Où va la crise financiére ?
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Où va la crise ?
Michel Husson, à paraître dans Les cahiers du socialisme (Québec)
Face au séisme actuel et au délire des marches, un peu de recul est
nécessaire pour comprendre les racines sociales de la crise. C’est d’autant
plus nécessaire que les enjeux sociaux de la récession qui vient sont
considérables.
Une crise à plusieurs étages
La crise actuelle n’est pas qu’une crise financière. Elle combine différents
éléments qu’il faut prendre dans leur totalité pour en comprendre la
profondeur. Pour aller à l’essentiel, c’est une crise qui touche aux
fondements mêmes du capitalisme. Tout commence avec le grand tournant
des années 80, marqué à l’intérieur de chaque grand pays capitaliste par
une dégradation du rapport de forces entre capital et travail au détriment
des salariés. Un nouveau mode de répartition se met en place qui s’appuie
sur la baisse tendancielle de la part des richesses produites revenant aux
salariés1. Le taux de profit se rétablit mais ne conduit pas à une
augmentation comparable du taux d’accumulation2. Autrement dit, la part
du profit non investi s’accroît et engendre un flux permanent de « capitaux
libres » prenant la forme d’actifs financiers à la recherche d’une rentabilité
maximale.
La mondialisation a renforcé ce processus : la liberté de circulation des
capitaux, la déréglementation bancaire, le recours aux délocalisations, ont
permis d’aggraver la pression sur les salaires. En revendiquant une hyperrentabilité
maximale, la finance impose ses critères et réduit les projets
d’investissement considérés comme suffisamment rentables.
Une première interprétation consiste à distinguer le « bon » capitalisme
productif du « mauvais » capitalisme financier. La finance est alors
présentée comme un parasite, une excroissance, qu’il suffirait d’éliminer
ou de « réguler » pour revenir à un fonctionnement « normal » du
capitalisme. Nous pensons au contraire que le capitalisme contemporain
est un « pur capitalisme » en ce sens que la finance n’est pas une
distorsion mais au contraire le moyen pour qu’il fonctionne pleinement
selon ses propres critères : l’essence du capitalisme est toujours la
recherche d’un profit maximum qui passe par l’exploitation des travailleurs
et il a toujours eu comme vocation de s’étendre à l’ensemble du monde.
Mais le roi est nu : le capitalisme préfère ne pas répondre aux besoins
sociaux insuffisamment rentables plutôt que de risquer de voir baisser le
taux de profit.
1 Michel Husson, « La hausse tendancielle du taux d’exploitation », Inprecor n°534-535,
janvier-février 2008.
2 Michel Husson, « Le taux d’accumulation ne suit plus le taux de profit », note hussonet
n°2, 25 septembre 2008.
2
La crise financière résulte au fond d’une revendication impossible du
capital, celle d’obtenir pour l’ensemble des capitaux investis une rentabilité
alignée sur les rendements que les actifs financiers procurent sur certains
segments. Mais la loi de la valeur intervient périodiquement pour rappeler
que le volume des richesses produites est borné par l’extraction de plusvalue,
bref qu’on ne peut pas distribuer plus de richesses qu’on en produit.
Les actifs financiers ne sont au fond que des droits de tirage sur la plusvalue.
Leur valeur nominale est en un sens virtuelle car seule compte
l’épreuve de leur conversion en biens réels, ce qu’en paraphrasant Marx, on
pourrait appeler le grand saut périlleux du monde du capital fictif dans
celui de la marchandise.
Tout ceci n’a rien d’abstrait et correspond à l’expérience qu’ont déjà
connue et risquent de connaître à nouveau les salariés dont les retraites
dépendent du destin des fonds de pension. Pour eux, le saut périlleux se
fait quand ils font valoir leurs droits à la retraite et découvrent que leur
niveau réel dépend des cours de Bourse du jour. Une analyse récente nous
apprend ainsi qu’au cours des quinze derniers mois, la crise financière a
entraîné aux Etats-Unis une perte de 2000 milliards de dollars pour les
fonds de pension3.
Politiques néo-libérales et « techniques » financières.
