LE MOUSSEM DE SIDI AHMED OULMAGHNI TRES FOLKLORISE PAR LE MOUSSEM DES FIANÇAILLES UNE ŒUVRE DE L’ADMINISTRATION
Dimanche 22 septembre dernier ; le rideau est tombé sur le Moussem des fiançailles d’Imilchil coïncidant avec la 16ème édition du Festival des musiques des cimes organisé à Imilchil relevant de la province de Midelt.
La cérémonie d’ouverture du Moussem des fiançailles qui s’est étalé sur trois journées a été marquée par des présentations musicales animées par troupes folkloriques locales, qui ont interprété des chants reflétant les spécificités culturelles de cette région du Royaume, une visite au mausolée de Sidi Ahmed El Maghni, ainsi que par l’organisation d’une exposition des produits du terroir de la province de Midelt initiée par des associations locales avec à leur tête l’Association Akhiam pour le développement économique et social partenaire des organisateurs
Au programme de cette manifestation de trois jours, organisée du 20 au 22 septembre 2019 à l’initiative de la préfecture de Midelt, du Conseil de cette province, des communes d’Imilchil et de Bouzemou, de l’Association Akhiam et de plusieurs autres partenaires et associations de la société civile, une exposition d’art plastique de l’artiste Hasnae Ouamou, des soirées musicales et artistiques, ainsi qu’une course sur route.
Cette manifestation culturelle et artistique permet aux visiteurs de découvrir l’une des plus belles régions du Maroc qui regorge de ressources et de potentialités naturelles, ainsi que ses spécificités socioculturelles et artistiques.
Pour mieux comprendre le pourquoi de ce Moussem des fiançailles et ce festival de la musique des cimes d’Imilchil et avoir une idée sur le mariage dans la Tribu d’Ait Hdiddou concernée par ces deux événements, nous avons contacté l’écrivain et chercheur Bassou Oujabbor originaire de cette tribu ancestrale qui a bien voulu se prêter a notre petit jeu de Question/Réponse en nous accordant cette interview :
Question : Si on parle un peu de ce patrimoine immatériel représenté par le Moussem de Sidi Ahmed Oulmaghni d’Imilchil connu depuis les années 60-70 par : « Moussem des Fiançailles d’Imilchil » ?
Réponse : Le Moussem de Sidi Ahmed Oulmghenni est effectivement, comme vous le dites, très folklorisé. Cette action est l’œuvre d’administrateurs marocains pour attirer les touristes au début des années soixante sans le moindre respect pour notre culture. Ils se sont accaparé l’espace du Moussem de Sidi Ahmed Oulmghenni pour y implanter un marché de rêveries et de fantasmes pour touristes. En toute candeur, des familles ont laissé leurs enfants participer à ces « fiançailles » mais à la longue, les caméras ont éloigné les familles qui tenaient à marier leurs enfants dans le respect. Depuis plusieurs années, pour pallier au nombre décroissant de couples à marier, des administrateurs du même acabit que les premiers ont pris la décision de faire venir des couples des tribus voisines pour les marier lors du Moussem. Les images diffusées par les médias nous ont valu et nous valent encore des moqueries sur tout le territoire marocain sous prétexte que nous vendons nos femmes. Les boutades du genre « Est-ce que 200 dirhams me suffiraient pour venir acheter une femme chez toi ? » fusent.
Devant de telles provocations émanant parfois de personnes apparemment respectables, j’ai dû répondre un jour devant une assemblée que les femmes de chez moi n’épousent que les hommes. Aussitôt, j’ai entendu : « Prétends-tu que je ne suis pas un homme ? » « Un mâle, tu l’es, ai-je répondu. Mais un homme ne tiendrait jamais les propos que tu m’as tenus. » . A propos d’argent, j’aimerais préciser que la dote nous a été imposée par l’administration marocaine. J’ai toujours entendu que nos femmes se résignent à recevoir une dote symbolique pour l’obtention de l’acte de mariage, mais sitôt sorties, elles remettent l’argent aux maris. Elles se considèrent en général égales aux hommes. J’en veux pour preuve le fait qu’elles ne se rabaissent pas à laver les vêtements de leurs maris. Ces derniers lavent les leurs et ceux de leurs enfants mâles le temps qu’ils apprennent à les laver eux-mêmes. Bien sûr, les temps ont changé, mais si je vous disais que je n’ai jamais vu ma mère laver le moindre vêtement à mon père ou à moi-même, n’y aurait-il pas là matière à réflexion pour certains donneurs de leçons sur l’égalité des sexes qui nous rendent visite périodiquement ? Rien que pour cette raison, Imilchil ne doit pas être comparé à Souk Annikhassa d’Arabie où l’on vendait encore en 1964 des hommes et des femmes malgré l’abrogation de l’esclavage par les Nations Unies en 1962.
