A Dieu Arkoun
C’était le mercredi soir,le 15/09/2010 qu’on apprit la nouvelle du décès d’un des grands penseurs contemporains d’origine algérienne,Mohammed Arkoun ,suite à une longue maladie. Le défunt était connu pour ses grands travaux sur l’Islam et la pensée arabo-islamique. Professeur à la Sorbonne depuis longtemps, il avait publié des dizaines d’ouvrages sur les grandes questions relatives à l’Islam et le monde arabo-musulman contemporain. Contrairement à Mohammed el Jabiri, cet autre philosophe de la pensée arabe contemporaine et à d’autres spécialistes de l’Islam ,Mohammed Arkoun avait pour tâche essentielle de marquer la rupture avec les analyses classiques de la pensée arabo-islamique qui, à ses yeux, sont obsolètes. Au lieu de se cramponner à redorer le blason de ce que les Anciens nous ont légué comme savoir, il vaudrait mieux se libérer de cette méthodologie analytique passéiste pour un renouveau de la pensée arabo-mususulmane, il était de ce fait partisan d’une approche moderniste et novatrice des textes anciens. Par exemple ,il disait que si le monde musulman n’ a pas tellement progressé depuis l’Age d’or de la civilisation arabo -musulmane au 11, 12 et 13 è siècle en Espagne Andalouse ,c’est parce qu’il s’est longtemps enfermé dans son passé au lieu de se projeter vers l’ avenir.
Il s’agissait ,pour l’intellectuel qu’il était, de faire un effort supplémentaire et des sacrifices parfois douloureux pour apporter quelque chose de nouveau ,d’efficace,de pratique et de révolutionnaire à la pensée arabo-musulmane en sortant des sentiers battus de nos exégètes musulmans. D’ailleurs, il est le premier à parler d « islamologie pratique »(islamiat tatbikia)quand il a affaire à ses questions .Autrement dit ,il s’agissait pour lui de faire ce que les Anciens n’osaient pas: avoir une interprétation moderniste du Coran ,avoir constamment un regard critique sur les textes anciens, bposer la question de la sacralité du texte coranique, adopter à chaque fois des vues modernistes sur le patrimoine arabo-musulman en l’ adaptant à l’évolution de la pensée moderne.
Voilà un peu les idées essentielles qu’il portait en lui et qu’il essayait de véhiculer dans ses ouvrages. L’audace de ses travaux lui ont valu les foudres de ses ennemis .D’ailleurs ce n’est pas un hasard s’il est critiqué voire hai par des conservateurs et des intégristes musulmans qui ,eux, préfèrent le retour aux sources et ne pas y toucher pour construire leurs raisonnements sans pour autant s’aventurer au-delà du sacré(mokassaddes) et du non-pensé.(ella mofaker fih).Lui ,c’est tout le contraire. Comme l’a bien dit Mohammed Assaghir Janjar, un chercheur marocain, Arkoun aimait être un aventurier de la raison. Sans aucun doute, ses écrits alimenteront pour longtemps encore le débat passionnant sur l’Islam entre les conservateurs et les novateurs de la pensée arabo-musulmane. Le lendemain de son décès, on lisait sur les maquettes des journaux nationaux; »Arkoun, la mort d’un penseur courageux » ou encore » Mohammed Arkoun, l’un des chevaliers de la guerre contre les vérités évidentes et indiscutables « (Al moussallamat).Adieu Arkoun. Tu peux maintenant reposer en paix. Nous sommes à Dieu et à lui nous retournons.
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