Pour que la bulle puisse prendre son essor, les capitaux disponibles ne
suffisent pas ; il faut aussi que la réglementation n’y fasse pas obstacle. Or,
elle a été tournée par des décisions d’ordre politique et par la mise en
oeuvre d’innovations financières sophistiquées et de pratiques de plus en
plus opaques. On peut citer l’effet de levier qui permet de démultiplier la
somme dont une institution financière dispose initialement. Les produits
dérivés permettent des opérations compliquées d’achat et de vente à
terme. Les banques peuvent se débarrasser de leurs créances douteuses en
les plaçant avec d’autres dans une sorte de pochette-surprise qui peut
ensuite être vendue sous forme de titre (d’où le terme de titrisation). Le
risque attaché aux différentes créances se met à circuler et ne fait plus
partie du bilan, échappant ainsi aux règles prudentielles qui imposent une
certaine proportion de fonds propres.
La crise des subprimes a éclaté sur un segment relativement étroit, celui
des prêts consentis à des ménages pauvres et garantis par la maison qu’ils
achetaient. Ces contrats étaient de véritables escroqueries puisque les
banques savaient pertinemment qu’ils ne seraient pas remboursés. Mais la
titrisation permettait de s’en débarrasser. Le retournement du marché
immobilier a coïncidé avec les premières faillites de ménages : la vente des
maisons sur lesquelles étaient gagées ces créances pourries n’était plus
possible, ou à un prix qui ne couvrait plus le crédit initial. La crise
immobilière a ensuite déclenché une réaction en chaîne : les banques ont
découvert leurs pertes l’une après l’autre, ont été progressivement dans
3 Peter Orszag, « Effects of financial market turmoil on pensions », 7 octobre 2008.
3
l’incapacité d’obtenir de nouvelles sources de financement pour couvrir ces
pertes. Pour enrayer une série de faillites en cascade, les Banques centrales
et les gouvernements ont injecté de l’argent ou « nationalisé » une partie
des banques.
Une crise mondiale
Déréglementation, mondialisation et financiarisation vont de pair. Ce qu’il
y a de nouveau dans la phase actuelle de la mondialisation, c’est qu’elle
concerne la production qui se fait à cheval sur plusieurs pays ou continents
et qu’elle met directement en concurrence les salariés du monde entier.
Cela suppose une liberté totale de circulation des capitaux dont l’un des
aspects est la déréglementation qui leur permet effectivement d’aller et de
venir à leur guise. La financiarisation décuple les effets classiques de la
concurrence en permettant aux capitaux « libres » de faire pression pour
atteindre la rentabilité maximale.
Cette crise est la première à revêtir un caractère mondial. Elle a cependant
pris naissance au sein de l’économie la plus puissante et on peut affirmer
qu’elle marque la fin d’un modèle. Depuis au moins quinze ans, la
croissance des Etats-Unis était en effet fondée sur une tendance à la
surconsommation financée par le reste du monde. A l’intérieur, le taux
d’épargne des ménages baisse constamment depuis une dizaine d’années
et il est aujourd’hui à peu près nul. Ce dynamisme de la consommation
était de surcroît renforcé par l’endettement. Cette configuration se solde
sur le déficit commercial qui s’est creusé à proportion de cette
surconsommation. Le modèle ne pouvait tenir qu’à la condition que le
déficit soit financé par des entrées de capitaux en provenance des pays à
excédent (pays émergents et/ou producteurs de pétrole)4.
On constate que le modèle US repose sur une double imbrication de la
finance et de l’économie réelle. A l’intérieur, c’est le crédit hypothécaire et
l’enrichissement patrimonial qui ont tiré la consommation ; à l’extérieur, ce
sont les capitaux qui l’ont financé. Ce modèle n’était pas soutenable,
comme le montraient aux Etats-Unis mêmes des économistes simplement
lucides. Il n’a a pu se maintenir aussi longtemps que par une véritable fuite
en avant qui explique l’ampleur de la crise actuelle. La précédente a été
l’éclatement de la « bulle Internet » en 2000. Ce choc considérable a été
amorti par un ensemble de mesures dont les principales ont été
l’augmentation des dépenses militaires et la baisse du dollar. D’une
certaine manière, les facteurs de domination politique et militaire des
Etats-Unis venaient se substituer à une domination strictement économique
en perte de vitesse.