Question : Pourquoi alors ce festival de la Musique des cimes organisé depuis déjà 16 ans à Imilchil en parallèle avec le Moussem de Sidi Ahmed Oulmaghni ?
Réponse : De peur que le boycotte de cette fête annuelle qui attire les étrangers ne s’amplifient d’avantage, ces forces occultes, comme vous les appelez, ont eu recours à un nouveau stratagème. Elles ont inventé un festival qu’elles ont appelé Festival des Chants des Cimes. J’y ai participé pendant plusieurs années comme animateur avant de comprendre que nous avons été dupés. Je croyais que je participais à la promotion de la culture amazighe. J’y avais mis du cœur. Mais il m’a fallu du temps pour comprendre qu’on avait simplement changé l’appellation « Festival des Fiançailles » par « Festival des Chants des Cimes » tout en gardant la même volonté mercantile. Les gens, des pacifiques notoires, ont fini par réagir avec des invectives avant de passer la dernière fois à la violence en lançant des projectiles sur les artistes qui montaient sur scène. Le mot fiançailles est aujourd’hui exécré chez moi parce que des administrateurs ont fait de nos femmes un sujet tabou. Ajoutons à cela le fait que nombre de chercheurs occidentaux ont écrit sur Aït Hdiddou sans jamais découvrir la véritable richesse immatérielle de cette tribu foncièrement pacifique, laquelle richesse qui faisait sa cohésion et sa ténacité dans les pires moments ou dans des combats meurtriers. Cette cohésion émane de deux choses qui me paraissent capitales : d’abord, l’indéfectible relation qui existe entre les époux et de l’éducation que les ancêtres avaient tenu à perpétuer en ce sens. Ensuite, l’humour décapant qui désenfle les têtes et nous fait garder les pieds sur terre. Les chercheurs ne s’y sont jamais consacrés jusqu’à présent. La raison en est qu’ils ne se sont jamais intéressé qu’aux hommes et que leurs traducteurs ont souvent été des personnes imbibées d’autres cultures où l’homme est dominateur dans la vie conjugale. De ce fait, on a cru que nous étions des phallocrates parce qu’il existe une image qui frappe toujours les visiteurs : des femmes dans les champs sans la moindre présence masculine. Mais ; ce que tout le monde ignore c’est que l’homme et son épouse se partagent tous les travaux en se réservant chacun ses tâches selon ses capacités physiques, que ce soit dans les champs ou à la maison. Les hommes labourent, les femmes sarclent ; les femmes fauchent le blé, les hommes le transportent etc. Les femmes choisissent généralement la même date pour chaque activité, question d’avoir de la compagnie, mais sans la présence des hommes et vis-versa.
