L’étude de la lumière dans l’Antiquité
Dès l’annonce de l’année 2015, comme Année internationale de la lumière par l’ONU, nous avons proposé aux lecteurs/lectrices de ce journal un premier article résumant l’événement d’une part et d’autre part, parcourant toutes les étapes qu’a connues l’interprétation de l’effet lumineux. L’article en question est daté du 27 janvier 2015, intitulé «2015, Année internationale de la Lumière, en l’honneur d’Ibn-Al-Haytam». Dans ce même article, nous avons promis aux lecteurs/lectrices de consacrer une série d’autres articles parlant
des recherches et des théories faites sur la lumière pendant les trois phases du savoir qu’a connu l’humanité : l’Antiquité, le Moyen-Age et les temps modernes. Ce premier article portant un tel titre est consacré aux avancées scientifiques entre le Vème siècle avant J. C. et le IIIème après J. C.
Si l’homme a choisi l’image de la lumière pour symboliser le passage du néant à l’être, c’est bien parce que cette lumière dans toutes les sociétés et à toutes les époques a eu une importance primordiale tant sur le plan matériel qu’au niveau de l’imaginaire. La lumière est donc à l’évidence une composante fondamentale de notre vie, et pour s’en rendre compte, il revient juste de comparer un individu à vue saine et un autre à qui manque la vue, un aveugle.
L’interprétation et l’explication de l’effet de cette lumière furent d’abord ‘’ métaphysiques’’ avant même d’être ‘’philosophiques”. Sur le plan réel, la lumière symbolise la vue et existe donc bien dans notre conscience et véhicule notre quotidien, car elle est le fruit d’abord d’un instinct et ensuite d’une tradition plus que millénaire dans toutes nos civilisations.
Parallèlement à cette démarche philosophique, l’homme petit à petit s’est interrogé sur la nature physique de la lumière. Dans ce domaine comme dans la plupart des autres domaines ailleurs, c’est en Grèce antique que l’on trouve les premières interrogations et surtout les premières réponses “non métaphysiques” sur le sujet. Malgré tous leurs efforts, les Grecs ne disposant pas d’outils pratiques/abstraits suffisamment fins, se borneront à discuter des rapports entre la lumière, le feu et la vision, c’est-à-dire le fonctionnement de l’œil. C’est en Europe et ce n’est qu’à partir de la fin du XVIème et le début du XVIIème que commencera à se dévoiler la nature profonde de cette substance si commune qu’est la lumière.
A travers ce premier article de la série, nous tentons d’une part de passer en revue comment l’homme a petit à petit découvert la nature physique très complexe de la lumière et nous intéresser aussi à la vision, qui est un passage obligatoire, car c’est sur le mécanisme de cette vision basé sur une interaction lumière-matière, que les grandes questions furent posées.
La première question posée fut d’abord: qu’est-ce que la lumière ? La réponse que nous donnons n’est pas celle d’aujourd’hui à laquelle nous parviendrons tout au long de cette série d’articles, mais celle que donnaient les anciens grecs. Lesquels n’ont pas “percé” le mystère de la lumière ; néanmoins, ils se sont posé les bonnes questions et ont tenté cependant de donner des éléments de réponses.
Ces théories antiques ont d’abord concédé à la lumière une sorte de prédominance mythique dans un sens où il s’agit alors d’un feu qui constitue la forme primitive de cette lumière. Dans le système de pensée philosophique du Vème siècle av. J. C., ce feu réalise l’unité de toute chose; il constitue la règle des transformations de la matière et préside à ses bouleversements. Deux courants de pensée sont nés simultanément : le courant des mathématiciens ayant comme père fondateur Pythagore, et celui des physiciens ou des atomistes avec Leucippe comme fondateur.