4 Michel Husson, « Etats-Unis : la fin d’un modèle », La Brèche n°3, 2008.
4
Ce modèle ne peut plus fonctionner, et il n’y a pas à horizon prévisible de
modèle de rechange. L’une des lignes de force de la période ouverte par la
crise est alors la suivante : faute de pouvoir rééquilibrer leur modèle de
croissance, les Etats-Unis vont chercher à reporter sur le reste du monde
les coûts d’une incertaine transition. C’est sur le cours du dollar que vont
se cristalliser les tensions prévisibles, parce que sa baisse risque de peser
sur l’activité économique en Europe et de décourager l’afflux de capitaux
qui reste nécessaire. Il est difficile de mieux préciser les contours de cet
« ajustement » mais il est sûr que l’évolution économique mondiale sera en
grande partie déterminée par les mesures prises aux Etats-Unis pour
imposer au reste du monde les coûts de la sauvegarde de leur domination.
La trajectoire de la crise
Au moment où ces lignes dont écrites (11 Octobre), la situation est une
véritable débâcle, puisque la chute des cours boursiers n’a pu être enrayée
par une longue série de mesures et de prises de position sans précédent : le
plan Paulson a été voté, des sommes considérables ont été injectées, des
nationalisations partielles sont intervenues, et les principales banques
centrales ont de manière coordonné baissé leur taux d’intérêt d’un demipoint.
Que tout ceci soit resté n’est pas facile à expliquer. On assiste sans
doute à un bras de fer entre les autorités et un certain nombre
d’intervenants qui en veulent encore plus sous forme d’argent frais ou de
reprise de leurs actifs pourris. Certaines banques tablent probablement sur
la possibilité d’en racheter d’autres à un prix encore plus bradé.
Mais le panorama général est celui d’une véritable panique qui gagne les
dirigeants. Que Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale
européenne, ait pu s’adresser aux marchés en leur disant « reprenez vos
esprits » en dit long sur cet état de désarroi qui n’est pas feint. Mais il y a
quelque chose de rationnel dans cette panique, c’est l’intuition que derrière
la crise financière se dessine une véritable crise économique. C’est
probablement le fait que la récession a déjà pris le relais du krach boursier
qui fait obstacle à une sortie de la crise financière que l’on pouvait
raisonnablement attendre compte tenu de l’ampleur des différents plans
de sauvegarde.
Le spectre de 1929 est en train de réapparaître. Jusque là, beaucoup
d’observateurs pouvaient à juste titre souligner la différence avec 1929 : les
gouvernements et les autorités financières avaient cette fois pris la mesure
de la crise et leur intervention empêcherait qu’elle suive le même scénario
qu’en 1929. Ce n’était pas faux, mais l’incapacité de ces interventions à
mordre sur la situation et à faire repartir les Bourses à la hausse conduit à
changer de perspective.
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Ce qui est dorénavant à l’ordre du jour, c’est la récession économique tout
court. Le FMI vient de réviser en baisse ses prévisions5 : en 2009, la
croissance serait à peu près nulle (0,5 %) dans les pays développés après
un fort ralentissement en 2008 (1,5 %). La croissance mondiale, soutenue
par les pays émergents et en développement ralentirait à 3 %. Pour le FMI,
« la reprise n’est pas encore en vue » et ne pourra être que « graduelle
quand elle arrivera ». Un tel scénario est qualitativement le seul que l’on
puisse avancer. Il arrivera bien un moment où les Bourses vont toucher le
fond et commencer à remonter, sans que l’on puisse dire aujourd’hui quel
est le degré nécessaire d’intervention publique qui sera nécessaire. Mais la
sortie de la crise financière sera, et est déjà, extrêmement coûteuse et la
récession prendra immédiatement le relais. C’est le credit crunch (personne
ne veut plus prêter à personne) qui assure l’interface entre les deux crises.
Les restrictions de crédit aux ménages s’ajoutent à la baisse du pouvoir
d’achat, l’activité des entreprises est bloquée par le manque de crédit, et ce
phénomène touche en ce moment des géants industriels comme Ford ou
General Motors, déjà menacés par la chute de leurs ventes.
Contrairement à d’autres épisodes similaires mais de moindre ampleur, le
retour à la normale prendra un temps proportionnel aux sommes
englouties, et le plus probable est un scénario à la japonaise. La crise
bancaire et immobilière du début des années 1990 avait débouché sur une
décennie de croissance à peu près nulle de l’économie japonaise. A cette
différence près cependant : on avait pu invoquer dans le cas japonais des
erreurs de politique économique, alors que le facteur principal de blocage
sera la difficulté de définir une configuration cohérente de l’économie
mondiale. La crise est en effet une crise structurelle qui rend impossible le
retour aux modèles de croissance suivis par les Etats-Unis et l’Union
européenne et même, à un horizon plus incertain, par la Chine.
