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Le dernier jour de l’école

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    La classe était très calme, pas une mouche , pas un cancre ne bougent. Les bras croisés, oreilles tendues comme des ânons, qui attendaient le salut.
    Les pas du «tortionnaire» invisibles et prémédités étaient le signe d’une exaction, d’une humiliation : le silence qui précédait la tempête.

    Je l’appellerais ainsi parce que, comme d’autres de sa race ,il tordait les cous, effaçait le tableau noir en usant des mômes à la place des chiffons ; quelle horreur !
    A l’époque on aurait crié au scandale, les années soixante huit faisaient rage ; on aurait crié :
    Au secours JJ Rousseau, Piaget,  Vigotsky  : revenez vite ils sont devenus fous ! Ces maîtres qui hannetonnaient des présents et des avenirs, ces faux prophètes qui prêchaient l’ignorance et la haine.

    Ils écrasaient les âmes et les doigts en usant de règles et d’insultes, à faire pleurer les plus coriaces et anesthésiés.

    L’orage sentait venir, les bouches en panne de salive, sèches comme des gosiers de moissonneurs, par un temps d’été et de Ramadan ; enfin pour ceux qui pouvaient joindre les deux salaires celui de Dieu et le billet de cent Dourous magnifiquement décoré par une faucille, sentant la sueur et le licite.

    «Joseph ,au tableau !» cria le maître.
    C’était ni pour un récital, ou une récitation ; ni même pour la maudite table de multiplication.
    Joseph le savait,  il n’avait rien appris certes, mais la veille il s’est aventuré prés du Cinéma, alléché par l’odeur des sardines grillées, et par les grandes affiches qui annonçaient les navets venus de l’Inde où nos deux pionniers Amorros (Amirouch) et Didah décidèrent un jour d’y aller, sans boussole et sans cervelle, sauf du Kesra, des oignons et des tomates leurs tenaient compagnie . Ils prirent la route des indes.

    Dés le début ils naviguaient plein sud,  ils croyaient à leur instinct, l’essentiel, pour euxets que  la terre est plate et tout les chemins mènent à l’Inde.
    A peine arrivés au milieu du col d’Elgarbouss, atterrés par la peur et la fatigue, leur rêve s’effrita alors, telles des feuilles d’oignons longtemps accrochées  sur des terrasses cuites sous un soleil aoûtien qui faisait chanter les grillons jour et nuit.
    Ç y est Joseph est figé, il n’arrive plus à avaler sa salive, effaré par les regards jaunes et perçants, froids comme le venin d’une vipère en hibernation…
    Silencieux, il ne pouvait retenir ces sanglots , ni ses larmes sèches, ni… plus rien.
    Le maître mot n’allait pas tarder ;
    Le Guru ordonna aux aide tortionnaires  de préparer le môme; notre copain, le pauvre; on dirait qu’ils allaient le préparer pour la mort, sans ablutions aucune, ils se frottèrent les mains comme s’ils aiguisèrent une lame pour l’offrande qui plairait aux dieux du châtiment.
    Ils se croyaient des anges qui exécutent les ordres et prennent des âmes. même s’ils priaient sans ablutions et sans consternation dans la cour d’Abou Al Alaâ Almaâri, en prenant la peine d’enlever les bottes noires et crasseuses puantes à faire fuir des putois.
    Dieu savait tout, nous étions mineurs et non vaccinés.

    Le guru alla chercher l’arme du crime pour les supplices de Joseph, dans la salle de classe d’à côté où -peut-être – on avait sacrifié un autre démuni ; un autre gavroche en pleine croissance.

    Pris par la peur et la haine, hanté par la lourdeur de l’atmosphère,Joseph suffoquait, comme un moineau quelconque et sans soutien, Joseph, regarda vers la fenêtre, et sauta comme un chat menacé, qui a vu venir Houssine ,le dictateur des chats; Joseph s’envola ; c’était son dernier jour de l’école.
    Ce n’était pas rouge gorge.

    Aujourd’hui Joseph vit tés bien, après quelques cures à Paris, il est devenu Youssef qui est son vrai prénom, il croque la vie à plein dents.

    Ne pleure pas Jef !
    Chantait Brel.
    Longtemps après la tempête
    Joseph, au pays de Voltaire ; arriva un jour ,
    Le moral et la jambe cassés ;
    claudiquait comme un rescapé de guerre ;
    Traînant ses hontes et ses chimères ;
    Auprès des rois de Saint-Denis qu’ils ignorait ;
    Joseph se réfugia ;
    Déposa plainte contre son bourreau :
    qui l’évinça ;
    de sa cage ;
    le bel oiseau, jaune et déplumé ;
    forcé à s’envoler ;
    avec des ailes de duvet.
    Cette cage serait devenu ,
    aussi vaste que Meudon et Fontainebleau.
    A Joseph et à vous tous rescapés de la caserne

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