Pour les disciples de Pythagore (courant des mathématiciens), la lumière permet une harmonisation de la connaissance. Nous voyons grâce à la lumière qui sort de nos yeux, pour quelle raison ne voyons-nous pas dans le noir? C’est un feu visuel ou un feu intérieur adapté à la diversité du monde qu’il permet d’explorer. Pour les disciples de Leucippe (courant des physiciens-atomistes), les plus célèbres étant Démocrite et Epicure, ils traitent la vision à l’exemple du toucher, qui s’accomplit par l’action matérielle d’un corps sur un autre. Ainsi la réplique fidèle d’un objet constitué matériellement d’atomes émis par sa surface, se détache et se propage dans l’espace jusqu’à l’observateur. A ce sujet, Démocrite a écrit : « Ce que nous appelons la lumière est constitué par des atomes émis par un corps lumineux, laissant une impression de lumière dès qu’ils le rencontrent. ». L’existence de ces simulacres trouve un support dans certaines émanations : la fumée du bois, la chaleur du feu, la mue qu’abandonnent les serpents et l’enveloppe entourant les veaux à leur naissance, etc…
Platon opère la conciliation des deux schémas et pour lui, la vision résulte d’une communion entre le feu externe du monde qui nous entoure et le feu intérieur qui compose notre âme. Par là, il a tenté l’explication de la vision en conférant un rôle actif à l’œil qui devient émetteur d’un feu visuel qui va à la rencontre du feu externe qui provient des objets vus, à la faveur de la lumière du jour : de cette rencontre des deux semblables naît la vision.
Les théories philosophiques vont bientôt se fragmenter en plusieurs courants, sans cesser de constituer en soi des théories scientifiques plus portées sur la vision, bien plus que des théories sur la nature de la lumière elle-même. La question qui s’est posée est en effet : «Comment voyons-nous? » et non pas «Quelle est la nature de l’agent qui nous permet de voir? ». En résumé, selon la réponse à cette première question, on peut distinguer donc trois types de théories : la lumière peut, en effet, avoir sa source dans les objets eux-mêmes (théories du feu externe), dans l’œil qui voit (théories du feu visuel ou feu interne), ou bien dans les deux à la fois.
Notons que dans toutes ces conceptions, la nature continue ou discontinue de la lumière que nous connaissons comme acquis de la physique moderne, son mode de propagation ne joue aucun rôle. Ces théories peuvent paraître naïves de nos jours, non seulement elles manquent de considération, mais elles s’effacent complètement si l’on songe au mécanisme de “vision artificielle” mis en œuvre dans un radar, à la transmission par fibre optique ou à l’éclairement par des sources laser, etc.
Théorie du feu
(ou du rayon) externe
Ce qui est proposé dans une de ces théories, c’est un cosmos fondé sur la présence de quatre éléments (feu, air, eau, terre). Après l’époque de Leucippe, certaines théories du feu externe avaient décomposé ce feu en images fidèles dites ‘’eidola’’, de formes réduites des corps matériels. Cette miniaturisation qui conserve au corpuscule lumineux les multiples qualités de l’objet, s’affirme chez Démocrite/Épicure, dont la théorie scientifique sera vulgarisée plus tard par Lucrèce. Les «simulacres» qui produisent alors la vision et même les phantasmes des rêves possèdent toutes les qualités des corps dont ils proviennent. Au contraire, ces images fidèles vont se fragmenter, soit d’après un atomisme des qualités (chaque image correspond alors à une propriété, couleur, odeur, etc.) déterminée, soit d’après les seuls critères de l’étendue et du mouvement. Tels sont les atomes de Démocrite, atomes dépourvus de toute autre qualité sensible. La vision résultera ainsi de la collision entre ces atomes et l’œil, mais ces derniers ne sont pas spécifiques au seul feu externe.
Les théories du feu (ou
du rayon) visuel
Les théories du feu visuel (rayon visuel) affirment, au contraire, que l’œil, et non pas les objets vus, est le siège d’une émission permettant la vision. Cette opinion fut admise et même défendue par l’importante école pythagoricienne, mais son représentant scientifique le plus brillant reste certainement Euclide. Celui-ci est bien le fondateur de l’école d’Alexandrie, auteur des deux ouvrages : l’Optique et la Catoptrique, qui auront un succès considérable puisqu’ils seront réédités pendant sept siècles, où il énonce sous forme géométrique, de nombreuses lois tirées d’expériences qu’il ne décrit pas. A propos de la réflexion sur un miroir-plan, il énonce que l’angle du rayon incident (venant de l’œil) avec la normale au miroir est égal à l’angle séparant cette normale et le rayon réfléchi (allant à l’objet); il a même établi les lois de la réflexion sur des miroirs concaves, convexes et aborde, avec moins, de succès l’étude de la réfraction.
Il n’est pas étonnant que ce dernier ait déduit des conséquences aussi remarquables et aussi rigoureuses d’une théorie du feu visuel : le principe du retour inverse de la lumière autorise toutes les constructions d’Euclide, fondées seulement sur la notion de rayon lumineux et de propagation rectiligne. Bien mieux, ce principe les simplifie et les facilite.
