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Vent de révolte en Algérie

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La grogne sociale a gagné le front des travailleurs algériens
dans plusieurs secteurs économiques, après celle de la fonction
publique et les marches populaires pour l’emploi et le logement dans
différentes villes du pays. Le mouvement de grève dans le secteur
économique a été entamée le 2 janvier par les ouvriers de la Société
nationale de véhicules industriels (SNVI), et a gagné l’ensemble de la
zone industrielle de Rouiba, située à 15 kilomètres d’Alger. Cette
grève, aux portes d’Alger, intervient après la dernière tripartite
Gouvernement-Patronat-Union Générale des Travailleurs algériens (Ugta),
qui a remis en cause des acquis sociaux.

La réforme de la
retraite du gouvernement d’Ahmed Ouyahia, en décembre dernier, allonge
la durée de cotisation à 32 ans pour avoir une retraite complète, alors
qu’il suffisait auparavant de seulement 25 ans de cotisation, en
sachant que l’espérance de vie en Algérie est estimée à 70 ans. Le
nouveau dispositif supprime aussi l’avantage de « la retraite
proportionnelle », qui donne droit à un employé qui a dépassé l’âge de
50 ans de partir en retraite après 20 ans de travail pour les hommes et
15 ans pour les femmes. Les grévistes de Rouiba avancent l’argument de
la pénibilité du travail et du pouvoir d’achat, en estimant que la
question des retraites touche l’ensemble de la société.

Le
taux de chômage important estimé à 10%, notamment chez les jeunes, la
domination du secteur informel et du travail au noir dans le privé
estimé à 70%, rendent hypothétiques les nouvelles lois du travail que
le gouvernement a l’intention d’adopter sans avancer de date exacte.
Ces lois ne tiennent pas compte de la réalité de l’emploi et excluent
donc la majorité des employé du privé et les jeunes qui entrent
tardivement dans le monde du travail d’une possible cotisation complète
pour la retraite. Par ailleurs, la dévaluation du dinar algérien,
malgré la manne pétrolière de ces dernières années et l’augmentation du
salaire minimum en décembre 2009, n’absorbent pas l’inflation. Les
grévistes refusent la remise en cause de leurs acquis et revendiquent
une «augmentation conséquente» des salaires.

La première réponse
du gouvernement est de dépêcher, dans cette zone industrielle,
puissante de ses 50 000 ouvriers, les forces de l’ordre pour barrer la
route aux grévistes qui voulaient rejoindre la ville de Rouiba. Au
troisième jour de la grève, jeudi dernier, des échauffourées ont éclaté
faisant ainsi 5 blessés parmi les manifestants. Mais le régime semble
prendre de la prudence à recourir à la seule force de la matraque, car
plusieurs fronts de contestation s’ouvrent dans d’autres secteurs
économiques.

La direction de l’Ugta, qui a tenté de
désamorcer le mécontentement, n’est pas du goût de sa base, notamment à
Rouiba, où des syndicalistes dénoncent les concessions faites au
gouvernement. Cette organisation est la première à demander
l’annulation de l’article 87 bis de la loi du code du travail, qui
définit le Salaire minimum en y incluant les primes. L’Etat ne
reconnaît que l’Ugta pour les négociations dans le secteur économique,
choix souvent dénoncé par les autres syndicats.

Quelques
7200 sidérurgistes de la multinationale Arcelor Mittal du complexe
industriel d’El Hadjar, à Annaba, ville de l’est algérien, ont entamé
aujourd’hui une grève illimitée, afin de contester la fermeture de
l’unité cokerie. L’action a été décidée après le refus de la direction
de l’entreprise de réhabiliter cette unité, dans laquelle 320
charbonniers risquent le licenciement. Si la grève de cette unité se
propage, cela risque de faire tâche d’huile.

Les lois d’urgence,
datant des années noires du terrorisme, interdisent toute manifestion
publique et ferment le champ politique en criminalisant la
contestation. Le régime craint les débordements, notamment dans la
capitale, bien que des manifestations d’ampleur ont été tenues à
diverses occasions, dont celle du 14 juin 2001 du mouvement populaire
de Kabylie et celle du soutien au peuple palestinien en mars 2008 lors
du raid israélien sur Gaza, qui ont rassemblé chacune environ un
million de personnes.

L’Algérie, qui vit au rythme des émeutes
régulières à caractère social depuis presque une décennie, est gagnée
par la colère des travailleurs dans le secteur industriel et dans la
fonction publique (médecins, enseignants) qui tous revendiquent des
augmentations de salaires. Le gouvernement réagit pour l’instant par
une attitude qui consiste à contenir les ouvriers dans leurs usines. Il
craint par ailleurs les possibles passerelles de solidarité du
mouvement populaire actuel, qui organise les manifestations spontanées
pour réclamer du logement, du travail. Cette situation rappelle au
régime le contexte du soulèvement national d’Octobre 1988.

                                                                                                                    M. Y.

 

« Du murmure à la révolte
le chemin est long
mais il ne fatigue jamais »
           Djamal Benmerad

Suzannah Horowitz
Journaliste

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