Les législatives algériennes seront-elles honnêtes ?
Les législatives algériennes seront-elles honnêtes ?
Le 10 mai, les quelque 21 millions d’électeurs algériens seront appelés à élire 462 députés, après moult réformes lancées par la présidence de la république.
Cependant, de nombreuses associations, et je citerai, entre autres, le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), le Collectif des Familles des Disparu(e)s en Algérie (CFDA), la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) et le Syndicat National du Personnel Autonome de l’Administration Publique (SNAPAP) ont vivement dénoncé les nouvelles lois adoptées en Algérie et les violations des libertés fondamentales et des droits humains qui s’intensifient.
Ces mêmes associations ont souligné les contradictions existantes entre les réformes politiques annoncées par le président de la République et les textes des nouvelles lois adoptées depuis janvier 2012.
En effet, une simple lecture de la loi fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les Assemblées élues, de la loi relative aux partis politiques, à l’information et aux associations, il apparait nettement que les nouvelles dispositions n’apportent pas des garanties suffisantes pour que les élections se déroulent de manière libre et transparente et crée même des failles au nouveau code électoral en instituant une commission supplémentaire de supervision des élections.
Il existe donc un véritable décalage entre les annonces officielles et les pratiques répressives auxquelles les autorités algériennes ont toujours eu recours pour violer les libertés fondamentales et les droits humains.
Parmi ces violations, il y a lieu de noter la dernière déclaration du ministre algérien de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, qui a menacé tous ceux ou celles qui encourageraient le boycott et qu’il envisageait de punir pénalement tout citoyen ne se présenterait pas à son bureau de vote.
Ce durcissement des autorités algériennes a été illustré par le passage à tabac dont ont été victimes plusieurs militants, qui avaient distribué des tracts appelant les citoyens algériens à ne pas voter, à la suite d’une manifestation organisée dans la capitale.
Les autorités algériennes ont oublié que la liberté des élections impose un strict respect des libertés démocratiques afin que toutes les forces socio-politiques puissent faire entendre leurs revendications sur la scène politique.
Cependant, après des années de déni des droits les plus élémentaires des citoyens, les pouvoirs du ministère de l’Intérieur sur les partis et les associations ou sur les médias ont été renforcés par les récentes lois de janvier 2012.
C’est pourquoi, il ne faut nullement s’étonner que ceux-ci recourent de plus en plus à l’émeute et aux violences pour faire entendre leurs voix sont ceux qui sont frappés par le chômage et l’exclusion, l’injustice et l’arbitraire.
Aussi, au regard, de ce qui précède, on peut affirmer que les autorités algériennes n’ont pas l’intention d’organiser des élections libres et honnêtes.
L’honnêteté des élections ne se vérifie t’elle par dans tout ce qui a trait à l’organisation du scrutin : découpage des circonscriptions, mode de scrutin, établissement des listes électorales, acheminement des cartes d’électeurs, opérations de vote dans des bureaux adéquats, dépouillement des bulletins, acheminement des urnes et enfin inscription et regroupement des résultats ?
L’honnêteté des élections n’exige t’elle pas également une répartition équitable des moyens d’information entre les différents partis et les candidats. Chacune de ces opérations doit permettre aux candidats et à leurs partis, non seulement d’être informés de tout ce qui se passe, mais de pouvoir dénoncer les fautes ou les manipulations éventuelles et d’exiger réparation ?
La réponse à cette double interrogation est évidemment oui.
A rappeler que la vérification de l’honnêteté des élections ne commence pas le jour du vote, mais dès la fixation de sa date. C’est pour cela qu’il convient de mettre en place les conditions indispensables à sa réalisation et que chacune de ces opérations exige contrôle et surveillance comme dans toutes les démocraties.
Le législateur, par la loi relative aux élections promulguée le 12 janvier 2012, a bien donné de larges pouvoirs à l’administration et aux magistrats pour veiller à l’honnêteté des élections.
Le problème est que, en Algérie, l’administration et la magistrature sont étroitement contrôlées par le pouvoir politique. Le pouvoir algérien se donne ainsi les moyens de contrôler les élections par des organes qu’ils dominent. Ainsi donc, et sous couvert d’opérations techniques, le contrôle du pouvoir et de ses administrations continue en Algérie.
Même la Commission de surveillance, composée de représentants de partis au pouvoir et d’autres sans expérience politique sur le terrain, ne pourra jouer que les seconds rôles.
Les élections législatives de mai 2012 pourront donc difficilement être considérées, dès aujourd’hui, comme libres et honnêtes, ainsi que le proclament les plus hautes autorités du pays.
Elles apparaissent plutôt comme le moyen d’une recomposition de la scène politique par le haut. Rien, dans les prochaines élections, ne semble finalement de nature à constituer une amorce de transition démocratique.
Par ailleurs, et pour faire valider la transparence et l’honnêteté de ces élections, et bien qu’il ait tergiversé pendant plusieurs mois, le pouvoir s’est mis à manœuvrer et à instrumentaliser les partenaires internationaux et l’opinion publique en vue de s’assurer et d’obtenir la caution de quelques observateurs, notamment ceux de la Ligue Arabe, de l’OCI et de l’Union Africaine.
Aussi, malgré la présence d’une délégation de l’Union européenne annoncée, sa mission sera, à l’évidence, limitée et ne pourra pas exercer un réel contrôle sur le déroulement des élections, d’autant plus qu’aucune surveillance sérieuse des élections ne peut être effectuée sans contrôle du fichier électoral maintes fois manipulé par la police politique du régime et les services du ministère de l’intérieur.
Le changement promis par les autorités algériennes est pour l’heure qualifié par la très grande majorité des algériens et les analystes comme une alliance cultivant encore cette éculée conception de l’Homme et de la Cité qui s’appuie sur les allégeances, l’autoritarisme et la corruption généralisée sous toutes ses formes.
Pour toutes ces raisons les résultats des prochaines législatives algériennes ne sauraient être approuvés par le peuple algérien qui y voit plus une sorte de dialogue du pouvoir avec lui-même et quelques redistributions de cartes qui seront qualifiées de changement et ne pourraient en aucun cas être qualifiées d’honnêtes et de transparentes.
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