Qu’elle soit hyménoptère ou arthropode, la fourmi fascine, voire intrigue les myrmécologues avec son organisation sociale « parfaite », ses prouesses et ses records dignes du Guinness. La fourmi est omnivore et raffole de tout. C’est la créature la plus féconde avec ses divers modes de reproduction et avec la population la plus élevée de la planète. Les scientifiques ont dénombré plus de 12000 espèces. Vu sa taille minuscule, la fourmi a un passeport et un visa internationaux pour traverser toutes les frontières, mondialisation et échanges commerciaux transcontinentaux obligent.

Elle a aussi une clef passe-partout pour circuler librement; on la rencontre même dans les salles d’opération les mieux protégées et les plus aseptisées des grands hôpitaux occidentaux. La fourmi vit dans des colonies de plus de 10 mille individus avec une activité incessante aussi bien de la part des myriades d’ouvrières que des soldates. Plusieurs espèces peuvent coopérer par solidarité en cas de conquête militaire et mobiliser ensemble des milliards de guerrières pour former une colonne à la file indienne de plus de 5000 kilomètres de longueur !!! Et cet insecte capable de soulever jusqu’à cinquante fois son poids reste inoffensif et même utile pour l’écosystème, malgré des ravages sur l’agriculture et malgré ses piqûres parfois douloureuses.
Le Coran a immortalisé cette créature avec la sourate qui porte son nom « Les Fourmis ».

Certains écrivains, poètes, réalisateurs, artistes ou chanteurs lui ont consacré leurs œuvres : Pierre Erwan Guillaume avec le film « Les fourmis rouges » ou Michel Jonasz avec la chanson éponyme, La Fontaine et sa fable « La cigale et la fourmi », etc.
La fourmi symbolise dans l’imaginaire populaire l’ordre, l’effort, la ténacité, l’économie, la prévoyance, la précision, la coopération et j’en passe. Cette image valorisante a souvent été utilisée dans des campagnes publicitaires pour vanter un produit ou un service. Mais il est fréquent qu’on cite la fourmi dans des comparaisons péjoratives comme dans l’expression employée parfois par les gens d’Oujda : « L’invasion des fourmis rouges ».Ce n’est pas une catastrophe naturelle assimilable à celle des criquets migrateurs et qui nécessite au pire des cas l’utilisation de pesticides. Ce n’est pas non plus un film à la Hitchcock. Non. De couleur rouge, les taxis besogneux et en quantité innombrable quadrillent la ville, parfois en contingents de cinq ou six véhicules. Une vraie invasion et la catastrophe est fréquemment évitée de justesse.
Avoir un taxi à Oujda est une entreprise prospère. Et, question de rentabiliser au maximum l’assurance, la vignette et tout le reste, deux à trois chauffards se relayent sur le même véhicule, souvent en piètre état nonobstant la visite technique en bonne et due forme. Bien sûr, ça roule à l’essence algérienne très bon marché mais ça facture à la marocaine. Ça surfacture même. Les arrêts répétés ainsi que d’autres manœuvres rendent le taximètre obsolète. On finit par payer ce que décide le taxi driver qui ne demande jamais au premier client la permission d’en prendre un deuxième,un troisième, un quatrième … S’encombrer d’une telle amabilité est à priori une pure perte de temps. Donc, ça gagne tellement d’argent et c’est si florissant que tout le monde s’y est mis. Le problème, le danger, le revers de la médaille : quand tout le monde s’y met, ça ne gagne plus assez! Alors, c’est la guerre des routes, la guéguerre des taxis « maraudeurs ». Qui est le plus malin, le moins scrupuleux qui réussira malgré la concurrence très serrée à réaliser la recette la plus profitable ? Et bien sûr, aucun taximan n’est respectueux du code. Dès que quelqu’un lève le petit doigt pour héler un taxi, c’est plusieurs fourmis rouges qui vont se le disputer de vitesse par des coups de freins secs et intempestifs au beau milieu de la chaussée, sans clignotants et sans crier gare.
Ces infractions sont si fréquentes à Oujda que prendre le volant n’est plus une mince affaire. C’est très dangereux, cauchemardesque. Imaginez-vous en attente face à un feu rouge.

Le scénario le plus plausible : vous avez tout autour 4 à 5 fourmis rouges, certaines en maraude, qui se faufilent, moteurs vrombissants, prêtes à bondir. Des chauffeurs, un œil rouge d’exténuation, moitié sur le rouge et moitié sur les autres confrères rouges, un autre tout aussi rouge scrutant l’horizon dans l’espoir de dénicher du client transportable, un doigt tremblant sur le klaxon et un pied nerveux sur l’accélérateur font semblant d’attendre le passage au vert. Devant ce déferlement de rouge, les pauvres automobilistes pris dans l’engrenage suent sang et eau pour éviter les sinistres. S’il n’y a pas d’accident, c’est que c’est un bien real happy end very rare!!!
Cet état de choses calamiteux est-il une fatalité ? N’y a-t-il rien à tenter pour organiser cette profession ? Quelle éthique peut-on invoquer pour inciter les taximen au respect des citoyens, à l’observance du code de la route, à la concurrence légitime et au profit licite ?
Malheureusement, les responsables continuent encore à délivrer des autorisations alors qu’on dénombre déjà des centaines de taxis rien que pour l’agglomération urbaine d’Oujda! Malheureusement laxistes, les forces de l’ordre « toutes confondues! » voient se dérouler sous leurs yeux ces comportements inacceptables de la part des taxieurs sans intervenir! Malheureusement, le contrôle technique sur ces véhicules délabrés et ces compteurs détraqués -vu les travaux forcés auxquels ils sont assignés- ne s’effectue que deux fois l’année!
La sécurité des citoyens est un bien collectif inestimable. Les autorités doivent œuvrer pour la préserver. Avec de la volonté et de l’imagination, des solutions susceptibles de faire éviter le pire sont attendues par la communauté d’Oujda la fourmilière, positivement fourmilière.