D’autre part ; il y’a lieu de signaler que si aujourd’hui Facebook a fleuri aux quatre coins du monde favorisant les rencontres en vue de mariage sans l’intervention des parents, la tribu d’Aït Hdiddou le fait à sa manière depuis la nuit des temps ; hommes et femmes non mariés peuvent faire connaissance et discuter en public sur tout le territoire d’Aït Hdiddou et pas seulement à Imilchil. Il est inconcevable qu’une jeune fille se marie avec un homme qui ne lui plait pas. Elle seule peut décider de la date de son mariage et de sa vie de couple. De ce fait, elle n’accepte pas la bigamie. Le divorce est rare. Quand il survient, la divorcée n’est pas une honte pour sa famille car nous savons qu’elle n’a choisi la séparation que pour une incompatibilité de caractère et non pour autre chose, ce qui facilite amplement le remariage. J’ai côtoyés des occidentaux qui se demandent encore comment une telle culture a pu subsister dans un pays où des adultes nés dans des grandes villes ne peuvent pas choisir leur conjoint sans le consentement et les interventions de leurs mère, père, sœur, frères, tantes et j’en passe. Je parle du XXIème siècle. On me pose souvent des questions sur la différence entre les coiffes qui ornent la tête de nos femmes. Je profite de l’occasion pour expliquer aux lecteurs qui se poseraient la même question : La coiffe de la jeune fille épouse la rondeur de sa tête. La femme mariée et la divorcée portent toutes les deux une coiffe pointue, mais nous savons très bien faire la distinction entre les deux pour éviter tout malentendu. Il y a le voile qui couvre la bouche de la mariée ; il y a aussi une différence dans le maquillage et il y a surtout le regard qui ne trompe pas ; la femme mariée, si elle vous parle, sera laconique. On évitera donc toute conversation avec elle. Ces mêmes occidentaux que j’ai connus regrettent de ne pas comprendre le tamazight pour profiter de notre humour décapant parce qu’ils ont appris que nous pratiquons l’autodérision à outrance et nous flirtons avec l’athéisme. Il suffit de demander aux berbères du Haut Atlas et du Moyen Atlas de vous parler de l’humour des Aït Hdiddou et ils éclateront de rire avant de vous raconter quelques blagues du terroir. Dieu, les anges, les prophètes et le commun des mortels peuvent nous aider à passer d’agréables moments. Nous sommes pourtant extrêmement croyants. J’ai la nette certitude après de nombreuses années de recherches que le monde biblique était beaucoup plus vaste qu’on ne le pense et que l’image de l’Islam véritable ne nous est pas étrangère depuis Abraham. Il y a une vingtaine d’années, j’ai fait un sondage auprès de plusieurs personnes d’âge respectable pour savoir pourquoi nous intégrons la religion dans nos anecdotes. Ils ont tous éclaté de rire avant de me répondre. J’ai essayé de faire un résumé de leurs réponses en essayant de leur rester fidèle, ce qui a donné ce qui suit : « Nous ne craignons pas le feu de l’enfer parce que nos parents nous ont bien tracé le chemin de l’honnêteté. Les humains devraient craindre leur conscience avant tout. Enfin, Allah est tellement grand qu’il ne va pas se rabaisser à nous punir pour des blagues. Il devrait plutôt se réjouir de nous voir nous marrer dans un bled où les pâturages sont minuscules et où le gèle nous immobilise pendant des mois pendant que d’autres ne cessent d’amasser et de s’empiffrer nuit et jour en regardant le ciel pour se plaindre qu’ils n’ont pas assez. » De telles réflexions m’ont marqué et m’ont d’avantage rattaché à ce coin perdu du Maroc dit inutile.
Question : Dans ce même ordre d’idées, voulez vous bien nous parler un peu du Rituel du Mariage chez les Ait Hdiddou et de sa relation étroite ave le Moussem de Sidi Ahmed Oulmaghni?
Réponse : Le mot Moussem a une connotation religieuse. Il concerne une fête religieuse. Quant à Sidi Ahmed Oulmaghni, il a vécu il y a quatre siècle. Comme pour tous les saints dans le monde, les visites répétées à sa tombe ont engendré des rassemblements répétitifs qui ont fini par se fixer après les moissons. C’est le cas de tous les rassemblements autour des tombes des saints du Maroc où ils s’appellent tous Moussem. A Imilchil, ces rassemblements, à l’origine religieux, ont fini par donner naissance à leur tour à un commerce régional qui s’est amplifié pour donner un marché annuel appelé Souk 3am où l’on exposait, plus qu’aujourd’hui, toute sorte de marchandises provenant du Haut Atlas, du Moyen Atlas et du Sahara.
