Commission Consultative de la Régionalisation / Livre II :De la supervision et du contrôle du conseil régional et des autres collectivités territoriales dans le cadre de la régionalisation avancée
De la supervision et du contrôle du conseil régional
et des autres collectivités territoriales
dans le cadre de la régionalisation avancée
Dans l’exercice de leurs pouvoirs délibératifs et, le cas échéant, exécutifs, les collectivités
locales sont soumises, en vertu des lois et règlements en vigueur, à différents contrôles, exercés
par différentes entités, à l’effet de s’assurer de l’opportunité, de la légalité et de la régularité de
ces délibérations et des conditions de leur exécution, et d’apprécier la gestion desdites
collectivités.
Il est envisagé, ci‐après, d’analyser succinctement ces contrôles, dans leurs grands
principes et pratiques et de suggérer quelques voies d’évolution à leur égard, en considération
des limites que révèle la pratique en la matière et des standards internationaux dans ce
domaine.
1‐ Analyse de la situation actuelle.
1‐1. Les repères juridiques.
Ils ressortent, principalement, des textes suivants :
‐ la Constitution qui dispose en ses articles relatifs aux collectivités locales :
. « 98 : Les cours régionales des comptes sont chargées d’assurer le contrôle des
comptes et de la gestion des collectivités locales et de leurs groupements. »
. « 102 : Dans les provinces, les préfectures et les régions, les gouverneurs
représentent l’Etat et veillent à l’exécution des lois. »
‐ l’article 4, du dahir portant loi du 15 février 1977, tel qu’il a été modifié et complété,
qui dispose : le gouverneur « assure le contrôle des collectivités locales, dans les
limites de ses compétences».
‐ la loi 62‐99 formant code des juridictions financières du 13 juin 2002 ;
‐ les lois relatives à la charte communale, à l’organisation des collectivités préfectorales
et provinciales et à l’organisation de la région ;
‐ la loi n°45‐08, du 18 février 2009, relative à l’organisation des finances des collectivités
locales et de leurs groupements ;
– Le dahir n°1.60.085 du 14 avril 1960 relatif à l’inspection générale des finances ;
‐ le décret n°2‐04‐161, du 2 juillet 2004 fixant les modalités d’exercice du pouvoir de
substitution ;
– Le décret n°2.94.100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l’inspection générale
de l’administration territoriale du ministère de l’intérieur ;
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‐ le décret n°2‐09‐441 du 3 janvier 2010, portant règlement de la comptabilité publique
des collectivités locales et de leurs groupements ;
‐ le décret n°2‐06‐388, du 5 février 2007, fixant les conditions et les formes de passation
des marchés de l’Etat ainsi que certaines règles relatives à leur gestion et à leur
contrôle ;
‐ la loi n°69‐00, du 11 novembre 2003, relative au contrôle financier de l’Etat sur les
entreprises publiques et autres organismes.
1‐2. Analyse de la situation.
Globalement, on peut distinguer deux grandes catégories de contrôle : les contrôles sur
les personnes et les contrôles sur les actes.
1‐2‐1. Le contrôle sur les personnes.
Il s’agit d’un contrôle de type disciplinaire, commun pratiquement à toutes les
collectivités locales, exercé à l’initiative du représentant de l’autorité de tutelle, pour s’assurer
que les élus, en tant que tels, respectent les règles de fonctionnement édictées par la loi.
Sans être exhaustif à cet égard, on peut évoquer, à ce titre :
‐ la possibilité de suspension ou de révocation pour tout membre élu, pour motifs :
. d’absences répétées et successives des séances des conseils ;
. d’actes ou de faits graves, contraires à la loi et à l’éthique ;
. de collusion d’intérêts ;
. de fautes graves, quand il s’agit du président ou des vice‐présidents ;
. d’exercice de fonctions administratives dans la collectivité locale concernée, quand il
s’agit d’autres membres que le président et les vice‐présidents ;
‐ la possibilité de suspendre ou de dissoudre, au moyen d’une décision motivée,
l’ensemble du conseil lorsque les intérêts de la collectivité sont menacés.
On peut inscrire, dans ce cadre, la présence de l’autorité locale concernée aux séances
des conseils qui, au‐delà de l’aspect protocolaire et de l’intérêt manifesté à l’égard des élus,
semble viser à assurer la sérénité nécessaire à leurs débats, surtout que ceux‐ci sont censés se
dérouler en séance publique.
1‐2‐2. Le contrôle sur les actes.