Les enjeux sociaux
Une grande incertitude pèse donc sur la trajectoire de l’économie mondiale.
Mais une chose est sûre : les classes dominantes vont tout faire pour
reporter les effets de la crise sur les salariés et sur la majorité de la
population. La facture de la crise financière et la récession vont se
combiner pour peser sur l’emploi, le pouvoir d’achat et sur les budgets
sociaux. Pour empêcher les capitalistes de rétablir leurs profits au
détriment du bien-être social, il existe alors deux principaux axes de
riposte.
Le premier est la nationalisation intégrale des banques et des assurances. Il
ne s’agit pas ici de faire de la surenchère mais d’apporter une réponse
simplement cohérente à la crise financière. L’argent public des différents
plans de sauvegarde risque de ne servir qu’à racheter les titres « toxiques »
qui ont déclenché la crise. Il serait trop facile que les banques et autres
institutions financières voient leurs pertes couvertes par des fonds publics
5 FMI, World Economic Outlook, October 2008.
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tout en conservant leurs profits. Or, c’est bien la fonction, par exemple, du
plan Paulson aux Etats-Unis, comme le montre un économiste de banque
français, peu suspect d’anticapitalisme6.
Une nationalisation qui ne soit pas partielle et ne se limite pas à des prises
de participation provisoires permettrait seule de vraiment « ouvrir les
livres de compte », de consolider les créances croisées, de sauver les
victimes de l’escroquerie des subprimes plutôt que de préserver les profits
bancaires. Les avocats de la finance reconvertis n’ont qu’un mot à la
bouche, celui de régulation. Mais les régulations qui existaient ont toutes
été tournées par des innovations financières de plus en plus sophistiquées
et il n’existe pas d’autorité pour les faire appliquer au niveau mondial. Il
faut évidemment soutenir des mesures comme l’interdiction des paradis
fiscaux mais on ne peut faire confiance aux autorités monétaires pour
réguler durablement la finance.
Outre la maîtrise qu’elle permet, cette nationalisation devrait déboucher
sur la création d’un pôle financier public, reconnaissant ainsi que le crédit
et l’assurance relèvent du service public. La crise actuelle a démontré que
la finance privée conduit à la catastrophe sociale. Reste en somme à
réhabiliter l’idée d’un crédit durablement nationalisé, ce qui n’est possible
que si est mise en place une gestion démocratique plaçant le crédit au
service des priorités sociales.
Le second axe porte sur la répartition des richesses et repose sur une idée
simple. S’il y a récession, il serait intolérable que les salariés subissent une
nouvelle dégradation de leur situation, uniquement pour que les
entreprises puissent continuer à verser des dividendes. Le moyen le plus
lisible d’affirmer cette exigence est de proposer un plan de transfert des
dividendes vers un fonds pour l’emploi et les salaires, géré lui aussi sous
contrôle des travailleurs. Dans le même temps, et il s’agit d’une mesure
d’urgence minimale, le maintien du pouvoir d’achat devrait être garanti par
l’échelle mobile des salaires, autrement dit par leur indexation sur les prix
Dans les deux cas, un principe essentiel doit être défendu, c’est celui du
contrôle démocratique. Il correspond à l’idée parfaitement légitime selon
laquelle les salariés n’ont pas à faire les frais du sauvetage du capitalisme
et qu’ils doivent donc avoir un droit de regard sur les mesures prises et sur
la répartition des richesses. La crise du capitalisme n’implique pas
mécaniquement un meilleur rapport de forces en faveur des travailleurs ;
elle a au contraire toutes les chances d’être le prétexte à de nouveaux
reculs sociaux. Mais la déconfiture du système ouvre en même temps un
espace nouveau aux luttes sociales qui seront d’autant plus victorieuses et
porteuses d’avenir qu’elles prendront une dimension anticapitaliste
affirmée.
6 Patrick Artus, « Le but ultime du plan de sauvetage des banques aux Etats-Unis s’il est
mis en place : redonner de la rentabilité aux banques », Natixis, Special report n°97, 26
septembre 2008.
