La chasse aux journalistes ou la confiscation de la liberté d’expression
Yahya TORBI
Une nation est dite démocratique si elle respecte les droits et les libertés de ses citoyens, dont la liberté d’expression, qui constitue l’article central autour duquel s’articulent les droits de l’Homme. Car, la liberté d’expression est un indice infaillible ou un véritable baromètre pour mesurer et juger le degré de démocratisation de n’importe quelle société.
La presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, dans les grandes démocraties du monde comme l’Angleterre, les États-Unis, les pays scandinaves, n’est pas seulement un métier comme les autres, ou un moyen d’information et d’instruction, mais aussi et surtout un quatrième Pouvoir qui contrôle le fonctionnement et l’efficacité des autres Pouvoirs, et qui observe constamment le déroulement et la progression du processus démocratique des instituts et organismes de l’Etat. En d’autres termes, sans liberté d’expression, d’opinion et de pensée, la démocratie sera contrecarrée et n’avancera point: » ce qui ne s’exprime pas s’imprime. » Dit Jacques Salomé.
Certes, les journalistes libres, indépendants et engagés dérangent les dirigeants et les responsables, d’où l’acharnement des autorités sur chaque journaliste, honnête et incorruptible, qui refuse d’être sur la même longueur d’onde qu’elles.
Pourtant, le journaliste se doit d’être un observateur intelligent, avertit, crédible, mais surtout capable de critiquer vivement et objectivement sa société au point de déplaire, et de faire de la sociologie politique, en scrutant les moeurs de son temps, et en analysant surtout les intentions des hommes politiques, en vue de dénoncer leurs dérives et scandales.
Autrefois, dans le monde arabe, la liberté d’expression d’opinion, de pensée était réservée à la classe bourgeoise, à l’élite politique et aux parlementaires, et monopolisée par les médias publics, aujourd’hui, avec l’avènement de l’Internet, cette vertu est devenue l’apanage de tout le monde. Or, au moment où n’importe quel citoyen, européen ou américain ou encore israélien, pousse la liberté d’expression numérique à l’extrême, les États arabes, aux régimes totalitaires, tels que l’Égypte, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, continuent à persécuter, voire traquer des journalistes, des écrivains, des artistes, des youtubeurs, des facebookeurs, qui sont souvent des proies faciles à des arrestations musclées, et contraints de comparaître devant les tribunaux pour avoir osé critiquer ou caricaturer ou dénoncer les systèmes corrompus de leurs pays, les décisions absurdes de leurs gouvernements, les comportements déplacés de leurs dirigeants, l’abus de pouvoir d’un magistrat ou le verdict injuste d’un juge, l’idiotie d’une religion… D’où le dilemme des milliers de militants: exercer leur métier avec l’épée de Damoclès sur la tête, ou quitter la patrie et vivre en exil; ce qui pousse donc Amnesty internationale, l’Organisation mondiale des droits de l’Homme, Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes ou encore le Haut commissariat aux réfugiés à tirer le signal d’alarme.
Ironie du sort, la France, qui a inventé les droits de l’Homme et la liberté d’expression, cherche à museler l’éditorialiste et écrivain Éric Zemmour, en l’expulsant des télévisions tout en l’accusant d’incitation à la haine, alors que, emporté par son patriotisme démesuré, il s’est engagé à défendre haut et fort son pays contre l’immigration arabe et africaine et l’islamisme déchaînés, qui menacent l’identité, la sécurité et la civilisation françaises, et à barrer la route aux » adolescents politiques « , qui continuent de fantasmer sur un cosmopolitisme et un pluralisme culturel, devenus de plus en plus irréalisables à cause des guerres des idéologies et du choc des civilisations, ce qui embarasse le gouvernement français, ainsi que ses alliés en Afrique et au Maghreb; à moins que ces poursuites judiciaires et cette décision du CSA, dont zemmour est victime, ne soient des signes avant-coureurs du retour de la France à la dictature de Louis XIV.
Dès lors que la presse indépendante était et sera toujours l’incarnation, la colonne vertébrale et la pierre angulaire des libertés, et la tribune des damnés de la Terre, elle est le seul et ultime recours des peuples arabes pour revendiquer leurs droits et libertés, c’est pour cela que les systèmes policiers mettent des jougs aux journalistes afin de les empêcher de mener à bien leur beau et noble métier et de donner de la puissance au jounalisme arabe; surtout que les reporters, bien intentionnés, qui luttent contre la corruption et les inégalités et qui oeuvrent pour la souveraineté des peuples opprimés, s’appuient sur le constat et l’investigation pour dévoiler la face cachée des dirigeants et mettre à nu leurs horreurs, en brisant ainsi les tabous et interdits politiques qui entravent l’évolution de la société, et ce, en vue d’éclairer et guider les peuples; à l’instar de Marianne, dans le célèbre tableau d’Eugène Delacroix.
Par ailleurs, la démocratie participative implique toutes les catégories et couches sociales dans la gestion des affaires publiques. Donc, c’est normal que les journalistes s’indignent, voire se révoltent, puisqu’ils n’aiment pas l’autocratie; vu qu’ils sont les gardiens des principes et valeurs démocratiques, mais surtout les porte-parole inlassables de la masse populaire.
Et, si les textes juridiques et les tribunaux continuent à harceler les journalistes, en leur dictant ce qui doit être dit ou publié et ce qui ne doit pas être dit, il n’y aura pas de liberté d’expression, et s’il n’y a pas de liberté d’expression, il n’y aura pas de démocratie, car, c’est la liberté d’expression qui fait la démocratie. C’est simple, clair et net. Et, ça n’existe qu’en Corée du Nord, en Russie, en Chine…
Mettre un journaliste ou un écrivain ou encore n’importe qui, en prison ou dans le collimateur de la justice, parce qu’il a critiqué ou contesté une attitude, une décision, une idéologie politiques ou religieuses, qu’il a trouvées absurdes; parce qu’elles vont à l’encontre de la logique humaine et de la volonté du peuple, est une erreur flagrante et impardonnable.
Bref, la traque et la condamnation des journalistes, dans les pays arabes, devient une question de société majeure, qui interpelle l’ONU, les États-Unis, l’Union Européenne et les ONG sur l’absence de démocratie, la violation des droits humains et les inégalités.
Et honte aux dirigeants qui condamnent la presse et les libertés!
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