Il est 22h30 ce jeudi 7 avril, l’avion commence à perdre de l’altitude. Nous arrivons à l’aéroport de Tunis Carthage.

C’est notre premier retour depuis la révolution. Mon époux Adel Thabet et moi sommes extrêmement contents de retrouver les nôtres et de découvrir cette nouvelle Tunisie.

Nous plaisantons, pour une fois nous n’avons pas à nous demander si Adel ne risque pas d’être inquiété à notre arrivée.

Nous nous apprêtons à effectuer les démarches aux frontières, nous présentons nos deux passeports. Le fonctionnaire commence à sourciller, il appelle son supérieur, ce dernier nous demande de nous mettre à côté.

Nous nous disons que les fichiers informatiques du régime de Ben Ali son toujours de rigueur, Adel doit être toujours signalé.

Le fonctionnaire nous révèle qu’ « il s’agit de madame, il y a une ressemblance de patronymes », il ne donne pas plus d’informations.

Nous protestons, rappelant que nous étions en Tunisie l’été dernier, que mon numéro de passeport doit être enregistré, de ce fait il n’y avait pas de confusion possible, il finit par lâcher « madame est interdite du territoire tunisien » !

Nous nous adressons aux autres voyageurs pour les mettre au courant.

Inutile de vous préciser que ce fonctionnaire qui livrait des informations avec parcimonie, avait encore la même attitude hautaine d’avant le 14 janvier. Nous lui disons que son horloge s’est arrêtée au 13 janvier, il répond « ça a changé pour les tunisiens pas pour les étrangers ». Peut -être faudrait –il que je précise que mon passeport est marocain.

Désormais, il rejoint son bureau, commence à téléphoner,  nous sommes à côté de lui nous l’observons. Il s’énerve ferme sa porte. Nous continuons à protester.

L’aéroport se vide peu à peu. Le fonctionnaire passe de l’autre côté des douanes, sûrement pour prendre des instructions à mon sujet.

Deux autres fonctionnaires nous rejoignent. Nous discutons avec eux, ils s’indignent, nous confient que la persistance de telles pratiques les embarrassent. Ils comprennent le pourquoi de mon signalement : mon engagement auprès des démocrates tunisiennes et tunisiens et Adel membre d’un parti non autorisé sous le régime de Ben Ali. Par contre, ils ne comprennent pas comment est ce possible alors qu’une partie de ma famille vit en Tunisie.

Il est 23h20, le fonctionnaire parti s’informer à mon sujet revient, il me tend mon passeport, sans un mot, sans excuses, il y a incontestablement un long chemin à parcourir pour que de tels comportements changent.

Si cet épisode était désagréable, je ne vous cache pas toute ma fierté. Cet évènement a scellé définitivement mes liens avec les hommes et femmes libres de Tunisie, celles et ceux qui n’ont jamais courbé l’échine.

C’est l’occasion de leur rendre hommage et de rendre hommage au peuple tunisien pour cette belle révolution, sans eux tous je n’aurais peut-être pas pu embrasser mes proches et mes amis!

Fouzia Maqsoud

Tunisie, 9 avril 2011

1 A notre arrivée, à l’aéroport de Tunis Carthage, , nous avons appris mon mari Adel Thabet et moi, que j’étais interdite du territoire tunisien. Après une attente de plus de 40 minutes, on m’a « autorisé » à entrer. En repartant pour Paris le 14 avril, j’ai demandé si j’étais toujours fichée, on m’a dit que oui et on m’a montré l’écran de l’ordinateur.