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Doutes sur le Aaa français en pleine crise européenne

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L’agence de notation Moody’s a la première égratigné le « triple A » français, en se donnant trois mois pour évaluer sa perspective stable, sur fond de ralentissement de la croissance, de crise de la zone euro et d’appels à une recapitalisation des banques.
A près de six mois de l’élection présidentielle, les autorités françaises ont une nouvelle fois assuré mardi qu’elles feraient tout pour conserver cette note maximale, qui permet au pays de se financer à des coûts avantageux, et ont promis de nouvelles mesures, si besoin.
Mais leur marge de manoeuvre semble limitée car la croissance comme la confiance sont affectées au niveau mondial dans un contexte d’anxiété sur les marchés financiers.
Les valeurs bancaires ont chuté à la Bourse de Paris après l’annonce de Moody’s, tandis que le rendement sur la dette française et les assurances contre le risque de défaut (CDS) montaient, l’écart de rendement entre dettes française et allemande (spread) atteignant un plus haut depuis 16 ans.
Moody’s n’évoque pas expressément l’éventualité d’une perspective « négative » sur le Aaa français, mais, si elle venait à abaisser la perspective, un déclassement pourrait intervenir au cours des deux prochaines années.
« Le ‘triple A’ n’est pas en danger car nous répondrons présents et nous serons même en avance sur les objectifs de réduction du déficit », a dit le ministre français des Finances, François Baroin, sur France 2. « S’il le faut, nous prendrons les mesures nécessaires pour être au rendez-vous. »
« Nous mettrons tout en oeuvre pour ne pas être dégradés », a-t-il ajouté, soulignant qu' »on a encore suffisamment de niches fiscales, s’il le faut, nous continuerons de les supprimer ».

CROISSANCE GRIPPÉE
L’agence de notation déclare dans son communiqué : « dans les trois prochains mois, Moody’s va examiner et évaluer la perspective stable au regard des progrès du gouvernement dans la mise en oeuvre de ces mesures (de redressement budgétaire-NDLR), tout en prenant en compte tout développement économique et sur les marchés potentiellement défavorable ».
Moody’s évoque aussi l’augmentation probable de la contribution française au sauvetage de la Grèce et la perspective d’une recapitalisation des banques du pays, à laquelle l’Etat pourrait être amené à participer.
« La détérioration des chiffres de la dette et la possible émergence de nouveaux engagements financiers exercent une pression sur la perspective stable de la note Aaa de l’Etat » français, poursuit l’agence.
Moteur de la réduction du déficit public français, la croissance du pays devrait être l’an prochain très inférieure au 1,75% prévu par le gouvernement, ce qui risque d’infléchir la trajectoire qui doit conduire la France à un déficit public de 4,5% du PIB en 2012 et 3% en 2013, après 5,7% cette année.
Selon l’enquête réalisée par Reuters auprès d’une vingtaine d’économistes, ces derniers attendent ainsi en moyenne une croissance de 1,0% l’an prochain.
François Baroin a pour la première fois déclaré mardi que cet objectif de 1,75% était « probablement trop élevé ».
Les économistes interrogés mardi par Reuters, estiment que le ralentissement économique constitue la première menace pour la France et sa note souveraine, une menace renforcée par la possibilité d’interventions publiques supplémentaires pour résoudre la crise en zone euro et renforcer les banques.
« Le triple A français est un peu sur la sellette, surtout si l’économie française devait affronter un choc bien plus profond que ce que l’on anticipe », estime Jean-Christophe Caffet, économiste de Natixis.
Pour Gilles Moec, économiste de Deutsche Bank, « la question de la croissance est la plus importante, car elle constitue le coeur de la stratégie macroéconomique de la France ». « Ce moteur a calé, ce qui force probablement à agir plus sur le déficit structurel. »
Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management, souligne pour sa part que « si la croissance n’a pas la robustesse attendue, l’objectif de réduction du déficit budgétaire ne tiendra pas. »
Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel Leven, estime quant à lui que « la recapitalisation des banques impacterait la dette mais le vrai problème c’est la trajectoire des finances publiques et donc la croissance ».

CASSE-TÊTE EUROPÉEN ET PRÉSIDENTIEL
Moody’s souligne que le niveau d’endettement de la France est parmi les plus élevés des pays notés Aaa, tout en restant contenu grâce à un poids relativement faible des intérêts de la dette par rapport aux recettes de l’Etat.
Mais la capacité à financer de très hauts niveaux de dette « repose sur la confiance des investisseurs dans la capacité du gouvernement et sa volonté de faire face à des défis imprévus », précisé l’agence.
Une situation d’autant plus critique que le déficit chronique des paiements courants de la France lui impose de se financer auprès d’investisseurs étrangers.
François Fillon a exhorté mardi les députés à s’abstenir de toute surenchère sur le projet de budget pour 2012, dont l’examen commence ce mardi, faisant explicitement référence à l’avertissement de Moody’s.
« Dans ce contexte, le débat budgétaire doit être exemplaire », a déclaré le chef du gouvernement devant le groupe UMP, ont rapporté plusieurs députés présents à cette réunion.
Une fragilisation du « triple A » français compliquerait encore la résolution de la crise en zone euro, la France étant avec l’Allemagne le principal contributeur du Fonds européen de stabilité financière (FESF), le fonds de soutien européen, dont la notation dépend en partie de celles de ses contributeurs.
Au delà du FESF, la dynamique européenne pourrait être profondément affectée si la deuxième plus grande économie de la zone euro décrochait du meilleur élève, l’Allemagne.
La menace d’un éventuel placement sous surveillance négative du Aaa, devrait aussi limiter encore un peu plus les marges de manoeuvre des candidats à l’élection présidentielle d’avril-mai.
Le candidat socialiste François Hollande et ses proches ont déjà annoncé que leur action, s’ils remportent la présidence, sera dictée par la nécessité de préserver la confiance des créditeurs de la France.
Par Jean-Baptiste Vey | Reuters

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