Il n’y a pas plus haut, plus fort et plus juste que la voix du peuple
Depuis quelque temps, il n’est question que de boycotter certains produits de consommation quotidienne. Seule la manifestation du dimanche 8 mai des professeurs recrutés par contrat a en partie couvert la campagne de boycott qui entre dans sa troisième semaine. Le plus curieux dans cette affaire et qui est également difficile à comprendre dans un pays qui se dit à institutions, est que l’Etat, avec toutes ses institutions est restée muet et inactif, comme frappé par la paralysie et l’aphasie, face à ce bras de fer qui oppose les consommateurs aux producteurs ou distributeurs . Pire encore. Les boycotteurs, qui sont les consommateurs des produits boycottés, qui ne sont rien d’autre que le peuple que la cherté de la vie a poussé au refus de consommer, subissent tous les affronts, de la part de ceux-ci et de ceux-là. Quand les affronts, les insultes et le mépris nous viennent de personnes qui sont à notre mesure, nous pouvons les comprendre, les rendre ou les ignorer, mais quand ils nous viennent des membres du gouvernement ou des députés que nous avons portés à ces postes générateurs de richesses, de prestiges et de privilèges, nous ne pouvons ni les comprendre, ni les rendre, ni les ignorer. Au contraire, ils participent à l’éveil d’une conscience qui jusqu’alors hibernait en nous. Quand un ministre nous traite de « mdawkhine » (« étourdis » pour ne pas traduire « idiots »), quand cet autre qui nous qualifie de « majhouline » ( « anonymes »pour ne pas traduire « enragés ») quand , pour cette députée, nous sommes « 9ati3 » ( « troupeau » pour ne pas traduire « meute » ou « horde »), le langage est clair, le message reçu et l’affaire scellée et la rupture consommée. . Voilà tout ce que nous sommes pour ceux pour qui nous avons voté. Entre le peuple et le gouvernement, le fossé est désormais creusé et conjointement de la main des deux autorités : législative et exécutive. Le peuple est ‘’unanime’’ pour avoir refusé de consommer les produits qu’il boycotte à cause de leur cherté, cherté excessive et injustifiée. Comment tout un peuple peut-il être « «anonyme » alors qu’il est ‘’unanime’’ ? Pour qu’il ne soit pas ‘’anonyme’’, il doit prendre forme humaine, sortir dans les rues en ‘’ meutes’’ ou en ‘’hordes’’ comme des ‘’ idiots’’ ou des ‘’étourdis ‘’ pour appeler au boycott. C’est sans doute la seule forme de manifestation qui pourrait convaincre monsieur le ministre que les boycotteurs sont de chair et d’os. Mais l’époque où les manifestants sortaient dans les rues pour se faire tabasser par les forces de l’ordre est révolue, et monsieur le ministre ne s’en réjouira pas !!!
Le silence du gouvernement concernant la campagne du boycott s’interprétait déjà comme une complicité avec les sociétés boycottées et un parti pris pour elles. Le communiqué du porte parole du gouvernement vient à point nommé confirmer cette complicité. Avant de réagir au boycott, le porte parole aurait dû recadrer les ministres qui avaient pris la parole pour insulter les boycotteurs qui sont les citoyens que la cupidité, l’avidité et la rapacité des sociétés animent. Comment le petit citoyen peut-il acheter un litre de lait à 7 dh, une bouteille d’eau d’un litre et demi à 6 dh et un litre d’essence ou de diésel à plus de 10dh ? La teneur du communiqué du porte parole du gouvernement n’avait rien de surprenant , d’inattendu ou d’inhabituel. Le communiqué ne pouvait qu’aller dans le sens des intérêts des sociétés que le gouvernement lâche sur les citoyens que le poids de la cherté de la vie écrase, anéantit, ruine. Cela ne pouvait pas être autrement puisque l’une des sociétés visées par le boycott appartient à un puissant ministre, celui-là même qui a bloqué la constitution du gouvernement pendant 6 mois. Celui-là même qui a imposé les partis qui devaient former le gouvernement ‘’ à référentiel religieux’’, celui-là même qui mène le jeu de la politique. Le ton du communiqué ‘’lu’’ par celui qui ‘’porte la parole’’ des autres ne pouvait pas être différent de celui qu’il devait simplement lire sur un papier qui devait lui avoir été remis par le patronat avec tout ce qu’il pouvait contenir de menaces et d’intimidation contre le peuple s’il refuse de consommer.
Après le communiqué du porte parole du gouvernement, la rupture entre le peuple, le gouvernement et le patronat semble consommée. En effet, le gouvernement s’est rangé du côté du patronat contre le peuple qu’il refuse d’écouter et qu’il menace de traduire en justice.
Après tout, le peuple emprunte le pas aux responsables qui le gouvernent. Si les citoyens boycottent certains produits de consommation parce qu’ils sont chers pour leur petite bourse, les responsables, les ministres qui nous insultent ou nous menacent, entre autres, boycottent l’école et l’hôpital publics, les magasins d’habillement, les sites touristiques et les hôtels du pays etc.….pour leur médiocrité. Ils se soignent à l’étranger, scolarisent leurs enfants dans des instituts français ou anglais, font du shopping et passent leurs vacances à l’étranger…
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