1 Comment
L’économie algérienne dans le rouge : L’Etat face à la crise
L’Etat algérien va-t-il enfin pouvoir tordre le cou aux intérêts mafieux, ceux qui imposent à la collectivité nationale — en s’appuyant sur la formidable « puissance » de la bureaucratie, noyautée par des réseaux occultes — l’importation massive de denrées, produits en tout genre… qui auraient pu être, depuis déjà de longues années, fabriqués en Algérie ? La crise économique mondiale est à nos portes. Si notre système bancaire et financier n’a pas été touché « en raison du retard mis à le moderniser », le ralentissement des économies des pays développés, y compris celle de la Chine, porte un coup dur au marché de l’énergie. L’Opep est aujourd’hui incapable de défendre un prix de pétrole oscillant entre 60 et 80 dollars, à moins d’une très forte réduction de la production. Ce qui n’est pas du tout évident.
Le cycle d’un prix du pétrole élevé inauguré en 1999 s’achève. Les pays producteurs de pétrole vont devoir batailler fort pour empêcher un effondrement du marché du brut ; le scénario de 1986, avec un baril à 6 dollars, est encore dans tous les esprits. L’économie algérienne est, de nouveau, exposée à tous les périls. Tous les dangers. Le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a eu le courage d’avertir, le 25 juin dernier, lors du congrès du RND, du risque de voir le prix du pétrole passer en dessous des 60 dollars : « Tous les projets du pays seraient chimériques et sans lendemain. » Le président Bouteflika prend le relais le 26 juillet, face aux maires, en critiquant sévèrement les investisseurs étrangers qui font des bénéfices sur le dos de l’Algérie. L’aisance financière est un mythe. La cagnotte financière (140 milliards de dollars) risque d’être aspirée en quelques petites années. La fragilité légendaire de l’économie algérienne se vérifie encore une fois. Le coût social sera élevé, sans préjuger du reste… L’on se pose à nouveau cette question qui taraude continuellement les esprits : est-il normal que la facture alimentaire du pays soit encore à ce point élevée ? Pourquoi toutes ces importations de voitures qui coûtent très cher à la Banque centrale en termes de devises, et l’on apprend, au détours d’une déclaration de la vaillante Unop, que pas moins de 15 unités de médicaments sont fermées pour donner libre cours à l’importation. Qui profite de ces situations de rente si l’on exclut les firmes étrangères ? Depuis 1999, des dizaines de milliards de dinars ont été engloutis par l’agriculture, beaucoup d’argent a été détourné à cause d’une gestion aléatoire des fonds de développement de ce secteur. L’Etat est floué dans cette affaire ; nos importations de produits alimentaires (céréales, sucre, lait, huile, café, légumes secs…) n’ont cessé de gonfler, aggravées, il est vrai, par les augmentations des prix à l’échelle mondiale. Peu importe, les experts algériens (Mme Chaulet, Aït Amara, Bessa, Bedrani…) s’évertuent à longueur d’année, dans les colloques, à travers les colonnes de journaux… à tirer la sonnette d’alarme. Aucun répondant des pouvoirs publics. Ils prêchent dans le désert…
La rente impose ses schémas économiques et son mode opératoire pour l’agriculture. C’est le tout nouveau ministre de l’Agriculture, Rachid Benaïssa, dont la voix était étouffée jusque-là, qui vient d’admettre le danger d’une telle dépendance, au moment où la devise va se faire rare pour pouvoir satisfaire les besoins alimentaires des Algériens. Il ne s’agit pas de verser dans le catastrophisme, mais l’on risque, si l’Etat ne réagit pas avec célérité, avec les stratégies adéquates, de revivre des moments pénibles et franchement désastreux pour la population. Il est dans la capacité de notre pays d’amener, à moyen terme, un taux de couverture d’au moins 70% de nos besoins alimentaires par la production nationale. C’est avant tout une question de décision politique. Les pouvoirs publics doivent faire preuve de volontarisme. Une politique conséquente de soutien à la production nationale revêt un caractère extrêmement urgent. Si l’Etat n’agit pas en empruntant le bon chemin, celui de la rigueur, de la production, il ne faut pas s’étonner que l’on renoue avec l’emprunt extérieur dans 3 ou 4 années pour nourrir la population. C’est une perspective peu glorieuse pour l’Algérie et l’aveu d’une faillite économique… Il en est de même pour l’industrie, totalement laminée par l’informel, dans l’indifférence générale. La crise à nos portes doit être, au contraire, le motif de bousculer les certitudes, de remettre tout à plat, d’analyser les incohérences et de situer les dépendances et les responsabilités. L’Etat doit s’attaquer aux situations de rente si l’on veut, malgré notre pétrole, éviter le naufrage économique.
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