Il s’agit, en fait, de différents contrôles exercés à l’initiative ou par des instances
différentes, qui peuvent porter sur l’opportunité, la légalité ou la régularité des décisions, et le
cas échéant des actes d’exécution des conseils eux mêmes ou de leurs présidents, ainsi que sur
la gestion de ces derniers.
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Ils peuvent s’exercer sous forme d’approbation préalable, de contrôle d’exécution ou de
contrôle a posteriori.
Ils sont pratiquement identiques, à quelques nuances près, pour toutes les collectivités
locales, s’agissant de contrôles sur les décisions et délibérations des conseils.
Le conseil communal jouissant seul, parmi les collectivités locales, du pouvoir d’exécuter
ses propres décisions, ce pouvoir est soumis à des contrôles sur l’exécution, dont seront
passibles les autres collectivités locales, en cas d’extension du pouvoir exécutif, en leur faveur.
1‐2‐2‐3. Le contrôle sur les délibérations des conseils.
‐ Ce contrôle apparaît d’emblée dans l’établissement de l’ordre du jour des sessions des
conseils, l’autorité locale concernée ayant la possibilité d’y inscrire des questions à son
initiative et devant s’opposer, en séance, à la discussion de toute question non inscrite à
l’ordre du jour. En fait, l’autorité locale veille, également, à ce que ne soient inscrites à
l’ordre du jour que les questions du ressort du conseil.
‐ Ce contrôle doit s’exercer, également, de manière spécifique, par approbation :
. du plan de développement économique et social élaboré par le conseil régional, par le
conseil supérieur de la promotion nationale et du plan ;
. du schéma régional d’aménagement du territoire par le comité interministériel ad hoc.
‐ Ce contrôle s’exerce, par la suite, par le ministère de l’intérieur ou à son initiative, sur les
délibérations elles‐mêmes, au motif, évidemment, de veiller au respect des lois et
règlements, mais aussi, de garantir la protection de l’intérêt général (art. 68 de la charte
communale). Il revêt, à ce titre, deux formes :
. une approbation préalable et avant qu’elles ne deviennent exécutoires, des
délibérations portant, généralement, sur les budgets, les emprunts, la fiscalité et la
parafiscalité locales, la gestion du patrimoine privé de la collectivité ou du domaine
public, la création de sociétés de développement ou la prise de participation dans
leur capital, les conventions de partenariat et les accords de coopération. Autant de
délibérations, donc, à incidence directe ou indirecte et à court, moyen ou long
termes, sur les finances locales (articles 69, 59 et 41, respectivement de la charte
communale, de la loi relative à l’organisation des collectivités préfectorales et
provinciales et de la loi relative à l’organisation de la région).
Dans ce cadre, la loi réserve des voies de recours auprès du premier ministre qui
statue, par décision motivée et en dernier ressort, en cas de refus d’approbation
par le ministre de l’intérieur sauf pour les conseils régionaux habilités à saisir les
tribunaux administratifs, en la circonstance.
. une possibilité d’opposition à exécution, à l’initiative du wali ou du gouverneur,
pour les décisions entachées de nullité ou d’annulabilité, pour toutes les autres
délibérations, la nullité ou l’annulabilité étant décidée par arrêté du ministre de
l’intérieur, dans le cas des communes, provinces et préfectures, et par le tribunal
administratif, en dernier recours, dans le cas de la région.
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1‐2‐2‐4. Le contrôle sur les actes d’exécution par le président du conseil.
‐ Les conseils régionaux, préfectoraux et provinciaux ne disposant pas du pouvoir
d’exécution, le contrôle à leur égard, en la matière, ne porte que sur les rares décisions
de nomination des secrétaires généraux, chefs de cabinet ou chargés de mission et
d’études, soumises à visa de la tutelle.
‐ Le contrôle, à ce titre, des actes d’exécution des conseils communaux couvre différents
aspects, notamment :
. le visa par le gouverneur des arrêtés à caractère règlementaire et d’organisation de
l’administration communale ;
. l’approbation par le ministre de l’intérieur de la nomination du secrétaire général
par le président ;
. l’approbation préalable, par le gouverneur ou le ministre de l’intérieur, le cas
échéant, des marchés de travaux, de fournitures ou de prestations conclus par le
président ;
. parfois, le visa par la tutelle, des décomptes reçus au titre de ces marchés ;
. le visa de la trésorerie générale sur les actes d’engagement et de règlement des
dépenses, dans le cadre du contrôle budgétaire et comptable, portant sur la
disponibilité des crédits et des postes budgétaires, l’imputation budgétaire,
l’exactitude des calculs, la validité du règlement (caractère libératoire, disponibilité
des crédits et des fonds, signature de l’ordonnateur…).