Les disciples d’Euclide, vers 150 av. J. C. puis, au Ier siècle de notre ère, Claude Ptolémée et Héron d’Alexandrie vont admettre des principes analogues et développer leurs conséquences avec succès. A la même époque, c’est-à-dire la seconde moitié du IIème siècle après J. C., Galien étudia la structure de l’œil sans en déduire un mécanisme de la formation des images.
Les théories mixtes
de Platon
Les théories mixtes ont une double origine : la doctrine des quatre éléments (feu, air, eau, terre) et l’hypothèse d’un feu visuel. La vision humaine résulte ainsi d’une interaction de ces deux courants. Selon Platon, la vision naît d’une adaptation réciproque de l’agent (la lumière, le feu) et du patient. D’une manière plus précise, les couleurs sont produites par des modalités particulières de cette réciproque adaptation. Le raisonnement est le suivant : si le feu externe est constitué par des particules plus étendues que celles du feu visuel, le feu externe rassemble le feu visuel et produit la sensation de noir. Si le feu externe, au contraire, comporte des particules plus petites, il en résulte l’impression de blanc. Les autres couleurs découlent de proportions diverses et de mélanges variés. D’une manière ingénieuse, une théorie mixte permet d’interpréter les caractéristiques des images obtenues par réflexion, en particulier l’inversion droite et gauche de ces images par rapport à l’objet après réflexion sur les miroirs plans ou concaves.
Les soucis de Platon et d’Aristote sont conceptuels et touchent philosophiquement à la nature de la lumière. Leurs réflexions philosophiques n’aboutissent pas à un modèle qui puisse décrire les phénomènes optiques. A l’inverse, chez Euclide, le souci est de rendre compte des « illusions » d’optique, par une méthode scientifico-géométrique. Donc, Euclide a accompli un travail historique dans la géométrisation de l’optique : la lumière se propage suivant des lignes droites, au sens mathématique, sans épaisseur : les rayons. Ce modèle mathématique fonde l’optique géométrique utilisée de nos jours dans la plupart des cas usuels. Ce travail gigantesque de géométrisation ressemblant beaucoup à celui accompli par Maxwell quant au passage d’une simple géométrie d’Ampère-Faraday à une géométrie propagative de l’électromagnétisme.
Quelles sont les propriétés de ces rayons? Quel est leur sens de propagation? Euclide utilise dans certaines démonstrations, comme un rayon allant du soleil vers l’observateur et postule que les rayons solaires sont loin d’être les seuls rayons lumineux et la définition émise de l’Optique est sans équivoque. Il développe au même titre une théorie de la vision et donne la signification suivante : que les rayons partent de l’œil et divergent pour atteindre les objets dans toute leur étendue, qui est une supposition et au même temps une hypothèse de travail. Et par cette théorie du rayon visuel, Euclide reprit la thèse des pythagoriciens.
Lucrèce et la vision
Lucrèce est un savant et philosophe romain du Ier siècle avant J. C. (98-55 avant J.C. ), qui a pris le relais scientifique de la démarche philosophique des atomistes (Démocrite-Epicure), pour étudier la lumière et la vision. En effet, motivé par un sujet d’optique très discuté à l’époque, qui est situé entre le mythe et la réalité par les historiens : l’étude de la réflexion par des systèmes comme ceux de la forme des miroirs ardents d’Archimède, qui sont réputés avoir incendié à distance la flotte ennemie assiégeant Syracuse.
C’est bien Lucrèce qui a repris les théories de Démocrite/Epicure (341-270 avant J. C.) qui étaient conduites pour formuler une théorie globale de la vision, qui, à l’exemple du toucher, s’accomplit par l’action matérielle d’un corps sur un autre. Ainsi, la réplique fidèle d’un objet constituée matériellement d’atomes émis par sa surface, se détache et se propage dans l’espace jusqu’à l’observateur. Les intéressantes interprétations scientifiques avancées par ce savant à leur époque nous ont plus impressionnés et ont présenté pour ce paragraphe la principale porte d’entrée pour percer le mystère des premiers pas de la science de la vision comme une œuvre métaphore bien décrite: « … de ceux-ci, les uns se dissipent et se résolvent dans les airs, comme la fumée de bois vert ou la chaleur de la flamme; les autres au contraire sont d’une texture plus serrée : telles les rondes tuniques qu’à l’été abandonnent les cigales, les membranes dont les veaux se défont en naissant, ou encore la robe que le serpent visqueux quitte au milieu des ronces – dépouille flottante dont souvent nous voyons s’enrichir les buissons. Puisque de tels phénomènes se produisent, une image impalpable doit également émaner des corps et se détacher de leur surface. ».