Aux dires de certains, Sidi Ahmed Oulmghenni serait venu de Tunisie. D’autres racontent qu’il serait originaire du Sahara. Ce dont je suis sûr, c’est que la tombe de son père, Sidi Oulmghenni se trouve sur le territoire d’Aït Hdiddou au lieudit Aqqa N’Ougni, à 2 km de là. Contrairement à son père qui avait consacré sa vie à la méditation, ce saint-homme a passé la majeure partie de sa vie à dénouer les problèmes entre les tribus en usant de serments religieux. Pour que vous puissiez percevoir l’amalgame à la base de cette confusion, je puis vous assurer que ce saint-homme, qui avait choisi le célibat, ne s’était jamais immiscé dans aucune quelconque affaire de femmes en général ou de fiançailles en particulier. Imaginez que l’administration marocaine nous refuse depuis des décennies l’affectation d’un juge à Imilchil pour nous forcer à nous marier selon ses désirs lors du festival qui n’a aucun lien avec le Moussem. Pour l’acte de mariage, nous devons quitter le territoire d’Aït Hdiddou. Pendant de nombreuses années, même loin de chez nous, on nous refusait le mariage dès l’approche du Moussem pour nous forcer à nous marier à une date et un lieu qu’on a choisis pour nous. Ce festival des fiançailles me fait penser à Disneyland où des personnages de Walt Disney accueillent les touristes avec un grand sourire alors que des jeunes gens, souvent sous-payés, étouffent sous l’accoutrement de ces mêmes personnages pendant d’interminables journées. Les américains sont les premiers à avoir affirmé que le tourisme est une industrie. Les industriels dans leur grande majorité commencent par nous vendre du rêve et finissent par nous faire avaler tout et n’importe quoi avant de se liguer pour nous priver de ce qui est le plus beau. C’est-à-dire la liberté de penser et d’agir dans le respect des autres.
Question : Vous êtes écrivain autodidacte et chercheur dans le patrimoine culturel amazigh. Peut-on connaître un peu vos principales préoccupations culturelles de recherche et vos différentes publications littéraires ?
Réponse : En utilisant le mot préoccupation vous me facilitez la tâche en me donnant l’occasion de l’utiliser dans ma réponse, tout d’abord dans le sens de l’inquiétude avant de l’utiliser dans le sens d’occupation. Je serai toujours préoccupé par la mésentente entre les différentes communautés culturelles et linguistiques constituant la nation dont je fais partie. Je resterai toujours préoccupé tout autant par les problèmes religieux qui engendrent la haine et la violence de par le monde. Cette anxiété influence forcément mes préoccupations culturelles qui consistent, à mon humble niveau, à apporter une pierre à chaque personne pour bâtir un édifice pour la Paix, pour autant qu’il en veuille. Je participe autant que je peux par différents moyens, y compris par l’écriture. Je vous livre un aperçu sur mes publications :
1- « Imilchil, la mémoire collective »: ce livre est un rappel historique des batailles contre le colonisateur qui ont eu lieu dans la région, avec un portait de ses leaders et ses combattants qui s’y sont illustrés. Une place, non moins importante est accordée à la poésie, en l’occurrence féminine et son rôle dans la galvanisation des combattants.
2- « Les roses des cimes » et « Les eaux des étoiles »: sont des condensés de poèmes amazighs personnels.
3- « Les murmures de la lune » : compilation de poèmes personnels en arabe classique.
4- » La volonté de l’impossible » : Biographie d’un ami, Lahcen Talba, un homme d’affaires originaire de Zagora au parcours exceptionnel.
5- L’encyclopédie du patrimoine culturel oral de la région du Tafilelt : Contribution dans l’élaboration de cette œuvre collective d’envergure par l’apport de plus de quatre cents citations locales séculaires.
6- A la demande de l’association Okad de Beni-Mellal, j’ai rédigé des petites histoires sur l’eau illustrant les images des sites touristiques de la région.
Question : Un dernier mot concernant vos projets à venir ?
Réponse : Ces anxiétés dont je viens de vous parler me poussent à m’intéresser à l’histoire des autres peuples, et tout particulièrement à ceux du bassin méditerranéen. Car j’entends souvent parler des apports des grecs, des phéniciens, des romains, des arabes, des français et j’en passe. Je me demandais souvent si le Maroc n’avait rien apporté d’utile au monde. J’ai finalement découvert, et je ne suis pas le seul, que cette terre avait apporté bien avant J.C son lot de civilisation pour l’humanité, et pas le moindre. J’y travaille avec des amis experts en histoire des civilisations antiques. Ils préfèrent garder l’anonymat pour l’instant. C’est passionnant, d’autant plus que les plaines, autant que les montagnes, recèlent des renseignements sur un monde oublié qui aidera à résoudre des énigmes dans les conflits religieux.