1‐2‐3. Le contrôle financier sur les établissements, entreprises et sociétés relevant des
collectivités locales.
En la matière, les deux lois, 69‐00 relative au contrôle financier de l’Etat, et 45‐08 relative à
l’organisation des finances des collectivités locales, peuvent être invoquées. En effet :
‐ la première soumet au contrôle financier de l’Etat (par le ministère des finances) les
établissements publics, les entreprises et les sociétés dont le capital est détenu, totalement
ou partiellement par les collectivités locales, l’exercice de ce contrôle pouvant être a priori, a
posteriori ou d’accompagnement, selon la forme juridique de ces entités et leurs modalités
de gestion ;
‐ la seconde renvoie, plutôt, en son article 57, à un décret ‐ non encore adopté‐ pour fixer le
régime du contrôle financier applicable aux établissements publics et aux sociétés que les
collectivités locales ou leurs groupements créent ou au capital desquels elles participent,
selon les conditions prévues par la loi 78‐00 portant charte communale, telle que complétée
ou modifiée.
Cet article ajoute : « Demeurent applicables, jusqu’à la publication dudit décret, les
dispositions législatives et réglementaires en vigueur, c’est‐à‐dire, finalement, la loi 69‐00.
1‐2‐4. L’audit financier.
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Il s’agit d’une autre forme de contrôle a posteriori, prévue par la loi 45‐08 précitée, et
qui peut être effectué à la demande du conseil délibérant, ou à l’initiative de l’ordonnateur
ou du ministre de l’intérieur.
Dans ce cas, le rapport d’audit est communiqué aux membres du conseil, quand l’audit est
effectué à sa demande et présenté au conseil, quand l’initiative en revient à l’ordonnateur.
La loi ne précise pas si le conseil est à informer du rapport d’audit à l’initiative du ministre.
Les modalités d’exercice de cet audit financier devaient être fixées par un arrêté du
ministre de l’intérieur, non adopté, à ce jour.
1‐2‐5. Le contrôle général par les inspections générales et les cours régionales
des comptes.
A côté des contrôles analysés ci‐haut, qui encadrent toutes les décisions et les mesures
d’exécution des collectivités locales, sont organisés également et de manière plus épisodique
ou conjoncturelle, des contrôles à l’initiative des cours régionales des comptes, de
l’inspection générale de l’administration territoriale (IGAT) et, théoriquement, de l’inspection
générale des finances (qui n’interviendrait plus dans ce domaine, suite à un accord avec le
ministère de l’intérieur).
Il s’agit là de contrôles a posteriori, qui peuvent couvrir l’ensemble de la gestion d’une
collectivité locale, sur une période donnée, dans le cadre d’une programmation annuelle de
l’instance de contrôle, ou un aspect particulier de cette gestion, dans le cadre d’une enquête
spéciale.
1‐2‐6. Le contrôle « par les citoyens ».
Une forme de contrôle populaire semble, enfin, organisée, à travers l’affichage public des
projets d’ordre du jour et des délibérations des conseils, et du fait que les séances plénières
des conseils soient publiques.
2‐ Les propositions de réforme et les mesures d’accompagnement.
Les propositions de réforme sont faites sur la base d’une évaluation du système actuel de
contrôle et des évolutions que dégagent les comparaisons internationales.
D’emblée, trois remarques sont à faire :
‐ tel qu’exercé actuellement, et s’il doit être étendu aux conseils régionaux ainsi qu’aux
conseils préfectoraux et provinciaux, dans la perspective de leur accession au pouvoir
d’exécution, le contrôle encadre à l’extrême toutes les décisions et tous les actes
d’exécution et de gestion des collectivités locales ;
‐ les démocraties avancées ont recours essentiellement à un contrôle a posteriori par les
cours des comptes, en plus des audits et évaluations organisés dans le cadre de contratsprogrammes
ou de contrats de projets Etat/collectivités territoriales.
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‐ les dysfonctionnements relevés par les différentes instances de contrôle, tels que relatés
dans le document relatif aux « compétences exécutives » des collectivités territoriales
interpellent sur :
. l’efficacité des contrôles a priori, tels que prévus et exercés aujourd’hui ;
. l’opportunité de les alléger au profit d’un contrôle d’accompagnement et d’un
contrôle a posteriori.