La persistance d’un objet à la vue implique que ces éléments superficiels s’écoulent et rayonnent sans relâche de tous les objets. L’une des caractéristiques physiques de la vision est son caractère « instantané ». Les simulacres doivent être générés avec une extrême rapidité. Ainsi Lucrèce écrit : «…nombre de ces éléments minuscules, se trouvant à la surface des corps, peuvent la quitter sans modifier leur ordre, sans changer d’aspect, et avec une vitesse d’autant plus grande que, placés en première ligne, peu d’entre eux rencontrent des obstacles sur leur route… ».
Que se passe-t-il si ces simulacres rencontrent un obstacle à leur propagation? Leur comportement dépend de la nature de l’obstacle : ils peuvent le traverser, s’y abîmer ou en être repoussés et à ce sujet Lucrèce souligne que : « … un objet brillant et compact, comme l’est un miroir, s’oppose-t-il à leur marche, rien de semblable n’arrive. Ils ne peuvent le traverser comme l’étoffe, ni s’y déchirer : le poli de ces corps assure leur salut. Voilà pourquoi de telles surfaces nous renvoient les images. Aussi soudainement que tu veux, en n’importe quel temps, présente au miroir n’importe quel objet, toujours apparaît l’image… ».
Constatons tout de même l’accent particulier mis sur la fonction des miroirs et sur la notion de réflexion de la lumière. Cette théorie rend compte, du moins très qualitativement, de la possibilité de la réflexion des simulacres sur un miroir : le poli de celui-ci ne les dénature pas. Pour expliquer ce fait, Lucrèce développe l’argumentation suivante : « Mais à peine avons-nous aperçu le miroir lui-même, qu’immédiatement une image venue de nous parvient à celui-ci, et, reflétée par lui, revient jusqu’à nos yeux; et, comme, dans sa marche, elle déplace en avant d’elle une autre couche d’air, qu’elle nous fait voir tout d’abord, elle nous semble ainsi reculée au-delà du miroir, à sa distance exacte… ».
Un phénomène physique important, difficile à analyser, est la couleur des objets. Dans le cadre de la théorie atomiste, un atome n’a pas de couleur en soi. La couleur n’est pas un attribut de l’atome. Elle dépend du mouvement et de l’agencement des atomes. Quant au fait que l’on ne peut voir la nuit, Lucrèce invoque que : «…en revanche, de la lumière nous ne pouvons voir dans les ténèbres; car l’air obscur qui se trouve derrière le jour, étant plus épais, bouche toutes les ouvertures, obstrue les canaux des yeux, si bien que le choc d’aucun simulacre ne saurait ébranler la vue… ».
Cette affirmation constitue un postulat de la théorie. Pour divers observateurs, situés à des distances différentes d’un objet, il faut donc faire l’hypothèse que les simulacres émis par l’objet se comportent différemment suivant les observateurs. D’une certaine manière, l’œil de l’observateur joue un rôle actif indirect dans cette théorie puisqu’il conditionne les caractéristiques de la pyramide visuelle dans laquelle doit s’inscrire le simulacre pour parvenir à l’œil. Cette hypothèse est discutable; aussi, d’autres théories que la théorie atomiste sont proposées.
Galien et le rôle de l’œil
Des progrès sensibles sont accomplis par Galien au IIème siècle après J.C. . Il dissèque de nombreux animaux dans le but d’améliorer les pratiques médicales. Il met en évidence le rôle du nerf optique dans la vision. Il rejoint les idées platoniciennes en ce qu’il considère qu’un fluide intérieur est communiqué du cerveau à l’œil par le nerf optique, qui sensibilise l’œil et le rend apte à être impressionné par le fluide externe en provenance de l’objet. Il attribue la zone sensible au cristallin en citant : «… J’ai dit que l’humeur cristalline elle-même est l’instrument principal de la vision, un fait clairement établi par ce que les médecins nomment cataracte, qui se situe entre le cristallin et la cornée et qui interfère avec la vision … ».
