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Retour sur l’objectivité et la subjectivité :traitement à caractère didactique

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tayeb zaid


J’ai dit dans l’un de mes derniers articles que contrairement à ce que mes anciens maîtres m’ont appris et à ce qui est communément admis, l’objectivité et la subjectivité sont des entités concrètes, observables et mesurables, exportables et par conséquent applicables à toutes les situations. Il est faux de dire qu’untel est objectif et que tel autre est subjectif. L’objectivité et la subjectivité ne sont pas liées à la personne mais à la façon dont il présente un fait, une idée. Elles ne sont donc pas humaines mais linguistiques, et ce, quel que soit le sujet traité dans un débat littéraire ou scientifique, ou simplement sur la terrasse d’un café entre deux individus du petit peuple. L’objectivité et la subjectivité, tels que certains intellectuels veulent nous les faire admettre comme relevant de la philosophie ou de l’une de ses branches, me parait réduire leur protée et par conséquent en faire un sujet d’élite auquel seuls les érudits ont droit de parole. Il n’y a rien de plus simple que de soumettre l’objectivité et la subjectivité à ce que j’appelle, à la suite d’autres, l’échelle des valeurs grâce à laquelle il est possible de placer le langage sur l’axe des abscisses et des ordonnées, ce qui permet de les évaluer selon les trois paramètres suivants.

Si la langue utilisée par un locuteur porte les marques de la subjectivité, l’énoncé sera dit subjectif. Or, la langue marquée de subjectivité se subdivise en ce qu’elle peut être positive ou négative. Si elle est positive, il sera question de subjectivité valorisante (appréciative, méliorative). Si, au contraire, elle est négative, on parlera de subjectivité dévalorisante (dépréciative, péjorative). Dans le cas premier, comme dans le cas second, que la langue utilisée dans un discours soit appréciative ou dépréciative, nous allons être conduits vers un autre sujet d’ordre stylistique qui se rattache aux registres littéraires ou registres de langue.
Si, au contraire, la langue utilisée par un locuteur n’est pas marquée, elle sera dite neutre et par conséquent objective.

Pour mieux éclairer mes propos, je vais essayer d’appliquer ce que je viens de dire à trois situations différentes.

1-L’objectivité :

‘’Observons un goéland vigilant, assurant la garde de ses jeunes, qui, hésitants, font leurs premiers pas. Remarquons la tache latérale rouge sur le bec de l’adulte. Pour être nourri, le poussin y donne de petits coups de bec ; alors, l’oiseau régurgite (en faisant revenir dans sa bouche) la nourriture. L’ensemble de ces mouvements ou changements d’attitude et même le passage de l’activité à l’immobilité constitue le comportement. Depuis toujours, les Hommes ont observé et essayé de comprendre le comportement animal, surtout à des fins utilitaires : ainsi le chasseur connaît les habitudes du gibier, le fermier celles des animaux qu’il élève et celles de ceux qui ravagent ses récoltes, le pêcheur celles du poisson qu’il prendra. La simple observation des animaux amène à de nombreuses questions : pourquoi un animal se comporte-t-il comme il le fait ? Son comportement est-il inné ou appris ? Quelles relations s’établissent entre l’animal et les autres individus de son espèce ? Quels sont les moyens qui permettent de telles relations ? L’éthologie ou science du comportement, se propose d’essayer de répondre à ces questions. Cette science encore toute jeune est abordée soit par observation directe du comportement dans le milieu naturel, soit par expérimentation dans les conditions contrôlées de laboratoire, soit en combinant les deux méthodes.

Manuel de français ; 5° Sciences

Il s’agit d’une description scientifique à caractère didactique destinée à un jeune public pour lui expliquer le comportement des oiseaux. Comme on peut bien le constater, la langue utilisée est neutre, c’est-à-dire qu’elle n’est marquée d’aucun signe de subjectivité.

 

2- La subjectivité

a-La subjectivité appréciative, valorisante.