Aussi, tout en tenant compte de la situation actuelle, les propositions d’évolution des
systèmes et modes de contrôle sur les collectivités territoriales doivent s’inscrire dans la
perspective :
‐ des avancées attendues dans la démocratisation de la gestion des affaires régionales et
territoriales ;
‐ de l’amélioration impérative des qualités managériales des élus ;
‐ de la professionnalisation des administrations et des organes d’exécution à la disposition
des conseils et de leurs présidents ;
‐ et, évidemment, d’une plus grande transparence des gestionnaires publics, élus ou
désignés, assortie de la nécessaire moralisation de leur gestion et d’un système de sanctions
effectif et efficace.
Sous ces conditions, et dans la perspective de l’allégement, à terme, des contrôles a priori
au profit des contrôles d’accompagnement et a posteriori, il est proposé :
‐ le maintien du contrôle sur les personnes, en l’adaptant à l’évolution du processus
démocratique, qui doit induire des rapports nouveaux entre les élus et le ministère chargé
des collectivités territoriales. A ce titre, le terme « tutelle » devient caduc, ces rapports
s’inscrivant davantage dans le cadre de l’accompagnement, de la supervision et de la
régulation ;
‐ le maintien de l’approbation préalable des délibérations sur les plans de développement et
sur les questions comportant engagement financier des collectivités territoriales (voir les
articles 69, 59 et 41 cités ci‐dessus), pour veiller à la cohérence des uns avec la stratégie
nationale et au respect, par les autres, de l’impératif de l’équilibre budgétaire, la levée
progressive de cette approbation supposant :
. la satisfaction aux conditions de bonne gouvernance évoquées ci‐dessus, notamment en
matière de transparence, par la mise en place de systèmes d’information appropriés, de
professionnalisation, par le recrutement des compétences humaines nécessaires et de
responsabilisation par un système de sanctions effectif et efficace ;
. et la mise en place de critères contraignants et facilement auditables (tels l’exigence
d’un excédent des recettes ordinaires, le plafonnement de l’endettement et du service de
la dette, la limitation du ratio charges de fonctionnement/ recettes ordinaires ou
ressources propres …) ;
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‐ l’allégement du contrôle a priori sur la régularité des autres délibérations et décisions des
conseils, notamment, par une réduction des délais de réaction de l’entité en charge ;
‐ le renforcement des voies de recours auprès du premier ministre et d’arbitrage par des
organes indépendants, particulièrement concernant les conseils régionaux, appelés à des
relations nouvelles avec l’Etat ;
‐ la suppression des visas préalables des actes de nomination des proches collaborateurs des
présidents de conseils ;
‐ la suppression de l’approbation préalable par le ministère de l’intérieur des marchés de
fournitures et de travaux passés par les collectivités territoriales, dans le cadre des budgets
déjà approuvés ;
‐ le maintien du seul contrôle budgétaire et comptable de la trésorerie générale sur
l’engagement et le règlement des dépenses, en faisant profiter les collectivités territoriales
de tout assouplissement accordé, en la matière, à l’administration publique, dans le cadre
des programmes de modernisation des procédures budgétaires (gestion par objectifs,
globalisation des crédits, contrôle modulé…) ;
‐ l’instauration d’un système de contrôle interne au niveau des collectivités territoriales,
prélude à la mise en place d’un contrôle budgétaire et comptable modulé ou
d’accompagnement, selon les performances atteintes par lesdites collectivités ;
‐ l’adaptation du mode de contrôle concernant le conseil régional, après adoption de la
formule de l’agence d’exécution des projets (voir document sur les compétences exécutives
des collectivités territoriales) ; à ce titre, il convient de décider définitivement du dispositif
législatif de référence ;
‐ le renforcement du contrôle a posteriori par l’inspection générale des finances (IGF) et
l’inspection générale de l’administration territoriale (IGAT) ;
‐ la consolidation des moyens des cours régionales des comptes, dont les moyens et les
qualifications doivent être renforcés ;
‐ la mise en place de nouvelles formules d’audit et d’évaluation y compris par des agences
indépendantes, dans le cadre du suivi des contrats Etat/collectivités territoriales ;
‐ la communication de tous les rapports de contrôle, d’audit et d’évaluation aux conseils
concernés, après exercice du droit de réponse par le président, pour débat et mesures de
redressement à prendre le cas échéant indépendamment des sanctions à engager,
éventuellement par les instances légalement compétentes ;
‐ l’instauration d’une véritable culture de la conformité et de la gestion des risques, qui
permettrait aux gestionnaires et aux superviseurs d’acquérir les réflexes et les outils pour
veiller à la conformité des décisions et des actes aux référentiels juridiques et normatifs en
tout domaine et de prévenir les risques inhérents à toute activité.
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