La rétine joue un rôle important, mais elle n’est pas perçue comme le siège de la vision. En tant que dernière des tuniques qui compose l’œil, elle assure le lien entre l’œil et le cerveau, via le nerf optique. Elle est considérée comme une réserve de nutriments par la citation :
« Sa fonction principale est de percevoir les modifications du cristallin ainsi que d’acheminer et de diffuser les éléments nutritifs à l’humeur vitreuse». Ainsi sont faites les études de Galien qui a beaucoup enrichi la science de la vision en rendant le cristallin comme responsable de la vision par l’intermédiaire du nerf optique.
Donc, c’est au deuxième siècle de notre ère que l’optique s’est enrichie de cette nouvelle découverte qui est qualifiée aujourd’hui de fondamentale : Gallien a proposé une structure de l’œil et a essayé à l’aide de celle-ci, de comprendre le mécanisme de la vision.
Héron d’Alexandrie
et le plus court chemin
Héron d’Alexandrie (Ier siècle après J. C.) utilise la théorie du rayon visuel d’Euclide pour établir les lois de la réflexion sur la base d’un principe général. Il a démontré dans son livre sur les miroirs, que les droites brisées suivant des angles égaux sont les plus courtes de toutes celles qu’on peut mener d’un point à un autre en les faisant briser sur la même surface sous des angles différents. Il a démontré en fait qu’il existe un seul trajet qui reste le plus court que n’importe quel autre chemin pour un point quelconque de la surface réfléchissante. Pour le démontrer, il suffit de remarquer que le trajet que chaque trajet d’un côté partant d’un certain point A est égal à un autre trajet allant d’un point symétrique A’ par rapport à cette même surface qui n’est que le miroir réfléchissant.
C’est une démonstration qui est rapportée par Damianus qui conclut que « si la nature ne doit pas en vain diriger le rayon de notre vue, ce rayon doit en effet se rompre suivant des angles égaux ». La propagation rectiligne trouve ainsi sa justification dans la finalisation de la nature. Le raisonnement développé ici pour la réflexion de la lumière repose sur la propagation rectiligne de la lumière, qui satisfait elle-même au principe de plus court chemin : le plus court chemin entre deux points, dans un milieu donné, est la droite.
Ptolémée et la mesure
physique
Aux alentours de 150 ap. J. C., Claude Ptolémée accomplit un travail astronomique colossal, mettant en évidence la précession des équinoxes. Dans le domaine de l’optique, il réalise un dispositif expérimental qui lui permet de mener une étude systématique de la réfraction. Il peut ainsi noter la valeur de l’angle de réfraction pour un angle d’incidence et un milieu donnés. Le principe des expériences de Ptolémée présenté a pu donner des valeurs fiables à moins d’un demi-degré près en général. Ptolémée pensait que la loi reliant les angles d’incidence et de réfraction était d’un type parabolique et ses mesures se trouvent de fait sur une parabole. Ptolémée étend le cône visuel discret d’Euclide en un cône continu.
En résumé, jusqu’au IIème siècle de notre ère, il y a eu de nouvelles notions qui auront un rôle important dans le développement futur de l’étude de la lumière. Mais, à partir de cette époque, les prémices du déclin de la civilisation romaine ont commencé à se faire sentir avec une conséquence directe : la diminution des interrogations sur des problèmes scientifiques et culturels. Normalement, la découverte de la structure de l’organe de la vue par Gallien, devrait lever le voile sur la dernière hypothèse qui s’opposait à l’étude de la lumière. Il était alors possible d’expliquer comment se fait la perception visuelle mais l’orientation de la civilisation romaine ne permettait pas d’aller de l’avant. Tournée vers les conquêtes, elle prit la forme d’un empire guerrier et figea tout ce qui était intellectuel. Le dogmatisme s’y développa. Les cultures des pays conquis – dont certaines scientifiquement très riches, telle Syracuse d’Archimède- sont détruites, la bibliothèque d’Alexandrie, riche de plus d’un million de manuscrits, perdue. Bientôt cette société militarisée va craquer. Après la chute de Rome en 476 après J. C., deux civilisations principales vont remplacer l’empire romain : chrétienne catholique à l’Occident et arabo-musulmane dans le bassin méditerranéen.
Une autre étude peut être envisagée sur le développement de la lumière après la chute de Rome, c’est-à-dire depuis le Vème siècle de notre ère, appelée par les historiens Haut Moyen Age, jusqu’à son déclin à la fin du XIIème siècle. C’est l’époque de l’apogée de la civilisation arabo-musulmane.
* Professeur et directeur du Laboratoire de recherche en physique à l’Université Mohammed Premier d’Oujda
Par Abdelkrim Nougaoui *
Jeudi 23 Avril 2015
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