Michel Strogoff était [haut de taille], [vigoureux], [épaules larges], [poitrine vaste]. Sa tête [puissante] présentait les [ beaux caractères] de la race caucasique.

Ses membres, [bien attachés], étaient [autant de leviers], disposés mécaniquement pour [le meilleur] accomplissement des ouvrages de force. Ce [beau et solide] garçon, [bien campé, bien planté,] n’eût pas été facile à déplacer malgré lui, car, lorsqu’il avait posé ses deux pieds sur le sol, il semblait qu’ils s’y fussent enracinés. Sur sa tête, [carrée du haut], [large de front], se crêpelait une chevelure [abondante], qui s’échappait en boucles, quand il la coiffait de la casquette moscovite. Lorsque sa face, ordinairement pâle, venait à se modifier, c’était uniquement sous un battement plus rapide du cœur, sous l’influence d’une circulation plus vive qui lui envoyait la rougeur artérielle. Ses yeux étaient d’un [bleu foncé], avec un [regard droit, franc, inaltérable], et ils[ brillaient] sous une arcade dont les muscles sourciliers, contractés faiblement, témoignaient d’un [courage élevé], « [ce courage sans colère des héros ] », suivant l’expression des physiologistes. Son [nez puissant], [large de narines], dominait une [bouche symétrique] avec les lèvres un peu saillantes de [l’être généreux et bon].

Michel Strogoff, Jules Vernes

 

b- Subjectivité dépréciative, dévalorisante

Abdelkrim continua son chemin pour se retrouver devant une rangée de cordonniers, enfouis sous de [petites tentes faites de sacs de farine qui leur rasaient ] le crâne et où l’on pouvait encore lire USAID, serrant entre leurs jambes [amaigries ]des enclumes col de cygne auxquelles ils avaient chaussé une [vieille] sandale ou une[ vieille] chaussure dont ils martelaient la semelle ou rivetaient une sangle ; de paysannes, enveloppées dans des djellabas sans capuchons, [fanées et déteintes], assises [en chien ]sur leur [arrière-train meurtri], devant des corbeilles d’osier chargées d’œufs, les genoux dressés en canons de fusil; d’hommes, debout devant des sacs d’escargots aux bords retroussés en dehors, [l’air grave, le mégot entre le pouce et l’index], parlant en gesticulant des prix du jour, ou du cours de l’autre semaine ; de marchands d’herbes, occupés à nouer en bottes leurs plantes aux arômes enivrants, [les mains rouillées, les doigts fissurées, les ongles écornés]; [de mendiants sales dans leurs guenilles honteuses, la main tendue, les yeux humides, la voix suppléante ]; et tout un peuple de paysans descendus des montagnes voisines, ou [vomis ]des cavernes dont la région [pullulait, la barbe hirsute, les joues creuses, les pommettes saillantes, mal vêtus, mal chaussés, puant la misère et le besoin dans ce lieu de besoin et de misère].

Il quitta le marché et ses [cris, ses appels, sa fébrilité, sa laideur] et se laissa conduire par son instinct vers les cafés où étaient attablés quelques clients et visiteurs venus de la ville d’Oujda ou des autres bourgs voisins.

Zaid tayeb ; La Gueule de l’Hiver pages 36-37

Contrairement au texte 1, dans les textes 2a et b, la langue utilisée porte les marques d’une subjectivité valorisante pour 2a et dévalorisante pour 2b (voir marqueurs mis entre crochets).

Comme je l’ai dit quelque part, l’objectivité et la subjectivité sont des entités observables, mesurables et applicables à tous les énoncés et à toutes les situations, qu’elles ne sont pas attachées à l’énonciateur mais à la langue utilisée par cet énonciateur. De ce fait, on peut dire qu’elles sont intérieurement inhérentes à l’intention de l’homme et extérieurement à son besoin d’injecter dans son produit des éléments propres à la subjectivité.

Pas n’est donc besoin de donner à la subjectivité et à l’objectivité un caractère philosophique.

Zaid Tayeb

 

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