INTERIEW REALISEE PAR
MOHAMMED DRIHEM
Autobiographie de l’écrivain et chercheur
autodidacte Bassou Oujabbor
Devant votre sincérité convaincante, je me félicite de l’intérêt que vous portez pour la région d’Imilchil et à la tribu d’Aït Hdiddou en particulier. On pense toujours qu’une personne qualifiée de poète a la langue pendue et peut parler avec aisance de tous les sujets qu’il choisit d’aborder. Cela n’est pas le cas pour moi quand il s’agit de parler de mon adolescence qui se résume en un cheminement aléatoire à la recherche du savoir. J’insiste sur le mot cheminement parce que je me suis senti comme jeté à l’âge de dix ans dans un labyrinthe souterrain sans la moindre petite flamme pour me constituer des repères et découvrir un jour la Lumière qui n’était pour moi que celle du savoir. Cela s’est produit quand l’accès à l’école fraîchement construite dans mon douar me fut interdit sous prétexte que j’avais passé l’âge de la scolarisation. Je vous passerai les détails sur ma douleur qui va se transformer en une souffrance quotidienne après tant de mois à espérer et à rendre visite tous les jours au chantier de l’unique salle de cours qui allait être la première école de mon douar. Mon école. L’entrée scolaire s’est faite sans moi. S’en est suivi les larmes tous les jours et des cauchemars toutes les nuits. A l’heure de la récréation et à la fin des cours, j’allais à la rencontre des élèves, ces heureux « élus », pour m’enquérir de ce qu’ils avaient appris et admirer toutes les fournitures scolaires qu’ils exhibaient fièrement. Les livres et les illustrations qu’ils contenaient exerçaient sur moi une fascination difficile à décrire. C’est à peine si je pouvais les toucher, les palper et humer leur papier fraîchement imprimé. J’en profitais pour bombarder mes copains écoliers de questions auxquelles les plus studieux répondaient sans la moindre hésitation. C’est ainsi que les élèves sont devenus mes premiers enseignants. Les boites d’allumettes et les paquets de thé sont devenus mes premiers livres et les couvertures bleues et blanches des pains de sucre mes premiers cahiers…crayons… Ma soif d’apprendre devenait de plus en plus insatiable, dévorante même. Mon père se rendit compte que mon état se dégradait et que je risquais de perdre la raison. Sur conseil d’un sage de la tribu, il décida alors de me conduire au sud du Maroc dans une école coranique. Malheureusement le maître pendait les élèves au plafond par les pieds pour leur assener des coups avec une cravache taillée dans un pneu de voiture. Je m’en plaignis à mon père dès sa première visite. Il m’emmena encore plus au sud dans une école coranique où je compris pour la première fois dans ma vie que la couleur de peau pouvait m’attirer des réflexions désobligeantes ; pour mes camarades de classe j’étais l’étranger au teint clair. Et rebelote pour un autre déplacement. Cette fois-ci, c’est dans une Zaouia que j’atterris et où je fus accueilli par un homme qui se distinguait par sa grâce et par la délicatesse de ses paroles. Un adolescent qui exècre l’agressivité et la violence ne pouvait qu’aimer cet homme qui fut à l’antipode de ce personnage sadique et violent qui pendait ses élèves par les pieds pour les rapprocher d’Allah à coups de cravache. J’apprendrai plus tard qu’il s’agissait de Sidi El Haj Mohamed Ben El Mecqui, une grande figure du soufisme marocain. Cet homme merveilleux dispensait ses cours dans la sérénité la plus totale. La douceur et l’incommensurable générosité qui le caractérisaient ne pouvaient que pousser celui qui l’écoutait à s’élever par la contemplation à la recherche de l’amour de Dieu. En bon maître, il ne quittait jamais ses élèves depuis la première prière jusqu’à l’heure du coucher, à l’exception des jours où il recevait des personnalités. Je dis personnalités parce qu’elles arrivaient dans des limousines souvent accompagnées par des véhicules des forces de l’ordre. Cela dit, cet homme qui sortait de l’ordinaire fascinait l’assistance quand il psalmodiait le coran ou entamait un chant liturgique. C’est sous son charme que j’ai commencé à écrire en arabe des vers à tendance religieuse avant de le faire en tamazight.
1 Comment
Excellent article !!!
Enfin, des vérités qui sortent.