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Construction d’un Etat Kabyle : les étapes indispensables

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Avant de parler des étapes de la construction d’un État, parlons d’abord de l’État lui-même. Qu’est-ce que c’est? Sommairement, l’État est un ensemble d’institutions coiffées par un gouvernement disposant de la puissance publique. Celle-ci est incarnée par une armée et une administration.

Il poursuit des objectifs différents selon sa nature. Protéger un peuple ou un pouvoir. Il ya des États qui asservissent les peuples et ceux qui les libèrent et les épanouissent. Les États de l’antiquité et du Moyen âge étaient ceux de l’esclavage et de l’asservissement. Les États coloniaux dont nous avons hérité prolongent toujours des pratiques aux antipodes de la démocratie et des droits humains. Pour un peuple, la mise sur pied d’un État répond à une nécessité vitale : être maître de son propre destin, s’autogouverner et cesser d’être malmené par un État qui lui est hostile et étranger. L’État est au peuple ce que la maison est à la famille. C’est un espace de vie organisé, mettant ses membres à l’abri des éléments et des prédateurs, un havre dédié au confort et l’intimité. Un peuple sans État est de nos jours, un peuple orphelin, un peuple colonisé. C’est le cas des Kabyles.

Le peuple kabyle est encore un peuple colonisé.

Après la colonisation française, le peuple kabyle croyait enfin pouvoir accéder à son propre État. Il s’était gravement trompé en ayant pris l’État algérien pour le sien. Celui-ci s’est avéré être son pire ennemi. À travers le soulèvement armé derrière le FFS (29 septembre 1963 au 14 mars 1964), la Kabylie avait perdu son ultime bataille pour le contrôle de l’État algérien. Les tentatives du néo FFS et de son clone RCD pour le récupérer apparaissent de ce fait bien dérisoires, voire puériles au regard de cette impossible entreprise. En tant que partis « kabyles », ces deux formations ne sont en fait que des Don Quichotte des temps modernes ! En tant qu’Algériens, les Kabyles n’ont même pas la reconnaissance officielle en tant que « minorité nationale ». Le peuple kabyle est nié dans son existence et vit sous la menace de sa disparition à travers la politique de dépersonnalisation à laquelle le soumet l’État algérien par le biais de l’école, de l’administration et des médias. N’ayant pas d’État qui lui soit propre, la Kabylie est colonisée par un autre. L’État algérien n’est pas celui de la Kabylie, mais son fossoyeur, son assassin déclaré. C’est ce qui explique pourquoi, depuis 1962, l’affrontement ouvert ou sournois a toujours caractérisé leurs relations.

L’occupation militaire de la Kabylie depuis 2004 est là pour nous rappeler au moins deux choses : 1) l’État algérien a pour objectif de nous tirer dessus et non de nous protéger. 2) Lui qui n’a jamais eu confiance en nous, redouble plus que jamais de méfiance et de haine à notre encontre. Il nous a toujours surveillés comme du lait sur du feu. Il n’a pas hésité à tirer sur nos enfants et à assassiner nos élites quand il n’a pas pu les corrompre. Il n’hésitera jamais à le refaire chaque fois qu’il en sentira la nécessité. Par la répression et l’absence de débouchés, il a poussé la plupart des Kabyles à l’exil. Par la fiscalité il s’entête à essorer l’économie kabyle jusqu’à l’étouffement. En s’érigeant en tant que seul banquier et seul patron de l’Algérie, il fait du chantage à nos municipalités devenues des relais de la misère et de la corruption, de la dictature et des passe-droits. Par la mosquée, il réhabilite des assassins qui tentent d’imposer l’islamisme et l’intolérance dans les têtes de nos jeunes et des villageois illettrés… C’est dire combien la Kabylie est politiquement, militairement et culturellement colonisée. Aujourd’hui, elle n’a plus le choix. La Kabylie doit à tout prix se doter de son État si elle veut continuer de vivre, de perpétuer le souffle de ceux qui ont fait son âme depuis la nuit des temps. Elle est arrivée à un point de non-retour pour la construction de son avenir qui passe prioritairement par la construction de son État.

Première étape : la reconstruction d’une conscience nationale kabyle.

Restée latente et frileuse des décennies durant, elle commence à avancer à pas de géant. La reconstruction de la conscience nationale kabyle a débuté avec la guerre du FFS. La défaite de 1964 était si amère à digérer que chaque kabyle s’était mis instinctivement à ruminer, seul ou en groupe, un désir de revanche. Faisant face à une répression toujours sauvage, les élites kabyles ont entretenu une conscience qui leur est propre à travers l’avatar amazigh. La générosité dont elles ont toujours fait preuve à travers leurs appels à la fraternité, à la redéfinition de l’algérianité à laquelle elles essayaient vainement d’incorporer la Kabylie, n’était qu’une manière pour elles de légitimer un peu plus notre besoin de conscience nationale kabyle. L’expérience du FFS et du RCD ont fini par produire cette certitude qui se retrouve dans « A?urru », la chanson-testament de Matoub Lounès et selon laquelle dès lors que le Kabyle est aussi isolé, il n’a pas d’autre choix que de se construire sa patrie. Le « printemps noir » de 2001 a été le moment où cette conscience est sortie au grand jour. Timidement dans la « plate-forme d’El-Kseur », courageusement avec le MAK. Les dernières marches organisées par ce dernier ont drainé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de la Kabylie en faveur d’un État kabyle.

