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Le nouveau code de la route, est-il respectable ??

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Mohammed YOUSFI
Après deux années de tergiversations et des centaines d’amendements, le texte de loi sur le nouveau code de la route vient d’être enfin adopté par la chambre basse du parlement marocain. Si l’intention de ce projet est noble, à savoir stopper l’hémorragie de la guerre des routes à travers une meilleure réglementation de la circulation conduisant à la prévention des accidents, son applicabilité, même sous sa nouvelle mouture, reste hypothétique. En effet, le premier texte, en plaçant la barre très haut, s’est vu opposer une fin de non-recevoir par l’ensemble de la société marocaine ; et M. Karim Ghellab, l’instigateur de cette révolution code-routière s’est trouvé dans un cul-de-sac dans lequel il s’est débattu pendant ces deux longues années avant d’en sortir avec un soi-disant accord consensuel ou conciliant qui a vu la participation des partis et des professionnels de la route.

Malgré cela, il est légitime de s’interroger sur les causes de l’échec du ministre à faire avaliser son premier projet de loi et sur l’impact qu’aura ce nouveau code sur la route marocaine, ses usagers et sur toute la société marocaine.
Il apparaît clairement que M. Ghallab est complètement déconnecté de la société marocaine. Ne connaissant pas la réalité du pays, il a voulu imposer un code importé, avec des dispositions légales draconiennes et des amendes exorbitantes qui sont en contradiction flagrante avec le niveau de vie du conducteur marocain, l’état des routes du bled, l’intégrité morale de l’administration routière, des services de la sûreté nationale et de la gendarmerie royale et j’en passe. Le ministre pensait qu’il suffisait d’être exigeant et, par un équilibre de la terreur, dissuader les contrevenants éventuels en mettant constamment sur leurs têtes l’épée de Ghallab Damoclès. C’est ne pas connaître la réalité du pays. Des voix se sont élevées partout pour attiser la controverse et pour signifier au ministre de l’Equipement et des Transports qu’on est au Maroc et non pas au Canada, aux USA ou en Europe. L’épisode des fameux radars automatiques ou caméras fixes est une autre preuve de ce déphasage et de ce mode de gouvernance qui prend ses désirs pour des réalités. Ainsi, et mettant la charrue avant les bœufs, les services du ministère en question ont acheté et installé ces gadgets payés cher pour découvrir bien après que la loi marocaine n’autorisait pas ce type de contravention détectée par une machine aussi sophistiquée soit-elle.
Comment expliquer ces ratés ?

Dans un Maroc en chantier, un projet de cette importance visant à « métamorphoser » une société entière devait être considéré, dès le départ, comme un projet de société. Par conséquent, il aurait nécessité une réflexion approfondie, un débat citoyen et la participation de toutes les parties touchées ou intéressées, en partant du pied de la pyramide (piétons, conducteurs, taxieurs, camionneurs, policiers, gendarmes, responsables routiers, élus, assureurs, ministre). Il aurait surtout requis une conception intégrée et une vision globale pour atteindre les objectifs escomptés à travers des voies plurielles et par des moyens diversifiés (Etat des routes, du parc automobile, de la justice marocaine, la délivrance des permis, la corruption, l’ivresse …). Au lieu de cela, beaucoup d’argent, de temps et d’efforts pour rien ; et plus grave, deux années de retard et de controverse, où la liberté fut laissée à la sûreté nationale et à la gendarmerie royale d’appliquer, et à la tête du client, un code de la route bâtard , le citoyen, brouillé par ce qu’il entendait et son contraire, et ne connaissant pas vraiment les dispositions légales en vigueur (permis à retirer ou non, vitesse limitée dans les villes, 40 ou 60 km/h, ceinture obligatoire devant et/ou arrière pour tous les véhicules et/ sans les taxis … !!! ).

Face à l’extension du parc automobile au Maroc et à l’accroissement du nombre d’accidents, il y avait certes urgence, mais on a répondu à cette urgence de façon tellement précipitée et tellement unilatérale que c’est le retard qui a prévalu. Par conséquent, si le code de la route doit être révisé, il faudra réviser avant tout ce mode de gouvernance pour éviter de tels ratés.
Enfin, le ministre est revenu sur terre ! Deux années de polémique et de report se sont soldées par l’introduction de 287 amendements et surtout une réduction des amendes oh ! de 40 à 70 pour cent par rapport au projet de loi antérieur. Outre les points de divergences qui persistent encore malgré l’adoption du texte, et outre le désir d’adapter le code aux nouvelles technologies, c’est surtout cet emboîtement entre le montant de l’amende et son encaissement qui va être décisif dans l’application des nouvelles lois. Même quand on a un « bon » salaire de 10 milles dirhams et qu’on est arrêté (dans ces guet-apens de la police ou de la gendarmerie dont ils sont les seuls à avoir le secret) pour un oubli ou une faute non-intentionnelle ne mettant personne en danger ou encore pour une signalisation mal étudiée et déficiente, si ce n’est pas l’épilepsie ou la crise cardiaque, ce sera sûrement des tractations interminables et des négociations ardues pour se faire pardonner, ou au moins pour bénéficier d’une réduction, et ce, bien sûr et toujours, moyennant des billets qu’on glisse en demandant à Dieu de pardonner le péché commis. Neuf cents dirhams, c’est le dixième de ce « bon » salaire qui s’achemine clopin-clopant vers la médiocrité avec la flambée que connaît la vie en général.

Neuf cents dirhams, c’est l’arsenal qui va inciter le policier ou le gendarme soit à s’enrichir en doublant ses recettes de corruption, soit à se présenter comme le bourreau engagé par l’Etat pour saigner le maigre budget des citoyens, à un moment où le peuple marocain est presque parvenu à se concilier avec sa police et sa gendarmerie. Neuf cents dirhams, c’est la somme astronomique qui va ôter au citoyen moyen sa dignité d’homme qui a bataillé pour avoir sa petite auto au détriment parfois de priorités de premier plan, et son honnêteté aussi puisque le drame va l’inciter à corrompre et à récupérer en étant à son tour corrompu. Neuf cents dirhams, c’est le montant fixé pour pénaliser une contravention au code de la route, mais qui va avoir des dommages collatéraux de plein fouet sur une société qui se construisait jusque là progressivement.
M. Karim Ghellab, a-t-il réellement évalué l’impact du nouveau code sur la société marocaine ? On l’espère. On espère surtout que M. Le Ministre donnera l’exemple quand il sera au volant de sa voiture et qu’il rappellera à son chauffeur et à tous les hauts responsables marocains les dispositions légales de ce nouveau code, et qu’il ne tablera ni sur son statut, ni sur son salaire de ministre pour outrepasser les lois pour lesquelles il a bataillées ardemment. Si malgré cela il contrevient, et même si on lui applique son code de la route antérieur plus sévère, rien ne justifiera le manquement aux règles implantées soi-même.

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2 Comments

  1. EL MESBAHI
    28/01/2009 at 23:30

    EXCELLENT ARTICLE

  2. Al Akri Karim
    28/01/2009 at 23:31

    M. Ghellab ne conduit pas lui-même sa voiture. Donc il n’a pas peur d’écoper d’une contravention. C’est son chauffeur qui payera. Il aurait dû, avant d’avoir eu l’idée géniale d’un nouveau code importé, se demander pourquoi celui déjà existant ne s’applique pas.

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