laïcs comme s’il avait été investi d’une mission divine de prononcer des damnations sur cette terre avant le Jugement dernier. Ne lui venant pas à l’esprit que parmi ces laïcs pouvaient exister d’éminents savants et penseurs férus de l’Islam, et bien ferrés sur la jurisprudence pour lui corriger son ‘ Fik’h’. Le 24 avril dernier, pour masquer son désarroi et faire oublier la pathétique situation engendrée par l’affaire du cahier de charges de l’audiovisuel, il a opté, une fois de plus, pour le show médiatique en se fendant, à l’occasion du 5ème Collogue sur l’Agriculture, à Meknes d’une pique lancée tous azimuts, conseillant à ceux que la symbiose entre le Palais et les Institutions ( entendre gouvernement) dérangeait de ‘ chercher un autre gouvernement ou une autre orientation’.

Sans broder sur cette confuse sémantique, difficile à imaginer dans la bouche d’un chef de gouvernement, il semble que M. Benkirane a une ignorance totale du fonctionnement des Institutions. Pire, il a l’air de ne même pas avoir  lu la Constitution, ni entendu parler du système démocratique. En somme, puisqu’il ne peut y avoir deux gouvernements dans un même pays, l’Opposition n’a qu’à chercher à s’installer ailleurs, donc à s’expatrier ; et cela, pardi, pour les beaux yeux de M. Benkirane, pour le laisser s’empêtrer dans ses contradictions. Heureux encore qu’il n’ait pas traité cette Opposition d’un ramassis de ‘ chemkaras’ comme il s’est plu à qualifier un citoyen dont le tort est qu’il voulait le saluer. Ce verbiage bon enfant peut être mis sur le compte d’une nature primesautière dans un besoin constant de se mettre en valeur, en agitant les sirènes du populisme ; mais lorsque M. Benkirane proclame qu’il combattrait ‘ les crocodiles’, il démontre qu’il a non seulement des idées saugrenues, mais aussi une vision faussée de la realpolitique marocaine.

N’est-il pas conscient que parmi ces’ crocodiles’, il en est qui ont, à titre personnel ou partisan, dominé l’échiquier gouvernemental durant des décennies, et bien que peu ou prou responsables de la situation dramatique dont il a hérité, figurent dans son propre gouvernement. Et d’autres, tout autant impliqués dans le gâchis, qui ont préféré prendre du recul, momentanément, et qui demeurent, néanmoins, parmi ses interlocuteurs privilégiés ; et auxquels s’ajoutent ceux tapis à tous les niveaux de l’Etat  dont une bonne panoplie se situe à sa périphérie immédiate comme hauts commis de l’Etat ? Et aux dernières nouvelles, il est toujours heureux  de les avoir tous dans sa proximité. En toute bonne logique, il doit balayer, d’abord, devant sa porte. Pourrait-il le faire ? rien n’est moins sûr, parce que nous l’avons entendu dire, auparavant, qu’il ne ferait pas la chasse aux sorcières. Nous avons encore en mémoire l’affront que lui ont fait subir les trois sous-fifres de 2M, qui, en comparaison des ‘crocodiles’ qu’il vise, ne pèsent, pourtant, pas plus que trois rainettes ; qu’un vrai chef de gouvernement aurait dégommés d’un coup de plume. De toute évidence, il ne semble pas se rendre compte que pour neutraliser ces ‘crocodiles’ il lui faudrait disposer d’un arsenal approprié consistant, soit une posture de véritable Chef de gouvernement, et non un simple titre ronflant, à la Ardogane le turc, ou Rajoy l’espagnol ou Cameron le britannique, pour ne citer que ceux-là, dont l’autorité puise dans la force constitutionnelle, soit la puissance armée qui vide la poubelle en un clin d’oeil. Or M. Benkirane ne dispose ni de l’une ni de l’autre.

Il est dans la situation d’une femme couverte d’un simple pagne, qui prend plaisir à s’exhiber et qu’un coup de pouce peut dévoiler dans toute sa nudité. Sa majorité électorale, toute relative, ne lui permet pas de mandat fort. Son Cabinet, une coalition bricolée dont nous avons tous suivi les aléas et connaissons les arrière-plans par lesquels elle est passée, est on ne peut plus précaire. Il suffirait que l’une des composantes, surtout l’Istiqlal ou le MP, lui fausse compagnie en décidant de quitter cette coalition  pour qu’il se retrouve avec les pieds en l’air.  Quand bien même une autre formation lui viendrait au secours, il en demeurera otage. En dépit de cette position qui ne tient qu’à un fil, il ne s’est pas gêné de clamer, le 1er mai, que le peuple entier l’aimait et priait pour lui, donc inféodé à sa personne, comme à un chef de ‘ Zaouia’. Une telle prétention fait en général perdre la tête et peut pousser à se prendre pour le Sauveur. Chacun est libre, évidemment, de vivre son narcissisme comme il l’entend, < yataâllak fine yatafallak >; par contre, M. Benkirane n’a pas pensé à expliquer à son auditoire, majoritairement ouvrier, pourquoi l’Etat a perdu 109.000 emplois au cours du 1er trimestre écoulé, c’est-à-dire au cours de ‘la période de grâce’. Son Haut Commissaire au Plan ne lui en a-t-il pas parlé ?