Le mouvement associatif kabyle, autrefois tapi derrière l’amazighité commence à basculer dans la revendication d’une identité spécifiquement kabyle. Ainsi, en France, la fédération des ACB (Associations culturelles berbères) s’est rebaptisée en CABIL, un sigle qui réaffirme sa kabylité. Un autre témoin de ce basculement est l’ACB des Kabyles de l’Essonne d’Athis-Mons. Sinon, l’ATKP (Association des Taxis kabyles de Paris) est la première organisation corporatiste à se revendiquer clairement de son appartenance au peuple kabyle, à donner une réalité à sa conscience nationale kabyle. L’Association des Kabyles de Suisse, Solidarité Québec-Kabylie, amitié Allemagne-Kabylie, la radio kabyle-FM… sont autant de bourgeons qui vont amplifier l’émergence de cette conscience nationale kabyle. Ponctuée régulièrement par des marches, des actions quotidiennes sur le terrain, en Kabylie ou à l’étranger, son avenir est garanti.

On peut même dire que cette étape est aujourd’hui, en voie d’achèvement. Beaucoup de chanteurs, de poètes, de caricaturistes, d’intellectuels, le peu de cinéastes et d’écrivains actuels commencent à lui dédier leur temps, leurs œuvres et leurs espoirs. L’amplification de ce mouvement à travers une plus grande implication des élites et des producteurs culturels est attendue. Le mouvement associatif est appelé à s’élargir autant que faire se peut en faveur de la Kabylie et de son identité. L’aspiration à un destin de liberté du peuple kabyle est de plus en plus massivement partagée. À cet effet, je lance un appel à tous ceux qui restent encore en dehors de ce mouvement pour le rejoindre à travers des productions, des prises de position officielles et des cotisations pour conjuguer nos efforts dans la fraternité et la solidarité en vue de l’avenir de paix et de liberté pour notre jeunesse actuelle et nos futures générations, pour les enfants, de nos enfants. Le MAK leur tend la main et leur ouvre ses bras pour qu’ensemble nous remportions très vite cette bataille sans précédent de notre destin commun.

La deuxième étape : se donner les attributs de la souveraineté.

Le MAK a déjà entamé la phase d’une carte d’identité kabyle. Un concours est lancé et d’ici le mois de juin, ce document sera opérationnel et mis en circulation pour tous ceux qui le souhaitent. Plus tard, il sera loisible de passer à la confection d’un passeport kabyle. Les Kabyles ont à monter leur propre administration, leur propre économie et leurs propres sphères de concertation et de décision. À cet effet, la mise hors la loi de l’institution judiciaire algérienne est une nécessité. Pour échapper à l’injustice à laquelle le peuple kabyle est soumis, il y a lieu de revenir à la tradition kabyle de résolution des conflits et cesser de s’adresser à l’arbitraire d’une « justice » d’une autre langue, d’une autre jurisprudence et d’un autre code pénal étranger à notre culture et opposé à nos intérêts. Des cours de kabyle sont à généraliser à travers un enseignement dans les villages et les quartiers de nos villes, au sein de l’émigration.

La troisième étape : l’internationalisation de la question kabyle

Depuis son émergence, le MAK a entrepris des actions auprès des instances internationales. Il a été reçu par des institutions de l’Union Européenne, des parlementaires de nombreux pays, le State-Department aux États-Unis, au Parlement québécois et, le 26 mai 2009 à la tribune de l’ONU dans le cadre du Forum permanent des Nations Unies pour les peuples autochtones. Aujourd’hui, le MAK est représenté dans de nombreux pays occidentaux par des cadres qui démarchent et sensibilisent sur le sort de la Kabylie et de son peuple. Pour en accentuer l’action, disposer de nos propres médias est une nécessité absolue.

La dernière étape : la mise sur pied d’institutions officielles, dont celle d’un gouvernement kabyle.

La mise sur pied d’un État et de ses départements articulés sur les instances de la Kabylie viendra parachever ce processus. Solennellement, en ce 16 janvier 2010, à partir de Montréal, devant les hommes et devant l’Histoire, je déclare ouverte la construction officielle de l’État kabyle. Elle prendra le temps que les épreuves lui imposeront, mais elle ira jusqu’au bout. C’est ma certitude.

Ferhat MEHENNI
 

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