L’enseignement à distance et sa crédibilité
Zaid Tayeb
Comme je dispose d’un surplus de temps, confinement oblige, il m’arrive d’abandonner mes activités habituelles de lecture et d’écriture pour jeter un coup d’œil sur des plateformes à caractère éducatif. Ce regard d’un professeur appesanti par des années d’âge ne ressemble en rien à une brèche à colmater avec le premier matériau qui lui tombe sous la main, mais d’un professeur qui cherche à instruire et à s’instruire. Je voudrais voir ce qui s’y pratique, non par curiosité, mais par intérêt. Dans un cas comme dans l’autre, j’y ai plus à gagner qu’à perdre, autant à donner qu’à prendre.
Je me suis alors mis à la recherche de quelque site qui ait de l’intérêt pour moi et qui réponde à mon désir et à ma vocation. Je n’ai pas trop usé mes doigts et fatigué leurs articulations avant de tomber sur des sites et des personnes qui disent donner des cours à distance et là j’ai fait des découvertes hallucinantes. La première est que les plateformes sont infestées d’imposteurs, de faux professeurs ou de professeurs de peu de savoir ou d’un savoir mal acquis. Je conçois bien qu’il y ait ces types de personnes car je vis avec, les côtoie presque quotidiennement et les entends souvent parler entre eux sur les terrasses des cafés un cocktail mi-français, mi-arabe. J’avoue que je ne suis pas un bon phraseur mais rien ne peut m’échapper quand il s’agit d’écouter, d’observer et de retenir. Dès qu’une discussion s’engage sur quelque sujet qui se rattache à l’actualité : la pandémie du coronavirus, la conspiration contre l’humanité, la course à la suprématie entre les grands de ce monde, la tentative de l’instauration d’un nouvel ordre mondial , avant de conclure que le coronavirus n’est pas un virus naturel mais fabriqué dans les laboratoires pour réduire de manière massive la population mondiale, je deviens aphone, aphasique et ma langue se colle à mon palais, asséchée par un manque de fraicheur et d’humidité. J’avoue que je suis peu bavard quand il s’agit de parler en français en dehors d’un cadre pédagogique ou didactique pour deux raisons que je trouve largement suffisantes. La première est que je ne suis pas un francophone et que la parlotte n’est pas là où je me trouve au mieux. La seconde est qu’il n’y a aucune raison de parler une autre langue alors que ma langue maternelle suffit largement à exprimer les choses et les idées et de la meilleure des façons.
Ce que je ne trouve pas dans les discussions sur les terrasses des cafés, je le cherche sur les sites pédagogiques. Je ne veux pas nommer les sites, ni donner les noms des soi-disant professeurs qui donnent des cours à distance pour le compte des écoles privées. ‘’Au lieu de nous apprendre l’excellence de l’auteur, ils nous apprennent leur propre ignorance.’’* Les cours à distance, tels qu’ils sont pratiqués en cette période de confinement sur les sites sur lesquels mon doigt a malheureusement appuyé, trahissent à grande échelle le niveau des professeurs qui les donnent et la crédibilité des écoles pour qui ils sont donnés et au nom desquelles ils s’exercent, mais en même temps, point positif, ils alertent les parents sur la qualité de l’enseignement que leurs enfants reçoivent à distance et, par ricochet, sur place.
La méconnaissance des règles de la langue française par ceux et celles à qui il a été confié la charge d’accompagner in absentia nos enfants que la pandémie a réduits au confinement, règles d’orthographe liées à l’usage ou à la grammaire, de syntaxe de la phrase, de grammaire du texte, témoignent de la médiocrité , de la nullité, et peut-être même de la dangerosité de beaucoup de ces cours.
La seconde est plus accablante : les portails des écoles privées que je me suis permis d’ouvrir pour accéder à ces soi-disant cours, demandent aux parents d’élèves de s’acquitter de ce qui leur est dû .
*Montaigne ; Essais, livre III, Tome 5; chap. IX
Zaid Tayeb
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